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Portrait : Prince Ravivaddhana Monipong Sisowath, de la vie et des nuances

Le Prince Ravivaddhana Monipong Sisowath fait partie de ces gens qu’on pourrait interviewer pendant de longues heures sans s’ennuyer une seconde, un peu comme un livre d’histoires qui ne veut pas se refermer tant chaque époque marquante de sa vie est contée avec une précision et un nombre incroyable d’anecdotes et de détails.

L’homme est élégant dans tout les sens du terme, dans son apparence, soignée, dans son élocution, fluide et précise, dans sa connaissance,incroyablement étendue tant dans l’histoire du Cambodge que dans celle des artsen général. Khmer par sa naissance et son éducation, Français par filiation(grand-mère) et Romain de cœur, le prince se définit ainsi comme un personnage de contradictions, un concept qui lui plait car, dit-il, la contradiction et les nuances font la richesse d’un personnage …

Premières années

Né en 1970 au Cambodge, le jeune prince ne grandira pas sur sa terre natale et, ce fut probablement une chance au regard des années noires qui endeuilleront le royaume avec la guerre civile et l’avènement des Khmers Rouges un peu plus tard. C’est une blessure de son père, Le prince Neak Ang Mechas Sisowath Samyl Monipong, alors officier de l’armée royale qui va provoquer le départ de la famille vers Paris en 1972. Nommé ensuite attaché militaire à Paris après sa guérison, le Prince Sisowath Samyl Monipong installe définitivement sa famille dans la capitale française. De ces jeunes années françaises, Ravivaddhana garde le souvenir de deux univers qui ne se croisent pas : le Cambodge et la France.

« Le Cambodge, raconte-t-il, commence dans sa maison, posée comme un précieux et délicat fragment de royaume que sa mère, la princesse Neak Ang Mechas Norodom Daravadey, préserve, chérit et dont elle transmet l’histoire et la culture à son fils alors sous la tutelle d’une gouvernante chinoise, bien occupée avec un enfant incroyablement éveillé et curieux de savoir»

De ce Cambodge qu’elle ne souhaitait peut-être pas quitter, la princesse Norodom Daravadey veut lui en inculquer le meilleur : le jeune Ravivaddhana apprendra ses prières en Pali, se familiarisera avec l’écriture khmère, et bien sûr avec l’histoire, les coutumes et traditions de son pays de naissance. De cette époque, le prince raconte : ‘’Ma mère tenait précieusement à mon éducation cambodgienne, c’était un souhait fort, mais, paradoxalement, alors qu’avançait la destinée tragique du pays, j’ai aussi vécu les traumatismes de ma mère et, quelque part, le Cambodge me manquait profondément car je le vivais intensément sans y vivre physiquement’’.

Prince Ravivaddhana Monipong Sisowath
Prince Ravivaddhana Monipong Sisowath

Histoire française

A l’extérieur de la maison, à cette époque, commença plus tard une autre histoire, plus française, celle d’un jeune prince exilé qui, fort de l’érudition précoce initiée par ses parents, abordera ses études comme un loisir utile. Et dehors de la maison, raconte-t-il avec un petit sourire, c’était une sorte de jeu, je m’amusais, avec ma sœur, princesse Sisowath Ubbolvadey Monipong, à être aussi intelligent et brillant que possible à l’école, d’être un bon élève et de réussir mes études. Ravivaddhana fera hypokhâgne et khâgne et s’orientera ensuite vers un Masters d’anglais qu’il réussira sans grande difficulté. Mais la maîtrise des langues ne lui suffit pas, il passera aussi quelques modules d’ethnologie, devenant au passage l’un des étudiants de Charles Meyer l’auteur du livre ‘’Derrière le sourire khmer’’ (1971). Mais, pour des raisons familiales, le jeune étudiant va, plus tard, embrasser une carrière commerciale au sein de plusieurs grands groupes comme IBM et Accor, carrière commerciale mais ponctuée ensuite de consultances pour les médias, les institutions, de grands organismes caritatifs, C’est en 1997, au cours d’un voyage professionnel qu’il découvre Rome et l’Italie et en tombe totalement amoureux, ressentant quelque part de subtiles similitudes avec la culture cambodgienne…Cela peut sembler quelque peu insolite, explique le prince, mais il y a de nombreux dénominateurs communs entre ces deux pays. Il y a bien sur la beauté, l’art, le climat, le coté chaleureux mais, ce qui m’a frappé, c’est cette même relativité concernant la notion de vérité et les nuances de liberté, de souplesse et de cohérence qui entourent cette notion. En clair, la vérité n’est pas toujours le meilleur argument, elle est parfois malléable et jamais absolue. Et, de retrouver une même approche chez ces deux peuples est un détail intéressant.

De ces années romaines durant lesquelles Ravivaddhana fait le plein d’émotions artistiques et littéraires, et se passionne pour l’opéra, il ne perd pas contact avec le Cambodge : ‘’ De par mes fonctions, j’ai accueilli plusieurs fois le Ballet Royal à Rome, je recevais beaucoup de visites amicales et familiales. Mais il m’a fallu du temps pour envisager de revenir, je ne me sentais pas prêt durant les années 1990, et je ne souhaitais pas revenir au Cambodge comme un touriste, il fallait, à mon sens, que mon retour soit une démarche constructive et surtout utile’’. Je ne me sentais pas non plus capable de franchir le pas comme l’a courageusement fait mon cousin le prince Tesso Sisowath, c’est-à-dire revenir vivre complètement vivre et travailler au pays avec toutes les difficultés que cela suggère, difficultés d’adaptation pour ceux qui sont partis depuis très longtemps, nostalgie de la deuxième patrie qui peut nous ronger ou parfois la mémoire de ceux qui sont disparus. Quant à sa perception du génocide, elle diffère quelque peu du sentiment généralement ressenti par la diaspora khmère profondément meurtrie et horrifiée de cet épisode traumatisant de l’histoire du Cambodge : ‘’ J’ai essayé de comprendre, comme beaucoup, la période des Khmers Rouges. A travers une approche puis une étude des structures sociétales khmères et de la colonisation de la péninsule indochinoise, finalement je me suis dit que cela n’était pas une surprise. J’oserais même affirmer que cela était prévisible. Par contre, je voudrais vraiment préciser que je reste horrifié par les massacres d’enfants. Que les adultes se fassent la guerre ou entre-tuent est une chose profondément triste, mais qui correspond malheureusement à un ordre des choses, des événements, des cycles de l’histoire. Mais pour moi, le massacre d’enfants n’est pas acceptable….’’

Retour au royaume

Ce n’est qu’en Avril 2000 que le prince a donc l’occasion de revenir au Cambodge. Il est alors en mission pour la FAO. Dans l’avion qui le mène vers son pays de naissance, jamais peut-être le prince n’aura autant ressenti les contradictions de ce qu’il appelle cette génération sacrifiée. Il se rappelle alors des larmes de sa mère liées aux disparus, aux familles séparées, aux tristes nouvelles qui se succédaient ces matins de 1975 alors qu’un rideau de noir et de rouge se fermait sur un royaume autrefois de lumières. Cambodge je te hais pour mes souffrances, Cambodge, je t’aime pour ta beauté que me contait ma chère mère, se disait Ravivaddhana alors que l’avion se posait sur le tarmac de Pochentong. ‘’…Effectivement, c’était très émouvant, j’ai beaucoup pleuré en pensant aux disparus…’’. En arrivant, je suis allé voir la maison de mon grand-père à Phnom Penh, qui existe toujours mais qui a bien changé…puis je suis tout de suite parti pour la campagne cambodgienne dans le cadre de ma mission avec la FAO. Mon contact avec les gens de Takéo a été rude, franc, difficile et finalement sincère, c’est ce type de contact que j’aime au Cambodge. Depuis, je reviens régulièrement, sous des pressions amicales bien sûr, pour des raisons professionnelles ou protocolaires également ; mais chaque voyage est l’occasion de nouvelles rencontres et de découvertes, donc c’est enrichissant. Si je devais me remémorer un instant fort depuis que je reviens au Cambodge, ce serait sans conteste le couronnement de sa majesté Norodom Sihamoni. Ce fut intense, un grand moment historique, j’étais placé au même endroit que le fut mon père lors du couronnement de sa tante. Ce fut important pour moi, je me suis senti à ma place, je me suis senti légitime. Il y a eu aussi ces dernières années beaucoup d’autres moments agréables, en particulier avec la princesse Buppha Devi, merveilleuse icône et héroïne du Ballet Royal khmer. Par contre, je ne vais pas au Cambodge en ‘’vacances’’, j’ai mon jardin secret en Grèce pour mes vacances.

« Vous me le faites remarquer, oui j’aime la vie et les bonnes choses de la vie…explique le prince, je ne me définirais pas comme un épicurien, plutôt comme un hédoniste »

« J’ai eu la chance, hors le contexte des conditions de l’exil et de la tristesse liées au sort de mon pays durant mes jeunes années, d’avoir été merveilleusement entouré, par des gens qui m’ont inculqué l’amour du beau, du bon et de l’élégance. J’avais un grand-père très au fait des arts de la table et j’y ai pris goût, tout comme j’adorais les plats khmers que me préparait ma mère. Enfant, j’ai pris quelques cours de musique mais, au-delà de ces détails autobiographiques, je crois que le fait d’avoir été entouré par des gens raffinés, tant au sein de ma famille que dans mes relations amicales et même professionnelles, a largement contribué à mon attirance pour les arts et les plaisirs de la vie. Pour conclure, et cela est très personnel, je pense tout simplement que la vie est un cadeau merveilleux et qu’elle vaut la peine d’être vécue. Quant à mes loisirs, ils sont à mon image, j’adore l’opéra et, c’est une passion très occidentale, tout comme je suis passionné par l’astrologie, un art tout asiatique…»

Par Christophe Gargiulo

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