La poterie a permis aux hommes sédentarisés de stocker les aliments et de les cuisiner. Elle constitue l’un des fondements de la civilisation du néolithique, dans toutes les régions que l’homme a colonisées.
En Asie orientale, c’est apparemment en Chine que les premières poteries seraient apparues, vers 20 000 ans avant l’ère chrétienne.
Avant l’invention, relativement tardive, du tour de potier vers entre 3500 et 3450 BC, il existait diverses techniques permettant de façonner les pots avant de les cuire : la plus connue, la technique de montage au colombin, consistait à empiler les uns sur les autres des boudins d’argile (les colombins) en les façonnant au fur et à mesure que le récipient était façonné. Il fallait lisser les aspérités produites par l’empilement des colombins de façon à avoir une surface extérieure bien lisse. Une autre technique, qualifiée d’estampage, consistait à appliquer de petites portions de terre sur ou à l’intérieur d’un objet existant.
Mais avant cela, la technique la plus primitive consistait à mettre en forme une boule de terre posée sur un support en la modelant entre ses doigts, technique que l’on appelle poterie modelée. Cette technique primitive de façonnage de la poterie a survécu jusqu’à nos jours dans de nombreuses régions du monde, par exemple en Afrique du Nord, ainsi qu’au Cambodge, notamment dans la province de Kampong Chhnang, à deux heures à peine de voiture de Phnom Penh. Cette province, dont le nom signifie « port des marmites », est d’ailleurs réputée au Cambodge pour sa poterie.
C’est dans le petit village de potiers d’Andong Russey, proche de la capitale provinciale, qu’il est possible de visiter des ateliers rudimentaires qui fabriquent à la commande divers types de récipients en terre cuite avec la technique de la poterie modelée. Cette technique consiste à placer la matière première, de l’argile ou de la terre spécialement préparée, sur un support dont la hauteur permet de travailler confortablement la boule de terre. Dans l’atelier visité, le support était constitué d’un tronc d’arbre coupé à hauteur du bassin.
Le potier commence à donner une forme cylindrique grossière au pot qu’il veut fabriquer, en travaillant de ses mains nues. Comme le potier ne dispose pas de tour, c’est lui-même qui tourne autour de la boule de terre pour essayer d’obtenir un objet dont les parois ont une épaisseur régulière. (D’autres potiers du même village fabriquent des récipients à l’aide d’un tour rudimentaire, actionné à l’aide d’une pédale.) Vient ensuite une opération délicate : celle qui consiste à élargir la partie centrale du récipient et à lui donner une « panse » aux courbes régulières et harmonieuses. Il faut pour cela amincir les parois tout en leur donnant de l’« embonpoint ». Pour ce travail, le potier a recours à une planchette de bois, que les spécialistes appellent « batte », (en khmer ‘tronéah’) avec laquelle il vient battre la face externe du récipient, tandis qu’une sorte de galet en terre cuite, appelée « contrebatte » (‘kôn kleung’), vient appuyer sur la paroi intérieure pour la faire « enfler » et donner son embonpoint au pot.
Des poteries ont été retrouvées sur des sites préhistoriques au Cambodge, à Kampong Cham, bien sûr, mais aussi à Takeo, à Banteay Meanchey et jusqu’à Préah Vihear, un nombre conséquent de ces contrebattes qui témoignent de l’ancienneté de la technique de poterie modelée dans le pays. La plupart de ces objets sont en terre cuite, quelques exemplaires ont, plus rarement, été taillés dans le grès.
La majorité des contrebattes préhistoriques avaient une forme similaire à celle de champignons, d’autres à celle d’un poids de balance. Le façonnage de la panse du récipient est une opération difficile, car il est nécessaire d’assurer une forme régulière et de ne pas casser l’argile encore malléable. Si toutefois un accident se produit et que le récipient est troué, il est relativement aisé de réparer l’objet pendant que la terre est encore humide. Pendant le processus de mise en forme, le potier continue à tourner autour du support sur lequel le pot en cours de fabrication repose.
Une fois obtenus la forme et le volume recherchés, c’est l’ouverture de l’objet qui est travaillée. Pour ce faire, le potier prend un petit morceau de carton plié en deux, l’humecte d’eau et l’applique sur les bords de l’ouverture, tout en tournant autour du support, de façon à obtenir une ouverture bien ronde et régulière. C’est aussi à ce moment que le col de l’objet est décoré de striures simples.
Une fois le récipient terminé, il convient de le laisser sécher quelques heures au soleil, avant d’entamer la cuisson dans un four à bois. Cette cuisson dure plusieurs heures et donne au récipient sa jolie couleur ocre. Pour certains objets que l’artisan veut colorer en noir, un second passage au four est nécessaire. Il est également possible, après cuisson, d’appliquer un vernis à l’objet pour lui conférer une surface brillante. Malgré les progrès technologiques, de nombreux potiers khmers restent attachés aux techniques ancestrales, et produisent une multitude d’objets en terre cuite qui conservent un cachet indéniable et un charme suranné que n’ont pas les récipients de métal ou de plastique dont nous inonde l’industrie moderne.
Par Pascal Medeville
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