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CCIFC & Art contemporain : Paroles d'artistes

C’est hier dans les locaux du TRIBE que la Chambre de Commerce et d’Industrie France Cambodge proposait son popup ayant pour thème l’art contemporain au Cambodge. Plus d’une vingtaine de personnes avaient répondu à l’appel pour écouter les arguments de trois artistes, de la curatrice Marina Pok, et poser ensuite des questions.

Chhim Sothy et Roamin Garziano
Chhim Sothy et Roamin Garziono

Avant que les artistes n’interviennent, Marina Pok dressait un portrait assez complet et plutôt précis des structures disponibles dans le Royaume pour que peintres, sculpteurs et autres puissent exposer leurs œuvres. Entre les galeries existantes - indépendantes ou affiliées à un hôtel -, les initiatives d’ONG et les projets itinérants, éducatifs ou commémoratifs, le nombre « d’espaces » se situe à un peu plus d’une vingtaine. Ce qui est encore assez peu, mais traduit une évolution certaine et très encourageante si l’on compare à la situation il y a une quinzaine d’années.

De gauche à droite ; Stan Loubières et Marina Pok
De gauche à droite ; Stan Loubières et Marina Pok

La curatrice rendait ensuite hommage à plusieurs artistes qui ont ouvert la voie à l’art contemporain local - tel Vann Nath, dont l’art lui a permis de survivre sous le régime des Khmers rouges, et aussi à ceux - tel Svay Ken - qui furent les premiers à exporter leur talent.

En effet, pour Mme Pok, « il est important que les artistes puissent se rendre à l’étranger, non seulement pour exposer et vendre leurs œuvres, mais aussi pour s’imprégner de cultures et d’influences différentes. »

Elle citait ensuite plusieurs des artistes qui avaient travaillé avec elle dans le cadre de projets itinérants et d’autres qui connaissaient une certaine réussite, tant localement qu’à l’étranger.

Stan Loubières, dit Stan, créateur de The Gallerist et artiste lui-même
Stan Loubières, dit Stan, créateur de The Gallerist et artiste lui-même

Ce fut ensuite au tour de Stan Loubières, dit Stan, créateur de The Gallerist et artiste lui-même. Tout vêtu de noir, Stan livrait au préalable son expérience d’artiste basé à Phnom Penh et spécialisé dans l’art contemporain et donnait également son sentiment sur ce marché très particulier.

« Pour moi, il n’y a pas vraiment encore de marché réel dans le pays, c’est très en dehors, mais ça bouge. Au début j’étais un petit peu perdu, Marina m’a un petit peu aidé, un petit peu aiguillé, et puis finalement, deux ans plus tard, ce que je peux dire sur le marché de l’art, c’est que c’est très intéressant ».

« 50 % de mes clients qui achètent des œuvres sont des Cambodgiens, certains d’entre eux sont attirés par des œuvres plutôt figuratives, plus faciles à intégrer, mais d’autres s’intéressent aujourd’hui à l’abstraction et à d’autres formes d’art. C’est un constat qui concerne surtout les jeunes, parce qu’il y a aujourd’hui des Khmers de 30-40 ans qui ont étudié à l’étranger, et ont acquis une sensibilité artistique un peu nouvelle. »

« Donc voilà, au bout de deux ans, on grandit, ça se passe plutôt bien, ce n’est pas encore un marché mature, mais c’est plutôt positif. », précisait-il sur ce point.

Quant au choix des artistes qu’il accueille dans sa galerie, Stan expliquait :

« C’est simple, c’est un petit peu comme lorsque je produisais de la musique, on rencontre des artistes et on évalue leur potentiel avant de les produire, moi j’aime bien aider les gens et les aiguiller. La qualité c’est important aussi, parce qu’on ne fait pas qu’évaluer les artistes pour jauger leur travail, on les pousse un petit peu à travailler mieux, à soigner leur approche, et à devenir un peu plus professionnels.

Concernant la fragilité du statut de l’artiste, Stan déclarait :

« Ça, on le rencontre un peu partout dans le monde, peut-être moins en France, parce qu’il y a des aides publiques. Quouqu'il en soit, un artiste, pour moi, c’est un quelqu'un qui travaille, qui est passionné et qui met de l’énergie. »

Quant aux raisons qui l’ont poussé à ouvrir sa propre galerie : « je voulais que The Gallerist soit un endroit assez pur pour que les œuvres ressortent réellement. Je souhaitais qu’il y ait une vraie lumière et nous avons investi sur cet aspect des choses parce que, pour moi, il est fondamental que les œuvres ressortent bien. Oui, je voulais que ce soit un endroit élégant et un bel espace, que les gens soient impressionnés lorsqu’ils découvrent cet endroit. Donc voilà, l’idée c’était de monter d’un niveau, d’avoir une belle galerie, car, auparavant j’habitais dans le 6e à Paris, un endroit peuplé de belles galeries et je voulais que ce soit un peu la même chose. Également, je souhaite vraiment stimuler cette population cambodgienne et l’habituer aux galeries d’art. J’ai énormément de jeunes qui passent à la galerie, ils m’envoient des messages, et me demandent même s’il faut payer pour entrer… ils ne sont, à l’évidence, pas encore vraiment habitués aux galeries d’art, donc c’est aussi l’une des raisons qui m’a poussé à ouvrir The Gallerist ».

Roma Garzonio
Roma Garzonio

Ce fut ensuite le tour de Roma Garzonio, artiste émergeant - bien qu’il confie apprécier sans apprécier ce terme - de livrer une vision très personnelle de l’art contemporain dans le pays. Pour cet artiste, l’art constitue d’abord « un inconscient et subconscient qui ont besoin de sortir » et ne passe pas forcément par l’exposition publique de ses œuvres :

« Je ne souhaite pas vraiment m’exposer pour le moment. Ce n’est pas du tout mon intérêt. Je pense que l’art est thérapeutique, c’est un peu comme de la lecture. J’essaie simplement de faire parler la matière en fonction de mon être, qui est en quelque sorte juste un avatar. Nous sommes tous voués à disparaître, mais nos œuvres, elles, vont rester. L’important, ce n’est pas qu’elles soient belles, c’est qu’elles soient uniques. »

« Moi, mon objectif, c’est de produire de l’unique, afin que lorsque je contemple mon œuvre, je sais que c’est moi, même si je ne sais pas vraiment comment je l’ai réalisée. C’est bizarre, quand je crée, je rentre dans une espèce de transe et je ne vois pas le temps passer ».

Une vingtaine de participants pour ce popup de la CCIFC
Une vingtaine de participants pour ce popup de la CCIFC

Quant au contexte qui entoure son activité, Roma souhaite préciser : « J’ai la chance de rencontrer pas mal d’artistes dans mon voisinage. Je les rencontre au quotidien et j’apprends beaucoup d’eux, sans vouloir néanmoins les laisser pénétrer dans ma matière artistique pour ne pas être influencé ou plagié. J’observe, mais toujours avec un filtre dans les yeux. Je suis aussi contre les ordinateurs, les Pinterest, les Wikipédia, je ne possède pas d’ordinateur, car je veux vraiment n’être inspiré que par moi-même. Je pense que c’est très important, au quotidien, dans tout ce qu’on fait dans notre métier, d’être distinctif les uns des autres et d’apporter notre petite touche qui vient de l’intérieur », disait-il, poursuivant :

« Il faut vraiment, je pense, avoir quelque chose en soi qui nous amène à livrer une part unique de nous-mêmes. Moi, c’est ce que je recherche, c’est la part unique de moi-même. »

Concernant les circonstances qui l’ont amené à devenir artiste, Roma expliquait ensuite avoir « choisi dans le fond des choses parce que mon grand-père était plâtrier, mon père et moi, nous étions tous plâtriers. Mais, je suis le premier de ma famille à essayer de faire des murs tordus au lieu de droits ».

Roma réalise de faux plafonds pour des villas de luxe pour gagner sa vie, ce qui le pousse encore plus, quand il arrive dans son studio, à se « déchaîner sur la matière, parce que quand vous suivez un plan d’un architecte ou quelque chose, vous êtes voué obligatoirement à suivre quelque chose qui n’est pas de votre initiative. Donc, moi, ça me frustre ».

Selon l’artiste, « il est important de laisser libre cours à l’imagination. Et au final, du coup, créer une bulle de sérénité entre l’œuvre et la personne. C’est ça pour moi qui est important. Je pense que mon défi personnel serait de continuer. Parce qu’au final, ça fait du bien. Et puis, c’est essentiel, à mon avis, de laisser quelque chose… parce que nous vivons tous des expériences et, selon moi, nous sommes les additions et les soustractions de notre passé, notre présent notre futur et c’est important de laisser quelque chose de notre passage sur Terre ».

Chhim Sothy, peintre et sculpteur
Chhim Sothy, peintre et sculpteur

Chhim Sothy, peintre et sculpteur, artiste vétéran et piler de l’art contemporain au Cambodge, revenait - avec son éternel enthousiasme - sur son parcours et insistait ensuite sur les influences qui ont amené les artistes du pays à s’orienter vers un art différent d’une forme plus traditionnelle.

« Je suis un artiste inspiré dans le sens le plus pur du terme. Lorsque je produis une œuvre, il ne s’agit pas seulement d’un travail ou de l’expression d’une émotion, je suis inspiré par des visions réelles. Un cyclo-pousse, un marchand ambulant, la rue, le marché, etc.»

Sothy confiait également être inspiré par des sujets plus difficiles comme la déforestation, le changement climatique ou le développement urbain trop rapide. Concernant les influences, l’artiste rappelait qu’après la période dramatique des Khmers rouges, le pays a vu arriver bon nombre d’artistes et enseignants de l’étranger, qu’ils fussent asiatiques, russes ou même européens, qui ont, selon lui, ont contribué à apporter quelque changement dans le paysage artistique local. Ensuite, confiait-il, « avec la paix définitivement revenue, des portes se sont ouvertes, la croissance économique a permis au pays de s’ouvrir à l’extérieur et cela a encouragé un certain essor culturel ».    

« Auparavant, les artistes se contentaient de travailler essentiellement sur des répliques de monuments ou des paysages. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de liberté créative et les artistes cambodgiens innovent, voyagent et sont inspirés par de nouvelles formes d’art, et c’est un authentique progrès », concluait-il avant de laisser le public poser quelques questions aux invités de ce popup.

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