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Magazine & Archive : La belle histoire de Kim et la double culture en héritage

Kim est une jeune femme souriante, pleine de vie et de projets pour un avenir qu’elle aborde avec le plus beau sourire. Abandonnée à l’âge de quelques mois, adoptée par un couple de français et grandissant dans un petit village près de Saintes, Kim s’est très tôt posé des questions concernant ses origines et son identité. En nous révélant son histoire, elle espère, par son expérience, transmettre des messages d’espoir sur un thème ô combien délicat !

Kim et la double culture en héritage

« J’avais sept mois lorsque je suis arrivée en France, et sept ans lorsque je suis revenue au Cambodge afin de visiter mon pays d’origine. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours su que j’avais été adoptée. Mes parents ne me l’ont jamais caché, et puis, physiquement, ça se voit !

« À la maternelle, les autres enfants me traitaient de “Chinoise”, ce qui me mettait hors de moi : “Je ne suis pas chinoise, je suis cambodgienne”, leur répétais-je en haussant la voix »

« J’étais la seule enfant de couleur dans la classe. J’ai eu la chance de me retrouver dans une famille très unie et soudée, ce qui m’a permis de trouver un équilibre auquel d’autres enfants dans la même situation n’ont pas eu accès. Donc, alors que j’ai sept ans, voilà notre famille s’envolant à destination d’un pays que j’avais hâte de découvrir et dans lequel je finirai par m’établir un peu plus d’une décennie plus tard. Le séjour terminé, en repartant vers la France, la petite fille que j’étais n’avait qu’une seule idée en tête : retrouver les traces de ma famille biologique. »

La belle histoire de Kim et la double culture en héritage

En quête de réponses

De retour dans l’Hexagone, la famille de Kim entame ses recherches, basées sur l’acte de naissance de l’enfant. À l’aide des renseignements qui y figurent, ils décident de se rendre dans le village d’origine qui figure sur le document, qu’ils finissent par localiser aux alentours de Kampot. À 10 ans, Kim effectue son deuxième voyage au Cambodge, bien décidée à percer les mystères entourant sa naissance et son abandon.

« Sur l’acte de naissance, il était indiqué que j’avais été abandonnée à l’âge de trois mois et que ma mère était décédée. Il fallait que je sache ce qui s’était passé, que je tente d’en apprendre plus sur elle, sur sa personnalité, son apparence, sur ses rapports avec mon père et sur les raisons de mon abandon »

« Avoir 10 ans ne m’empêchait pas de me poser des questions très précises dont les réponses seraient cruciales pour que je me construise. »

Un village perdu dans la jungle

Après avoir erré toute la journée dans la campagne de Kampot, Kim et sa famille sont sur le point de rebrousser chemin. Seule une petite route se dirigeant vers les montagnes reste à explorer, au grand dam du chauffeur qui s’inquiète pour la sécurité du groupe. « La campagne était censée être peuplée de bandits, mais nous avons tout de même insisté pour y aller. Si nous avions écouté notre chauffeur, je n’aurais pas retrouvé ma famille biologique ce jour-là. »

Un homme rencontré sur le bord du chemin semble connaître le lieu de naissance de Kim. Après quelques kilomètres, le minivan s’arrête au beau milieu d’un village perdu dans la jungle. Le guide montre l’acte de naissance aux quelques habitants qui viennent à leur rencontre, ces derniers connaissent les noms mentionnés et c’est ainsi que la petite Kim rencontre tout d’un coup son oncle, sa tante, sa grand-mère paternelle, ses cousins et cousines.

La belle histoire de Kim et la double culture en héritage

« Tu n’es pas seule »

« C’était le plus beau jour de ma vie. Ces gens, qui me ressemblaient tous physiquement, m’ont pris dans leurs bras et nous étions tous très, très émus. En l’espace d’un instant, j’ai appris beaucoup de choses sur ma famille et sur ma mère. Cette dernière, contrairement à ce qu’avait prétendu l’orphelinat, n’était pas décédée en 1999, mais 8 ans plus tard, en 2007, l’année même où j’étais au Cambodge. Dans ce petit village perdu, j’ai découvert la maison dans laquelle j’étais née et l’autel abritant les cendres de ma mère. J’ai appris que sa situation financière était très difficile, que mon père l’avait quittée pour refaire sa vie, que mes familles maternelle et paternelle s’étaient brouillées et… que j’avais une grande sœur habitant Phnom Penh ! Nous n’avons pu la retrouver au cours de ce voyage, mais la recherche était lancée et je savais que je reviendrais très vite pour la rencontrer. En attendant, je repartais avec un cadeau précieux, la seule photo représentant ma mère, que je n’ai pas lâchée pendant des mois. »

Des retrouvailles contrastées

À peine trois mois plus tard, le guide/traducteur cambodgien, qui était devenu leur ami, envoie un email qui suscite une vive émotion lorsqu’il est ouvert : en pièce jointe, une photo de Nimol, la grande sœur de 14 ans. « Nouveau départ en 2011, un an à peine après notre précédent voyage. J’étais très excitée à l’idée de rencontrer ma sœur, j’avais énormément de questions à lui poser ».

« Lorsqu’elle est arrivée, nous avons toutes les deux fondu en larmes et nous sommes serrés très fort dans nos bras »

« Malgré la barrière du langage, la communication entre nous fonctionnait à merveille, par des gestes, des regards, de petites choses imperceptibles qui nous plaçaient sur la même longueur d’onde. Par contre, nous avons vite pris peur quant à sa situation : elle n’était jamais allée à l’école, travaillait dans une usine pour 60 dollars par mois et vivait chez un oncle et une tante qui lui réclamaient 40 dollars pour les frais mensuels. Un mariage arrangé était prévu un mois plus tard avec un homme de 10 ans son aîné, qu’elle ne connaissait pas encore. »

La belle histoire de Kim et la double culture en héritage

Une aide indispensable

Pour tenter de lui venir en aide, la famille de Kim contacte Pour un Sourire d’Enfant, une association spécialisée dans le soutien aux jeunes en grande difficulté. « Les démarches ont été longues et compliquées. Une enquête fut menée sur ses conditions de vie, sa famille, son parcours… Lorsque l’assistante sociale a visité le village, l’usine et l’appartement dans lequel vivait Nimol, l’accord a finalement été donné.

C’est à PSE que ma grande sœur a assisté à ses premiers cours, qu’elle a appris à lire et à écrire, qu’elle a rencontré celui qui est devenu son mari et qu’elle a obtenu un diplôme d’assistante maternelle. Durant toutes ces années, nous sommes restées en contact grâce aux réseaux sociaux, et ce fut un immense bonheur que de suivre ses progrès.

Pour ma part, je suis revenue au Cambodge en 2014, 2016 et 2019, me sentant à chaque fois plus attirée par un pays dans lequel j’ai finalement décidé de vivre. Je le savais en quelque sorte depuis toujours. »

Grandir avec ses origines

En racontant ainsi son histoire, Kim entend partager ses expériences auprès des personnes ayant eu à affronter une situation identique, mais aussi aux parents adoptifs. « Ma famille française a participé à me forger une double identité culturelle. Je savais d’où je venais, et nous ne rations pas une occasion de regarder des documentaires sur le Cambodge ou de voir les films de Rithy Panh. Dans le salon trônaient des statues de Bouddha et je me suis très tôt intéressée à son enseignement. L’important dans tout cela était de se faire une image de mon pays, que cette image soit réelle ou imaginaire, peu importe...»

« Il est pourtant, selon moi, très important d’établir et de garder un lien avec ses origines, de connaître son pays, son histoire, sa culture, même si elle contraste avec celle dans laquelle on grandit »

« Vivre cette double identité culturelle est bien plus constructif que d’en rejeter une, et il faut être fier de ses différences. C’est en tout cas comme cela que je m’en suis sortie. Grandir ainsi a été une chance, car j’ai côtoyé d’autres enfants cambodgiens adoptés et ces derniers n’avaient jamais entendu parler de leur pays d’origine. »

La belle histoire de Kim et la double culture en héritage

Aborder le sujet sans tabou

« Il y a aussi une période difficile à affronter, souvent lors de l’adolescence, durant laquelle on est tenté de se détacher de ses parents adoptifs. Pourtant, j’ai depuis appris le parcours du combattant que ma mère française a dû accomplir, toutes les démarches, les formulaires à remplir, les enquêtes…

Tout cela est d’ailleurs bien illustré dans le film que Bertrand Tavernier a consacré à ce sujet, Holy Lola, qui décrit justement l’histoire d’un couple de Français venu adopter un enfant au Cambodge. Ma mère m’en a toujours parlé sans tabou. »

Ce besoin de témoigner, Kim l’a d’autant plus éprouvé lorsqu’elle a découvert l’existence, sur les réseaux sociaux, de groupes s’opposant à l’adoption. « Cela m’a donné envie de raconter mon histoire et d’exprimer la chance que j’ai eue. Que serais-je devenue si j’avais grandi seule ici ? »

Un regard unique

Aujourd’hui, Kim vit à Phnom Penh, travaille avec une ONG, apprend le khmer, enseigne le français et a acquis la double nationalité. « Je n’ai pas regretté une seule fois d’être venue m’installer au Cambodge il y a deux ans.

J’aimerais par la suite pouvoir continuer à aider la population locale, notamment les enfants. Je dirais même que mon projet professionnel en tant qu’enseignante du Français Langue Étrangère est pour moi la meilleure façon de transmettre ma double culture et de la partager avec les gens de mon pays.

Les expériences que j’ai vécues au Cambodge en tant qu’adoptée et en tant qu’expatriée ont complètement changé ma vie et m’ont permis de me construire et de me trouver. Cette longue redécouverte de mon pays d’origine me permet d’être à présent en phase avec celui-ci et d’entretenir un rapport plus sain avec l’adoption. »

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