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Tonle Sap : Le dilemme des communautés vietnamiennes du Grand Lac

Situé au milieu du Cambodge se trouve le Lac Tonlé Sap, qui signifie “Grand Lac” en langue khmère. Il atteint 250 km de longueur et traverse de nombreuses villes et provinces. Reliés à Phnom Penh, la capitale du pays, de par leur vaste parcours, le lac et rivière Tonlé Sap ont soutenu le développement du pays tout au long de son histoire.

Sur le Tonle Sap

Sur le Tonle Sap


Frontière et histoire

Le Cambodge partage une frontière et de longs chapitres de son histoire avec le Vietnam. Des épisodes de guerre et d’immigration entre les deux pays ont eu pour conséquence une importante population d’origine vietnamienne vivant au Cambodge. Des chapitres d’une histoire complexe entre les deux nations ont influencé la perception des citoyens cambodgiens, portant beaucoup d’entre eux à regarder les Vietnamiens avec méfiance.

Immigration massive

D’après un rapport sur les conditions de vie des Vietnamiens au Cambodge publié en 2014, on estime que neuf Vietnamiens sur 10 sont sans-papiers. Le gouvernement cambodgien attribue ceci à l’immigration illégale. Mais cette explication ne prend pas en considération un important segment de la population vietnamienne au Cambodge. Leur arrivée remonte à l’immigration massive qui se déroula il y a plus d’un siècle lorsque la France gouvernait l’Indochine et que des lois différentes étaient en vigueur.

Habitations vietnamiennes sur le Tonle Sap

Habitations vietnamiennes sur le Tonle Sap


Après la dissolution de l’Indochine en 1954 survenue après l’indépendance du Cambodge proclamée en 1953, puis la guerre civile du début des années 70 et la prise du pouvoir par les Khmer rouges en 1975, le régime tenta d’éliminer la population d’origine vietnamienne au Cambodge par le biais de déportations et d’exécutions. Ceux qui n’étaient pas tués voyaient leurs biens confisqués incluant leurs certificats de naissance et tous documents attestant de leur citoyenneté cambodgienne.

Ecole flottante à Chong Khneas

Ecole flottante à Chong Khneas


Sur le lac

La Loi sur la nationalité promulguée en 1996 a remplacé la loi de 1954 et ajoute de nouvelles exigences pour que des enfants nés au Cambodge puissent être naturalisés. Cette loi exige que les deux parents non-citoyens de l’enfant soient nés au Cambodge, alors qu’auparavant seulement un seul parent devait être né au pays pour que l’enfant puisse obtenir la citoyenneté cambodgienne. De plus, ceux qui ont eu leurs documents saisis durant le régime khmer rouge peuvent difficilement voir leurs demandes traitées avec diligence.

Etant des gens sans nation, les gens de souche vietnamienne sur le Tonlé Sap ne jouissent pas de la protection et des privilèges des citoyens du Cambodge. Ils n’ont pas droit d’acheter des terres, leur accès à l’éducation est restreint. En conséquence, une large population de Vietnamiens apatrides se sont réfugiés en communautés de villages flottants sur le lac Tonlé Sap.

Pendant la saison sèche

Pendant la saison sèche


Les maisons appartenant aux gens du groupe ethnique vietnamien sont caractéristiques à la fois à cause de leur design et de l’absence de terrain comme point d’attache permanent.

Stratification économique

Bien que ceux qui vivent le long des rives soient parmi les plus pauvres au Cambodge, il y a malgré tout stratification économique au sein de cette population. Les Vietnamiens ont tendance à vivre dans des habitations flottantes tandis que les familles cambodgiennes qui en ont les moyens vivent dans des maisons plus solides construites sur pilotis. Les habitations flottantes et bateaux de la minorité vietnamienne sont souvent décorés avec des dessins géométriques à couleurs vives. Apercevoir un nón lá, ce chapeau emblématique en forme de cône, est un autre indice révélateur.

Durant la saison des pluies, les eaux du fleuve Tonlé Sap atteignent leur niveau le plus élevé durant les mois de septembre et octobre. Ceux qui vivent dans des maisons flottantes sont à la merci des fluctuations des niveaux d’eau.

Visite

Pour me rendre aux villages flottants, j’ai loué un bateau avec deux capitaines. Le premier des deux villages flottants que j’ai visités était Chong Khneas.

Ce village est facile d’accès à partir de la grande ville de Siem Reap et reçoit de nombreux groupes de touristes. De ce fait, les visiteurs sont bombardés de façon agressive de demandes de dons. Une pancarte bien visible devant l’école indique « Centre éducatif pour aider les enfants pauvres ».

Chong Khneas

Chong Khneas


Soutenue en partie par des dons, l’école flottante à Chong Khneas reçoit plus de 300 enfants de première à la cinquième année.  Les cours sont donnés par cinq enseignants venus du Vietnam pour vivre et enseigner à Chong Khneas.

Sans document pour prouver leur citoyenneté, les enfants se voient refuser la possibilité de poursuivre leur éducation sur la terre ferme quand ils passent l’âge de fréquenter l’école primaire. Après quoi, ils travaillent pour soutenir leurs familles. Ceci restreint donc la mobilité sociale des gens de souche vietnamienne, et réduit des générations à vivre sur l’eau.

Kompong Khleang

Le trajet vers le second village de Kompong Khleang s’avéra plus difficile. S’y rendre en tuk-tuk à partir de Siem Reap prend plusieurs heures et une partie du trajet se fait sur des chemins de terre. Le tourisme dans ce petit village paisible est de toute évidence peu développé. Mon conducteur de tuk tuk m’a dit que là-bas, je “vais voir comment vivent les Cambodgiens ordinaires. »

Quand j’ai embarqué dans le bateau, j’ai été frappé par la jeunesse de mon capitaine. Son nom était Sela et il n’avait que 14 ans.

Alors qu’on naviguait les eaux de Kompong Khleang, j’ai fait signe à un couple pour demander si je pouvais monter à bord de leur maison. Leurs noms étaient Mme Trần Thị Lén et M. Quành. Près d’eux, leurs enfants étaient en train de ramener un filet pour ramasser leur prise de la journée.

Mr Quành

Mr Quành et sa femme ont six enfants dont l’âge va de dix ans à « plus ou moins la vingtaine ». Le plus jeune, qui était la seule fille dans une famille de cinq frères, ressemblait à sa mère. Elle fut la seule à regarder qui était l’étranger en visite dans sa famille. Ses frères continuèrent à ramener leur filet sans se laisser distraire. Du riz et des poissons pas plus longs qu’un doigt constitue la plupart de leurs repas quotidiens. Mme. Lén m’a raconté que sa famille et d’autres familles vietnamiennes sont souvent blâmées par leurs voisins cambodgiens pour leurs épreuves de la vie.

“Ils nous disent de retourner au Vietnam, qu’on pêche tout et ne leur laisse rien. Ils nous disent de rentrer chez nous, ne veulent pas de nous ici. »

Sa famille est venue dans ce pays il y a trois générations. Quand je lui ai demandé quelles étaient les chances d’avenir pour leurs enfants, Mme Lén n’a pas tout de suite répondu. Elle a simplement dit qu’ils aimeraient retourner au Vietnam mais qu’ils n’ont pas les moyens de quitter le Cambodge.

Leur famille est endettée, dit-elle, faisant allusion aux taxes qu’on leur impose. Les familles qui ont réussi à fuir cette vie l’ont fait en partant discrètement au milieu de la nuit pour rentrer au Vietnam, implorant pour obtenir de la nourriture et des moyens de transport le long du chemin.

Texte et photos par Gia Linh Vũ – Loa. Traduction par Michelle Vachon

Cet article est publié par Cambodge Mag et Global Voices dans le cadre d’une entente de partage de contenu. Les opinions exprimées par l’auteur de reflètent par nécessairement celles du magazine.

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