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Cambodge & Reportage : Sur la ligne de front face à l’agression thaïlandaise

Vivant à Ratanakiri dans le Nord-est du Cambodge, le quotidien de notre famille est fait d’hôtellerie, d’éléphants, de forêt et de projets de préservation. Mais, lorsque la guerre frappe aux portes du pays, il est bien sûr difficile de rester indifférents. La fondation Airavata, ce n’est pas seulement des pachydermes : c’est aussi un engagement pour le Cambodge, son peuple, sa culture et son histoire.

Pierre-Yves Clais et son épouse Chenda en compagnie des soldats défendant la frontière
Pierre-Yves Clais et son épouse Chenda en compagnie des soldats défendant la frontière

C’est ainsi, qu’avec l’appui d’Urgence Humanitaire, petite ONG française engagée dans des actions directes et ciblées auprès des populations en détresse, nous avons pris la route de la frontière thaïlandaise.

Le pays des temples sous les bombes

Venant de Siem Reap, la route vers Oddar Meanchey nous offre d’abord quelques signes d’espoir : des dizaines de familles reviennent en charrette vers leurs villages, nous nous saluons joyeusement de vigoureux « Cheyo Kampuchea! ».

Arrivés à la capitale provinciale, l’accueil par le vice-gouverneur nous plonge vite dans la réalité : nous nous rendons à un poste de commandement démuni de tout, manquant de filets de camouflage, de protections anti-drones, de bâches, et presque sans tranchées. Il est évident que Cambodge n’a pas voulu ni même préparé cette guerre…

Nous distribuons l’essentiel de nos médicaments et de nos vivres qui sont partagés à chacun des corps présents.

Visibles partout, les destructions infligées par les bombardements thaïlandais sont conséquentes
Visibles partout, les destructions infligées par les bombardements thaïlandais sont conséquentes

Aux abords d’un petit temple angkorien disputé, les F-16 ont labouré le sol de cratères de 20 mètres de large par trois de profond, détruisant tout. Les soldats cambodgiens, désarmés par respect du cessez-le-feu, vivent parmi les ruines. Leur équipement est modeste mais leur détermination est palpable. Ils évoquent leurs morts avec gravité, les anciens nous affirment que les combats furent cinq fois plus intenses qu’en 2011.

Les Thaïs, eux, s’amusent à tirer au lance-pierres sur tout ce qui bouge depuis leurs positions, c’est ainsi qu’on trouve partout des billes de verre, témoins silencieux des exactions dont ils se vantent en riant sur les réseaux sociaux.
Les Thaïs, eux, s’amusent à tirer au lance-pierres sur tout ce qui bouge depuis leurs positions, c’est ainsi qu’on trouve partout des billes de verre, témoins silencieux des exactions dont ils se vantent en riant sur les réseaux sociaux

La guerre contre les civils

À la pagode sacrée de Prasat Ta Moan Thom Senchey, un achar (assistant de pagode) nous raconte comment il a survécu en se cachant parmi les rochers, pendant qu’un ancien, plus lent, a été pulvérisé.

Les bombes guidées par laser ne se trompent pas : viser sciemment un site religieux connu relève de la terreur organisée, destinée à vider une zone de sa population.

Terreur organisée
Terreur organisée

Le même scénario se répète au dispensaire voisin, détruit pour priver de soins les blessés. C’est la politique de la terre brûlée, une stratégie lâche et cynique visant à conquérir des terres en chassant au loin la population.

Les réfugiés, mémoire vivante des souffrances

À la Pagode aux 5000 banians, des familles entières campent depuis déjà deux mois, incapables de rentrer chez elles. Les nombreuses femmes de militaires vivent dans une angoisse constante, mêlant fierté pour l’engagement de leur mari et épuisement nerveux.

Certains, déjà pauvres avant la guerre, n’ont ici plus rien, et ils sont souvent trop timides pour demander de l’aide, pataugeant à l’infini dans cette mer de boue gluante où sombreraient les caractères les mieux trempés.

L'exode, avec souvent presque rien
L'exode, avec souvent presque rien

Parmi les réfugiés, une très vieille grand-mère, figure squelettique des tragédies cambodgiennes, prétend avoir 105 ans. Grabataire, souffrant de douleurs thoraciques, elle reçoit avec beaucoup d’émotion les quelques médicaments, matériels et provisions que nous achetons avec les fonds de l’ONG. Son pauvre sourire nous réconforte, mais cette épreuve nous a tous marqués.

En ce qui me concerne, ancien casque bleu au Cambodge, j’ai connu en 1992 le retour des réfugiés des camps thaïlandais, mais c’était là un événement joyeux marquant la fin de trente ans de conflits. En 2025, c’est un pays voisin, moderne et développé qui nous replonge dans une horreur rappelant celle des Khmers rouges, c’est un très amer retour en arrière.

Un pays de paix face à la machine de guerre

Depuis trente ans maintenant, le Cambodge a tourné la page des conflits et investi dans son développement, pas dans les armes. Face à lui, la Thaïlande, dopée par des décennies de militarisme, cherche un prétexte pour employer ses coûteux “jouets de mort” contre un voisin qu’elle a déjà amputé de nombreux territoires au fil des siècles.

Destruction
Destruction

Sur le terrain, rien n’est réglé. Les forces thaïlandaises testent, provoquent, violent le cessez-le-feu, et saturent l’espace médiatique de désinformation. Leur objectif est clair : écraser la petite armée cambodgienne (95e rang mondial) de toute la puissance de la leur (25e rang mondial), pour détourner l’attention du peuple thaïlandais qui doit continuer d’ignorer les problèmes politiques internes ainsi que les scandales à répétition qui salissent ses dirigeants.

Le Cambodge n’a pas choisi cette guerre

Face à la brutalité d’un voisin arrogant et revanchard, il ne peut opposer que la dignité de son peuple, la force de sa mémoire et le respect du droit international.

C’est malheureusement bien peu face à une armée moderne forte de 92 avions de combat et à des généraux qui brûlent de poursuivre ce combat inégal pour entrer dans l’histoire.

Destruction

Tant que le silence du monde persiste, le petit Royaume restera vulnérable face à la brutalité de son puissant voisin, capable à chaque instant de rouvrir les portes de l’enfer.

Sur la ligne de front face à l’agression thaïlandaise

Reportage photographique par Jean-Clais

Sur la ligne de front : Chenda et PY Clais

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