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Cambodge & Santé : Équilibre difficile entre l'accueil des touristes et la maîtrise de la pandémie

Dernière mise à jour : 22 juin 2020

Plusieurs professionnels du tourisme ont exprimé quelques craintes à l’annonce gouvernementale concernant les touristes étrangers devant payer d’avance 3 000 $ pour compenser les éventuels coûts de traitement COVID-19. Pour eux, ces mesures pourraient dissuader les voyageurs de se rendre au Cambodge

Équilibre difficile entre l'accueil des touristes et la maîtrise de la pandémie

Craintes

Le ministère de l’Économie et des Finances a publié récemment une liste des coûts qui seront imposés aux voyageurs visitant le pays. Cela comprend les tests COVID-19, le séjour à l’hôtel, le transport et les frais de nourriture. Les opérateurs du secteur du tourisme craignent que ces coûts dissuadent les touristes de venir au Cambodge, le secteur étant déjà confronté à des difficultés économiques sérieuses en raison de la pandémie de coronavirus.

En mars dernier, le gouvernement avait annoncé que les étrangers entrant dans le pays devraient produire un certificat médical précisant qu’ils ne sont pas infectés, et justifier d’au moins 50 000 $ d’assurance maladie. Les arrivants devraient entrer en isolement de 14 jours à leur entrée dans le pays.

Coûts

« À leur arrivée au Cambodge, tous les voyageurs étrangers devront présenter leur assurance maladie… et effectuer un dépôt (en espèces ou par carte de crédit) de 3 000 dollars US auprès des banques commerciales désignées aux points d’entrée », indiquait le communiqué du ministère des Finances.

« Ces dépôts seront déduits des paiements sur les services lors de la mise en œuvre des mesures de santé », explique le document officiel.

Dans son communiqué, le ministère a énuméré toutes les petites dépenses impliquées, y compris une charge de 3 $ pour les agents de sécurité dans les installations de quarantaine, 5 $ pour transporter les passagers dans une zone désignée en attendant les résultats de leurs tests. Les frais les plus élevés comprennent 100 $ par test COVID-19, avec un minimum de quatre tests, et 30 $ chacun pour le séjour à l’hôtel et la nourriture pendant le séjour d’un passager dans un centre de quarantaine désigné.

Le gouvernement facture également 1 500 $ pour tout service éventuel de crémation. Les passagers entrants devront payer cet argent à l’arrivée. Le communiqué précise que les banques locales seront utilisées pour collecter cet argent.

Changement

Cette décision s’éloigne de la déclaration du Premier ministre Hun Sen en mars 2020 alors qu’il annonçait que le Cambodge prendrait en charge les coûts de tout patient positif au COVID-19, tentant de différencier le pays des autres pays qui facturaient les étrangers pour traitement. Le gouvernement avait également adopté une campagne « Petit pays, grand cœur » en acceptant le navire de croisière MS Westerdam en février 2020, qui s’était vu refuser l’entrée dans plusieurs pays par crainte de contagion. Les passagers avaient été hébergés dans un hôtel de luxe à Phnom Penh en attendant les résultats de leurs tests et se sont même vu offert le tour de la ville par la municipalité.

Le porte-parole du ministère des Finances, Meas Soksensan, a déclaré la semaine dernière que la décision de facturer les voyageurs étrangers et que la liste de prix avait été publiée après une étude sérieuse, argumentant également des limites de la générosité :

« Aucun pays ne traite les étrangers gratuitement », a-t-il déclaré à la radio VOA Khmer.

Décision difficile

Cette décision pourrait exacerber les problèmes auxquels est confronté le secteur du tourisme au Cambodge, l’un des principaux moteurs de l’économie. La décision difficile de s’ouvrir aux voyageurs étrangers n’est pas unique au Cambodge, et plusieurs pays tentent de trouver des moyens de relancer les voyages et le tourisme pour soutenir leurs économies en déclin.

Cambodgiens en vacances à Kep la semaine dernière
Cambodgiens en vacances à Kep la semaine dernière

Le gouvernement cambodgien a lancé des appels pour développer le tourisme intérieur tout en privilégiant les mesures d’hygiène et de distanciation sociale.

Dans le monde

De nombreux pays ont commencé à rouvrir leurs frontières aux touristes, certains endroits, comme la Sicile, attirent les visiteurs avec des vols à prix réduit, tandis que d’autres, comme le Mexique, proposent des nuitées gratuites. La Grèce réduit les taxes sur les transports pour rendre les voyages moins chers. La France, l’Allemagne, la Suisse, la Belgique et les Pays-Bas ont assoupli les restrictions de voyage et ouvert leurs frontières aux touristes de la plupart des pays de l’Union européenne depuis le 15 juin 2020. Ils rejoignent des pays comme l’Italie, Chypre et la Croatie qui ont déjà commencé à accueillir des visiteurs étrangers alors que le continent commence seulement à sortir de la crise liée au coronavirus. Mais les restrictions sur les voyages en Europe sont toujours en place ailleurs. L’Espagne, par exemple, garde ses frontières fermées à certains pays jusqu’au 21 juin, et le Danemark est essentiellement fermé à la plupart des visiteurs jusqu’en septembre au moins. Curieusement, l’Italie, pays quasi martyr de cette pandémie, a choisi d’ouvrir ses frontières depuis le 3 juin à tous les États membres de l’UE et de l’espace Schengen, ainsi qu’au Royaume-Uni. Il n’y a aucune exigence de quarantaine à moins que les voyageurs viennent d’un pays tiers en dehors de l’Europe.

Le Cambodge, probablement soucieux de maintenir son statut de pays ayant correctement géré la crise sanitaire, a décidé d’adopter une approche sensiblement différente.

Dans la région

Selon le journal VN Express, le Vietnam envisage aussi de redémarrer les trajets aériens internationaux et élabore également une stratégie pour attirer des touristes dans le pays. Au Japon, le pays prévoit également d’autoriser les voyageurs d’affaires en provenance de pays spécifiques dont le nombre de cas est faible. Le Japon testerait les gens à leur arrivée, limiterait leurs déplacements aux lieux d’affaires, mais les empêcherait d’utiliser les transports en commun.

La presse régionale révèle que la Thaïlande prévoit de conclure des accords bilatéraux avec les pays pour autoriser les mouvements internationaux de voyageurs, mais limiterait les mouvements à l’intérieur du pays aux « bulles de voyage ». Un sondage dont les modalités n’ont pas été dévoilées indiquerait que 75 % des Thaïlandais ne voudraient plus des touristes internationaux. L’information qui a inondé les réseaux sociaux est incomplète. En fait, la stratégie de relance du tourisme de la Thaïlande consiste à cibler les touristes haut de gamme au détriment du tourisme de masse. La pandémie donne l’opportunité de réinitialiser le secteur, qui était devenu tributaire des groupes chinois et des routards.

« Une fois les frontières du pays rouvertes et les soi-disant bulles de voyage convenues, les efforts de marketing seront axés sur les personnes plus riches qui souhaitent des vacances avec des risques minimes, a déclaré le ministre du Tourisme », Phiphat Ratchakitprakarn, dans une interview à Reuters.

Exemptions

La semaine dernière, le gouvernement a annoncé que les détenteurs de visa K ne sont pas tenus de verser la caution de 3000 dollars US, ne sont pas dans l’obligation de fournir une police d’assurance à hauteur de 50 000 $. Ils restent néanmoins soumis à l’obligation de présenter un test délivré par une autorité médicale compétente à l’arrivée. Le personnel diplomatique est également soumis à moins de restrictions : pas de certificat médical à l’arrivée, une attestation sur l’honneur suffit, pas de caution et pas d’assurance obligatoire. Ils sont néanmoins tenus de se mettre en auto quarantaine pendant deux semaines à leur domicile.

Réactions

Pour le Premier ministre Hun Sen, les mesures restrictives constituent à l’évidence une précaution nécessaire à la sécurité sanitaire du royaume. Le chef de l’État intervient pratiquement chaque semaine dans la presse locale et sur les réseaux sociaux pour rappeler que le coronavirus est un problème à gérer sérieusement.

« Jusqu’à présent, COVID-19 reste la plus grande préoccupation du monde. Aucun médicament n’a encore été prouvé pour traiter cette maladie. 8 242 999 personnes dans 216 pays et territoires ont été infectées par le virus et 445 535 d’entre elles sont décédées. Récemment, le Cambodge a confirmé deux autres cas en Indonésie et en Malaisie, de sorte que le nombre est passé à 129, dont 126 ont été guéris et 3 restent hospitalisés », a-t-il souligné lors de son dernier message sur Facebook, ajoutant :

« Il est impératif de respecter les normes préventives, notamment porter des masques faciaux et se laver fréquemment les mains. Pour les endroits peuplés tels que les centres commerciaux, il faut fournir des masques faciaux et des désinfectants à base d’alcool à leurs clients pour empêcher la transmission de ce virus »

Chhay Sivlin, la présidente de l’Association cambodgienne des agents de voyages, s’est félicitée des directives afin de prévenir la propagation du virus au Cambodge, mais elle avance que les prix sont élevés et pourraient dissuader les visiteurs potentiels. Chhay Sivlin suggère que le gouvernement devrait lever les suspensions sur l’entrée sans visa, les visas touristiques, les visas électroniques et les visas à l’arrivée. Elle argumente qu’il existe environ 630 000 Cambodgiens économiquement liés au secteur du tourisme qui ont perdu leur emploi.

Ho Vandy, Secrétaire général de l’Alliance nationale du tourisme du Cambodge, a déclaré que les mesures sont nécessaires même s’il se déclare sceptique quant aux frais de 3000 $, ajoutant que les Cambodgiens voyageant à l’étranger seraient également dissuadés si leur pays de destination demandait 3000 $ à leur arrivée.

« C’est la même chose, si les Cambodgiens voyageant à l’étranger doivent déposer 3 000 $, ils ne se sentent pas à l’aise »

Khek Norinda, responsable des communications chez Cambodia Airports, a indiqué qu’il n’y avait eu que trois arrivées et cinq départs jeudi en 15. La veille, il a annoncé que 1720 personnes se déplaçaient à l’aéroport, à la fois aux arrivées et aux départs, ce qui était faible par rapport aux 28 300 passagers entrants et sortants pour la même journée en 2019.

« Nous n’avons pas la répartition entre entrants et sortants à ce stade. Il y a des vols réguliers vers les villes chinoises et Séoul et un vol charter vers Manille »

Pour Ben Schlappig consultant en voyages, blogueur et passionné qui parcourt environ 400 000 miles par an : mon point de vue est que chaque pays devrait pouvoir décider lui-même des restrictions qu’il souhaite imposer, sur la base des meilleures informations disponibles. C’est un équilibre difficile entre accueillir les touristes et essayer d’arrêter la propagation de COVID-19. Les pays découvriront rapidement si leurs politiques ont du sens. Par exemple, je serais prêt à parier que le Cambodge adaptera une politique différente assez rapidement.

« Je ne suis ni scientifique, ni médecin, ni épidémiologiste. Dois-je utiliser mon expérience de grand voyageur pour encourager tous les pays du monde à ouvrir leurs frontières sans aucune restriction, êtes-vous certain qu’il s’agisse d’une option raisonnable ? »

Communauté francophone

Les messages de dépit et de vives critiques pas toujours constructives ont très largement abondé sur les réseaux sociaux à l’annonce des mesures restrictives à l’entrée dans le royaume. La presse internationale a, comme c’est souvent le cas, pointé à nouveau le doigt sur le royaume en raison de ces mesures restrictives qui limitent l’accès au royaume.

Toutefois, les réactions se montrent plus mitigées parmi certains entrepreneurs de la communauté francophone du pays.

« C’est un mal pour un bien. Il s’agit d’abord de la santé publique dans le royaume est il est normal que les conditions d’accès soient strictes. Le pays ne peut pas se permettre d’être envahi du jour au lendemain par des touristes, il n’y a pas de structures suffisantes pour traiter une vaste contagion donc je suis absolument d’accord avec ces “barrières sanitaires” », explique PW, un chef d’entreprise franco-khmer.

Pour JL, cadre d’une grande entreprise locale

« C’est moyen, je pense qu’il faut effectivement des barrières, mais cela ne doit pas conduire vers une sélection touristique comme souhaite le faire la Thaïlande. Le pays doit faire des efforts pour se prétendre une destination haut de gamme, c’est trop tôt. Ces mesures drastiques doivent être provisoires »

Pour le propriétaire d’un groupe d’affaires du secteur touristique, le Cambodge révèle, avec ces mesures, une certaine appréhension concernant la pandémie. « Ils ne veulent pas de tourisme de masse dans l’immédiat par crainte de contagion, c’est aussi simple que cela », affirme-t-il. « Par contre, cette première ouverture, assez lourde en contraintes il est vrai, permet aux hommes d’affaires, personnels d’ONG, et en général à tous ceux qui doivent se rendre au Cambodge pour des raisons familiales ou professionnelles de revenir au pays », conclut-il.

Christophe Gargiulo. Illustration de couverture : Rajeev Rajagopalan. Photographies AKP

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