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Ancre 1

1962 : Le Tribunal International de Justice tranche : le Temple de Preah Vihear est Cambodgien

Le 15 juin 1962, la Cour Internationale de Justice (CIJ) rendit une décision historique dans l’affaire contestée entre le Royaume du Cambodge et le Royaume de Thaïlande concernant la souveraineté territoriale du Temple de Preah Vihear. Ce jugement, fruit d’une analyse minutieuse des éléments historiques, géographiques et juridiques, marque une étape majeure dans les relations bilatérales et souligne l’importance du droit international dans la résolution pacifique des différends frontaliers.

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Contexte et enjeux du litige

Le Temple de Preah Vihear est un ancien sanctuaire situé au sommet d’un promontoire dans la chaîne montagneuse du Dangrek, sur la frontière entre la Thaïlande au nord et le Cambodge au sud. Ce site, riche d’une valeur archéologique et culturelle majeure, a fait l’objet de revendications territoriales opposées entre les deux Etats, donnant lieu à une longue dispute. La question centrale portée devant la CIJ était de déterminer à quel pays appartenait le Temple, en référence aux frontières définies par plusieurs traités franco-siamoises du début du XXe siècle.

Le Cambodge soutenait que, conformément aux accords internationaux et à la carte issue de la Commission mixte de délimitation, le Temple se trouvait sur son territoire. De son côté, la Thaïlande affirmait que la ligne de frontière suivait plutôt le rebord de l’escarpement, plaçant ainsi le Temple sur son sol. Ce différend englobait également la question du retrait des forces militaires thaïlandaises installées sur le site depuis 1954.

Le fondement juridique : Traités et commissions de délimitation

Au cœur du litige se trouve le traité franco-siamoise du 13 février 1904, qui établissait la frontière entre la France (protectrice du Cambodge) et le Siam (aujourd’hui Thaïlande). Ce traité désignait la ligne de crête, ou "ligne de partage des eaux", comme frontière naturelle à suivre dans la région du Dangrek.

La délimitation précise fut confiée à une Commission mixte franco-siamoise mise en place par le traité, chargée de tracer la frontière sur le terrain. Cette commission effectua un travail topographique détaillé de la région entre 1905 et 1907, incluant une inspection directe du Temple. Elle produisit des cartes officielles, parmi lesquelles la fameuse "Annexe 1", représentant le Temple de Preah Vihear dans le territoire cambodgien, en dépit d’un léger écart avec la ligne du véritable partage des eaux que réclamait la Thaïlande.

Le rôle crucial de la carte Annexe 1

La carte dite Annexe 1, élaborée sous la direction française et communiquée officiellement au Siam en 1908, était un élément central du recours cambodgien. Elle exprimait la ligne frontalière délimitée par la Commission, inscrivant le Temple dans le royaume du Cambodge. La Thaïlande contestait cependant la validité de cette carte, arguant qu’elle n’avait jamais été formellement adoptée par la commission mixte et qu’elle contenait une erreur fondamentale, en ne suivant pas le véritable partage des eaux.

La Cour déclare que même si la carte n’a pas été approuvée formellement par la Commission dans son intégralité, elle a néanmoins été acceptée tacitement par la Thaïlande, notamment en raison de sa large diffusion, de l’absence de contestation officielle pendant plus de cinquante ans, et de son adhésion implicite par la conduite des autorités thaïlandaises elles-mêmes. La Cour souligne ainsi le principe juridique selon lequel le silence devant un document officiel publié engage la responsabilité et équivaut à un consentement tacite.

Analyse et décision de la Cour

Dans son analyse, la Cour met en évidence plusieurs faits majeurs :

  • La Thaïlande a longtemps utilisé la carte contestée pour fins officielles, malgré sa contrariété affichée envers le tracé au niveau du Temple.

  • Le gouvernement thaïlandais n’a jamais formellement rejeté la carte ou demandé un réexamen de la frontière pendant des décennies, y compris lors des négociations diplomatiques en 1925, 1937, puis après la Seconde Guerre mondiale.

  • Une visite officielle en 1930 de Prince Damrong au Temple, accueillie par les autorités françaises au nom du Cambodge, n’a suscité aucune protestation thaïlandaise, constituant ainsi une reconnaissance implicite de la souveraineté cambodgienne.

  • Des tentatives de présence administrative cambodgienne ont été entravées par l’occupation militaire thaïlandaise depuis 1954, provoquant la plainte cambodgienne initiale auprès de la CIJ.

Face à ces éléments, la Cour conclut que la Thaïlande a accepté tacitement la ligne indiquée par la Commission et que le Temple relève donc de la souveraineté cambodgienne, conformément à la carte officielle.

Conséquences juridiques et diplomatiques

Le jugement ordonne expressément à la Thaïlande :

  • De retirer ses forces armées de la zone du Temple et de la restituer au Cambodge.

  • De rendre, le cas échéant, les objets culturels qui auraient pu être retirés du site depuis 1954.

S’il fut prononcé à une majorité (neuf juges contre trois pour la souveraineté), il marque une victoire fondamentale pour le Cambodge, fondée sur le respect du droit international, notamment des traités, de la bonne foi et des actes implicites des Etats.

Un jugement symbolique de la primauté du droit international

Cette affaire illustre parfaitement l’importance des accords historiques et de la continuité de leur application. La Cour rappelle que l’objectif essentiel des frontières est la stabilité et la prévisibilité, ne pouvant être remises en cause indéfiniment pour des raisons techniques ou d’interprétation fluctuante.

Le jugement souligne aussi qu’en droit international, l’acceptation tacite par comportement et silence pèse souvent aussi lourd que des accords formels. Cette décision historique jetait les bases de la pacification entre Cambodge et Thaïlande sur ce point sensible, en privilégiant la justice procédurale sur le contentieux territorial.

Conclusion

En tranchant en faveur du Cambodge et en reconnaissant le caractère contraignant de la ligne établie par la Commission mixte, la Cour Internationale de Justice a non seulement rendu justice dans une dispute territoriale symbolique, mais elle a aussi renforcé la primauté du droit international dans la résolution pacifique des différends. Le Temple de Preah Vihear, joyau culturel et religieux, retrouve ainsi son appartenance officielle au Cambodge, et ce jugement demeure une référence majeure dans le droit des frontières.

Synthèse réalisée d’après le jugement complet de la Cour Internationale de Justice, 15 juin 1962

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helengrace
26 juil.
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