Cambodgiens face à la guerre : Mobilisation, solidarité et diaspora dans la crise avec la Thaïlande

Alors que la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge s’embrase à nouveau, la société cambodgienne réagit avec une intensité rarement vue depuis la fin du conflit khmer rouge. Les récents affrontements, déclenchés autour de différends territoriaux, ont fait des dizaines de morts et provoqué la fuite de plus de 120,000 civils le long du cordon frontalier. Qu’en est-il de la réaction populaire, des actions des ONG, des réseaux de solidarité et du rôle de la diaspora dans l’organisation de l’aide ?

Illustration AKP

Une population mobilisée dans la rue et en ligne

La réaction populaire cambodgienne s'est manifestée avant tout par des rassemblements d’ampleur : à Phnom Penh, des dizaines de milliers de citoyens ont défilé lors d’une marche de solidarité, arborant drapeaux et portraits de dirigeants, pour exprimer leur appui au gouvernement face à la crise frontalière.

Ce mouvement de masse, encadré par les autorités et relayé par les réseaux sociaux, visait à témoigner une unité nationale face au voisin thaïlandais, mais aussi à encourager les soldats stationnés aux abords du territoire disputé.

Sur les réseaux sociaux, le conflit se prolonge virtuellement : de jeunes Cambodgiens s’engagent dans une guerre de mots contre leurs homologues thaïlandais sur toutes les plateformes majeures, partageant hashtags, vidéos patriotiques et contre-récits, dans un climat de nationalisme exacerbé. Ce militantisme numérique complète la mobilisation réelle et renforce le sentiment d’unité nationale.

Solidarité sur le terrain : ONG, moines et volontaires

Face à l’urgence, les ONG cambodgiennes s’activent dans plusieurs domaines : évacuation des populations, prise en charge des blessés, distribution de vivres et de biens de première nécessité. Le rôle des monastères, traditionnels refuges en période de crise, mérite d’être souligné : certains temples transforment leurs locaux en abris antiaériens improvisés, construits en un temps record grâce à la générosité de donateurs locaux, tandis que les moines offrent des chants et accompagnements spirituels aux déplacés.

Des bénévoles, citoyens ordinaires de toutes professions, se relayent pour cuisiner, collecter des vêtements ou des médicaments pour militaires et familles en fuite : l’entraide s’organise de quartier en quartier, à distance égale entre geste patriotique et devoir humanitaire.

Diaspora : relais et caisse de résonance

À l’étranger, la diaspora cambodgienne se mobilise aussi. Des manifestations de masse ont eu lieu : pancartes « Stop the war », banderoles réclamant une pression internationale sur Bangkok, et live streams pour sensibiliser l’opinion mondiale. Les associations d’expatriés et de travailleurs migrants lancent des appels à contribution financière via des plateformes en ligne : campagnes sur GoFundMe, Facebook, et messageries cryptées servent à collecter les fonds pour les ONG actives à la frontière. Souvent, ces campagnes sont coordonnées avec des collectifs étudiants et des groupes de soutien humanitaire locaux, assurant que l’aide arrive rapidement à destination. Certains membres de la diaspora, usant de leurs réseaux dans les médias internationaux, relaient l’appel aux ONG étrangères pour l’envoi de matériel médical ou logistique.

Un mouvement d’ensemble, entre patriotisme et humanitaire

Ce qui ressort de la réaction cambodgienne, c’est une impressionnante capacité de mobilisation transversale : la solidarité s’affirme aussi bien lors de marches officielles qu’à travers l’action quotidienne de bénévoles, sur le terrain comme en ligne, localement ou à l’international.

Loin de s’opposer, les registres nationaliste et humanitaire cohabitent, portés par le souvenir de crises passées. Ainsi, la société civile cambodgienne, marquée par son histoire, transforme l’adversité en opportunité de renforcer ses liens internes – et de se présenter unie face au défi historique que constitue, une fois encore, le règlement de la frontière ancestrale avec la Thaïlande.