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Siem Reap & Gastronomie : Chef Sophal, tout pour la cuisine

On s’attend forcément, en croisant le chef qui dirige les cuisines du Khéma Angkor, à rencontrer une personnalité hors du commun. Et le fait est que Sophal Tuon ne séduit pas seulement par les talents qu’il déploie aux fourneaux. Une rencontre avec ce chef aimable et truculent permet de mieux comprendre la passion qui l’anime depuis le plus jeune âge.

Chef Sophal
Chef Sophal

À la question « Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre métier ? », la réponse de Sophal Tuon ne se fait pas attendre : « Goûter le plus de choses possibles ! J’aime manger », répond-il du tac au tac dans un grand éclat de rire à peine étouffé par le masque qu’il porte. Toqué, le chef ? Pas le moins du monde : tout le monde sait qu’un bon cuisinier doit aussi se montrer fin gastronome.

« Plus sérieusement, reprend-il, il y a évidemment bien d’autres choses que j’apprécie dans le métier. Élaborer des plats, découvrir de nouvelles recettes, échanger avec d’autres chefs »

« Et, par-dessus tout, ce sentiment de se sentir un peu comme un docteur : prendre soin des gens, cerner leurs goûts, instaurer une sensation de confort et gagner le pari de les rendre heureux. C’est l’une de mes plus grandes satisfactions ».

La ferme familiale comme seul horizon

Bien qu’il ait ardemment souhaité exercer cette profession depuis le plus jeune âge, Sophal Tuon était pourtant destiné à reprendre la ferme de ses parents, dans la campagne de Kampot. Tout petit, il prend part aux travaux des champs, au sein d’une famille durement éprouvée. « Nous étions neuf frères et sœurs, mais seulement trois d’entre nous ont survécu. Les autres ont disparu alors qu’ils étaient encore jeunes, fauchés par la maladie. Les conditions de vie dans la campagne, à la fin des années 1980, étaient extrêmement rudes. Quand je parle de cette ferme familiale, il s’agissait plutôt d’un lopin de terre, où nous faisions pousser quelques légumes, ainsi que du riz. Au milieu des plantations, il y avait de la citronnelle et du galanga, deux ingrédients qui comptent, aujourd’hui, parmi mes préférés. Grâce aux saveurs qu’ils dégagent, bien sûr, mais aussi parce qu’à chaque fois que je les utilise en cuisine, je ne peux m’empêcher de penser à mon enfance. »

Naissance d’une vocation

Une enfance difficile, marquée par le labeur : « Pour arrondir les fins de mois, nous partions souvent ramasser du bois dans les forêts. Nous nous levions tôt le matin, ou plutôt la nuit, vers 2 heures, pour revenir chargés de bois bien après la fin du jour. Ma mère nous préparait des encas pour la journée, et ces plats, pourtant tout simples, étaient délicieux ! » Alors âgé d’une dizaine d’années, le futur chef découvre, par l’intermédiaire de ces casse-croûtes confectionnés avec l’amour d’une mère, la joie simple du plaisir culinaire.

« Le réconfort et la joie que me procuraient ces repas m’ont donné envie de m’intéresser de plus près à la façon de les réaliser. Je me suis donc mis à observer ma mère, puis, peu à peu, à participer à l’élaboration des plats. Rien d’extrêmement varié, puisque notre milieu ne le permettait pas : comment accommoder un poisson grillé, réaliser du prahok ou cuire des légumes ? Mais cela m’a aussi appris à utiliser les ingrédients naturels issus du jardin. Chez nous, il n’y avait pas de boites de conserve ou de plats instantanés ! Dès lors, je savais, sans le moindre doute, que je ne deviendrais pas fermier, mais cuisinier. Comment y arriver, ça, je n’en avais strictement aucune idée ! ».

Tenter l’aventure à Siem Reap

Comment, en effet, percer dans le métier sans parler un mot d’anglais ?

« Surtout qu’il ne fallait pas compter sur mes compétences culinaires plutôt limitées. Je ne savais même pas ce qu’était un amok », confesse le chef dans un rire bref, vite interrompu par un silence songeur.

« Il me fallait tout d’abord quitter la campagne, car ce n’était pas là-bas que j’aurais pu apprendre quoi que ce soit. À 20 ans, avec mon frère, nous avons décidé de tenter notre chance à Siem Reap. C’était, à cette période, l’endroit où tout pouvait arriver. J’ai tout de suite trouvé un travail dans un hôtel, Pavillon Indochine. Oh, pas en cuisine, mais en occupant tour à tour plusieurs postes, tels que gardien ou jardinier. Peu à peu, j’ai pu apprendre l’anglais et mettre quelques sous de côté, même si la majeure partie de mes économies était envoyée chez ma mère. » Au bout d’un an de labeur, le petit pécule, complété grâce à l’aide du grand frère bienveillant, permet de payer des études à l’école Paul Dubrule.

« Car jamais je n’avais renoncé à mon rêve de devenir cuisinier. À partir de là, tout a changé pour moi. »

Les recettes du succès

À l’école hôtelière, Sophal apprend l’anglais, se familiarise avec l’informatique et met en œuvre ses talents de cuisinier. « Tout cela était nouveau pour moi. Les professeurs cambodgiens nous enseignaient les recettes traditionnelles, telles que le curry, le lok lak et l’amok. Ces plats, s’ils sont bien connus, n’en demeurent pas moins assez complexes à réaliser, surtout pour le jeune débutant que j’étais ! Les professeurs occidentaux, quant à eux, nous révélaient les secrets des lasagnes, du Navarrin d’agneau, du ragoût de bœuf… et de la pizza. Au milieu de toutes ces recettes, c’était, de loin, la pizza que je préférais à l’époque ! »

La carrière de cuisinier de Sophal commence au Méridien Angkor, dans lequel il reste cinq années durant, débutant comme commis et finissant avec le grade de demi-chef de partie. Ses talents sont remarqués, y compris à l’international. En 2010, il accepte sans hésitation un poste à Dubaï.

« Un certain confort financier, la rencontre avec d’autres cultures gastronomiques, un poste important en cuisine… Ces années ont été formidablement enrichissantes, même si les premiers mois ont été particulièrement durs. Une chaleur écrasante, des accents que je ne parvenais pas à comprendre, des employés venant de toutes les contrées»

« Pourtant, peu à peu, je m’y suis habitué, et j’ai réussi à travailler dans les meilleurs hôtels de la région, de Dubaï à Abou Dabi. La diversité culturelle, au début pénalisante, s’est finalement révélée être un immense atout. Les cuisiniers du monde entier étaient impatients de découvrir la gastronomie cambodgienne. Et moi, j’étais impatient de découvrir les cuisines du monde entier ! Nous nous échangions toutes nos recettes. C’est ainsi que j’ai appris les saveurs de la cuisine indienne, les nuances de la gastronomie moyen-orientale, la diversité des plats méditerranéens, sans oublier les subtilités et l’infinie variété des cuisines asiatiques ».

Une place toute trouvée au Khéma

C’est donc tout naturellement que ce chef, curieux de tout, a trouvé sa place au Khéma. Depuis l’ouverture du premier restaurant à Phnom Penh, en 2015, l’enseigne se distingue par la variété de sa carte, où le carpaccio de bœuf côtoie la salade de mangues, et le Kuy Teav Phnom Penh la tartiflette. « Toutes ces recettes, je les réalise avec le même amour et la même passion, qu’il s’agisse d’un couscous ou d’un Bai Sach Moan. Même si je dois avouer avoir un petit faible pour notre steak “Café de Paris”, ainsi que pour le saumon gravlax. Sans oublier les fromages, dont “Le Rousseau”, notre nouvelle réalisation, un fromage frais crémeux 100 % cambodgien, à base de lait de vache, dont nous sommes très fiers ! » Fin gastronome, le chef Sophal ? Assurément oui !

« Se remettre sans arrêt en question, apprendre continuellement et ne jamais se contenter de sa zone de confort sont des préceptes qui me conviennent parfaitement. C’est ce qui permet de proposer de nouvelles saveurs, de trouver des combinaisons inédites et de mixer les influences ».

Et quoi de mieux que le Khéma pour cela ?

Texte et photographies par Rémi Abad

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