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Archive & Chronique : « Mes chers parents, et si nous allions nous dissoudre ? »

Lorsqu’on apprend une langue, l’une des premières choses que l’on veut généralement connaître sont quelques grivoiseries ou du moins une poignée d’insultes. Au Cambodge, on sépare généralement les insultes à destination des hommes de celles portées contre les femmes...

Au Cambodge, on sépare généralement les insultes à destination des hommes de celles portées contre les femmes
Au Cambodge, on sépare généralement les insultes à destination des hommes de celles portées contre les femmes. Photo Shutterstock

Monsieur par ci, Monsieur par là

Au début je m’étonnais de ce que les gens m’appelaient en mettant monsieur devant mon prénom. Monsieur Frédéric par ci, monsieur Frédéric par là ! Charmant, mais étonnant. La raison est simple. Ici, le nom précède le prénom. En énonçant son identité à la française (prénom – nom), ou en l’écrivant de cette manière, un Cambodgien à qui vous donnez votre carte de visite croyant vous appeler par votre prénom vous appellera en fait par votre nom. Sauf ceux, bien entendu, qui sont familiarisés avec ce fait. Les Cambodgiens ont d’ailleurs souvent plusieurs noms (officiel, dans la maison, au travail, surnom, etc.) Lorsqu’on s’adresse directement à une personne, on utilise soit son prénom entier, soit seulement la dernière syllabe de son prénom. Thavy deviendra ainsi Vy. Ou pour embellir la chose, on ajoutera la lettre A devant la dernière syllabe. Sokchenda deviendra ainsi Ada plus agréable que Da.

Complications

La chose se complique lorsque la dame devient mère. Elle perdra alors son prénom pour se voir appeler par le prénom de sa fille précédé de Mé. Ainsi, Thavy qui a une fille prénommée Dathsy deviendra Mé Sy (la mère de Sy) ! Simple non ? Et le bébé Dathsy sera longtemps appelé Oun Sy jusqu’à ce qu’elle soit assez grande pour changer son prénom surtout auprès des copines à l’école.

Orientation

S’orienter au Cambodge ne se fait pas grâce à Google Map. Les utilisateurs occidentaux des différentes compagnies de taxis fonctionnant grâce à des applications sur des téléphones en savent quelque chose. À peine leur demande acceptée et malgré leur géolocalisation sur une carte virtuelle, le chauffeur passe un coup de fil pour savoir où ils se trouvent. Les Cambodgiens s’orientent à partir d’ilots dans un espace non pas continu, mais constitué en peau de léopard. Ils utilisent des éléments importants dans le paysage urbain comme des marchés, des pagodes, etc. Ainsi la rue 240 leur est généralement inconnue alors que tous les chauffeurs connaissent parfaitement la Pleuv Rong Damrey, la rue de l’abri des éléphants (situé dans le coin sud-est du Palais royal).

Au Cambodge, mais pas seulement, en Thaïlande également, on ne s’oriente qu’en se référant aux points cardinaux.

Si votre épouse vous dit d’aller chercher la serviette de bain dans l’armoire de votre chambre, elle précisera qu’elle se trouve à l’est ou à l’ouest dans cette armoire, vous désignant ainsi, selon son système de localisation, si vous devez ouvrir la porte à main gauche ou à main droite. Un Cambodgien sait immédiatement où il se trouve par rapport au soleil là où l’Occidental devra prendre quelques minutes pour visualiser la rose des vents…

Là aussi, la traduction des quatre points cardinaux est tout à fait extraordinaire de symbolisme : Le nord (Khaing Tcheung) se traduit par : du côté des pieds ; le sud (Khaing tböong) est désigné par le côté des pierres précieuses ; l’est (Khaing kaoet) est le côté de la naissance (le soleil se lève à l’est) et enfin l’Ouest, se situe là où disparaît le soleil (Khaing leck).

Grivoiseries

Lorsqu’on apprend une langue, l’une des premières choses que l’on veut généralement connaître sont quelques grivoiseries ou du moins une poignée d’insultes. Au Cambodge, on sépare généralement les insultes à destination des hommes de celles portées contre les femmes. Outre les traditionnels « voleuses » et « porte la poisse », on peut traiter une femme de « foie noir », d’« esclave », d’« impassible », d’« imparfaite », de « tête dure » et surtout, comble de l’insulte, de « dépensière » ! Toutes ces insultes démarrent par le mot Mi, indispensable pour le côté agressif de l’invective.

Pour les hommes, on se lâche davantage avec des vilipendes étonnantes comme « chaîne de vélo » (À Tchröva : qui signifie en réalité : va te faire menotter ») ou encore : « va prendre des balles espèce de vagabond (A ké bagn A youkôong) » ! Et si cela ne suffisait pas, on peut encore rajouter : « va te faire frapper par la foudre (A rountéah bagn) » ou encore, « va te dissoudre (A roliéy) » ! Ici c’est la lettre A qui renforce le caractère insultant. Ne traitez jamais quelqu’un de « sale chien », c’est la pire insulte qui soit !

Pour finir, sachez enfin que le verlan est très présent au Cambodge, mais il n’est quasi exclusivement employé que pour des phrases coquines que la pudeur nous interdit de dévoiler ici… Des concours de verlans sont même organisés à la télévision locale lors d’émissions de divertissements, l’occasion d’immenses fous rires pour les participants et le public !

Et certains pensent encore que le cambodgien est une langue simpliste, car elle ne possède ni passé simple ni futur composé et que les noms ne possèdent ni article défini et indéfini !

Alors, mes chers parents, évitez la foudre, ne vous faites pas enchaîner et n’allez surtout pas vous dissoudre ! Frédéric Amat

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