Cambodge & Tourisme : transformer le secteur, créer de la valeur, restaurer la confiance

Le constat est clair : les marchés concurrents réussissent à monétiser chaque visiteur jusqu’à 3,5 fois plus que le Cambodge, indépendamment de la taille des flux d’arrivées. La question fondamentale pour les décideurs cambodgiens n’est donc pas la quantité, mais la valeur générée par chaque visiteur.

En 2024, le Cambodge a accueilli 6,7 millions de visiteurs internationaux, générant des recettes touristiques de 3,63 milliards de dollars, soit environ 542 dollars par visiteur. À titre de comparaison, la Thaïlande, son voisin, a reçu plus de 35 millions de voyageurs étrangers pour un revenu touristique de 1,8 trillion THB (environ 1 400 à 1 500 dollars par visiteur) tandis que Singapour a accueilli 16,5 millions de touristes pour un revenu compris entre 27,5 et 29 milliards SGD (soit 1 668 à 1 758 dollars par visiteur).

Volatilité des flux : la leçon des derniers mois

Les derniers mois ont livré un enseignement crucial sur la fragilité du modèle touristique cambodgien. En août 2025, les arrivées internationales ont chuté de 38,4% sur un an. Les arrivées en provenance de Thaïlande ont été quasi stoppées (moins 91,6%), tandis que les touristes chinois ont augmenté de 30,2%.

Les restrictions aux frontières terrestres, notamment lors du conflit avec la Thaïlande, ont révélé la vulnérabilité d’un modèle dépendant à 63% des passages frontaliers terrestres en 2024 (52,2% au premier semestre 2025).

Cette brusque baisse de volume atteste qu’un système centré sur la frontière terrestre reste instable, alors que les arrivées aériennes — plus résilientes et à forte valeur ajoutée — ont progressé.

Infrastructures prêtes à transformer le paysage

Le Cambodge s’est doté d’infrastructures impressionnantes, posant les bases du tourisme haut de gamme : l’aéroport international de Siem Reap-Angkor (ouvert en octobre 2023, capacité 7 millions de passagers) et le nouvel aéroport international Techo (septembre 2025, capacité 13 millions).

Le potentiel d’accueil est désormais de 20 millions de voyageurs annuels, offrant un levier considérable pour améliorer la qualité et la segmentation des flux touristiques.

Les freins à la confiance et à l’image

Le royaume fait néanmoins face à des défis structurels majeurs. L’image internationale du Cambodge, affectée par les affaires de « scam compounds » et autres cyber-arnaques, impacte directement la perception des risques pour les voyageurs occidentaux et pèse sur les réservations et le choix des routes aériennes. En 2025, Amnesty International a recensé 53 sites de ce type liés au travail forcé, et les autorités américaines ont reporté des sanctions contre plusieurs réseaux. La restauration de la confiance passe par une transparence accrue et une publication régulière des actions menées (raids, poursuites, assistance aux victimes).

Réformer la stratégie : investir dans la valeur

Arnaud Darc appelle les opérateurs et décideurs à un changement d’approche :

• Prioriser les marchés aériens résilients. Face aux fluctuations, miser sur la Chine (+30,2% en août) plutôt que sur les habitudes établies.

• Valoriser l’expérience plutôt que le simple accès. Le parc archéologique d’Angkor génère seulement 46 USD par touriste étranger, bien en dessous des 1 000 USD de l’ambition régionale.

• Rendre visible l’action publique. La communication sur les opérations de lutte contre la fraude doit devenir un outil marketing incontournable.

Vers la fermeture du gap régional

Le Cambodge possède désormais des infrastructures, un potentiel d’accueil et une demande intérieure solide (22,5 millions de voyages domestiques en 2024). Si les incitations sont alignées sur la valeur par visiteur et la confiance restaurée par une transparence rigoureuse, le pays pourra combler rapidement son retard sur ses concurrents.

Les marges de progression sont là : il reste à aligner stratégie et ambition pour transformer le tourisme cambodgien et en faire un moteur de création de valeur pour toute la société.