Jérôme Luciani, 34 ans, est directeur du développement commercial de LBL International, entreprise de construction franco-khmère créée par sa mère en 1991. Après de longues études et des expériences professionnelles aux quatre coins du globe, il a rejoint l’entreprise familiale, il y a un peu plus de deux ans. Parcours d’un franco-khmer dans un secteur clef du pays.
Jérôme Luciani, 34 ans, directeur du développement commercial chez LBL International
CM : Vous êtes d’origine franco-khmère. Où avez-vous grandi ?
J’ai vécu les premières années de ma vie en France. Je suis arrivé au Cambodge en 1992, pour rejoindre ma mère qui avait fondé l’entreprise LBL au début de l’année 1991 avec mes oncles et mon cousin. J’avais à l’époque huit ans. J’ai vécu un grand changement entre Marseille, où j’avais habité, et Phnom Penh. J’ai été scolarisé au lycée français Descartes. Je suis resté ici jusqu’à mes seize ans, grandissant au rythme de l’évolution du Cambodge. À cet âge-là, je suis retourné passer mon bac en France.
CM : Et ensuite, quelle a été votre formation ?
J’ai ensuite étudié l’Histoire à la Sorbonne, puis passé une maîtrise de travail politique et parlementaire pour me professionnaliser. Ces études me passionnaient, mais je n’arrivais pas à m’imaginer les mettre en pratique au niveau professionnel. J’ai alors décidé de faire un stage à la mission économique au Cambodge. À cette occasion, j’ai découvert le monde de l’économie, du marché. J’ai alors compris que ce que j’aimais, c’était l’entreprenariat. J’ai alors décidé de basculer vers des études de commerce, à l’école américaine de Paris. J’ai obtenu mon diplôme en 2010.
CM : Comment en êtes-vous venu à retourner au Cambodge ?
Après deux stages, à la Mission économique en Inde puis en Irlande je suis resté à Dublin pendant six ans. Ce pays présente beaucoup d’opportunités au niveau des secteurs porteurs, puisque les entreprises américaines s’y implantent pour bénéficier des avantages fiscaux et toucher le marché européen. J’ai notamment travaillé dans le secteur de la technologie et du digital, un an chez Google puis dans une PME de marketing pour le développement de franchises.
J’ai ensuite rejoint une startup, Quantcast, lorsqu’ils ouvraient le marché français. Mais toutes ces expériences, très formatrices, se sont déroulées dans le but de revenir au Cambodge par la suite, du fait de mes attaches familiales mais aussi du rapport intime que j’ai avec le pays.
Ayant vu l’évolution du pays, je voulais contribuer à son développement. Après avoir appréhendé le milieu professionnel dans plusieurs types d’entreprises, j’avais la volonté de venir travailler dans l’entreprise familiale et y apporter mon expérience.
CM : En parlant de LBL International, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’entreprise ?
LBL, c’est tout d’abord la première entreprise française à s’être implantée au Cambodge, en 1991, après les accords de Paris. 27 ans plus tard, c’est aussi l’entreprise de construction qui a la plus grande longévité, au Cambodge.
Elle a été créée avec la volonté d’apporter des standards dans la construction et de reconstruire et développer le pays. Aujourd’hui, elle regroupe 300 personnes, dont 70 ingénieurs et une quinzaine d’architecte. En comptant toutes les personnes qui travaillent pour LBL, dont les ouvriers, nous sommes plus de 2000.
Aéroport international de Sihanoukville par LBL
CM :Vous soulignez la longévité de LBL. Comment vous avez vous réussi à perdurer et à vous démarquer de la concurrence, notamment chinoise, très présente dans le secteur de la construction ?
Nous avons trois valeurs qui nous permettent de garder notre identité, dans cet environnement compétitif : le respect et l’écoute du client, la constance et régularité, en amenant toujours le niveau d’expertise et de qualité dans notre travail et la flexibilité. Nous avons acquis une expertise dans la pratique de la construction au Cambodge, notamment au niveau de l’environnement légal. Nous avons réalisé des projets de tous types : écoles, ambassades, aéroports, usines, centrales électriques… C’est ce qui fait notre positionnement, car aucune entreprise n’a autant d’expérience que nous dans un nombre aussi varié de projets. Souvent, les entreprises sont à la recherche d’un vrai partenaire pour la construction et c’est ce que l’on essaye d’être.
L’hôtel Amansara, la “villa princière”
CM : Vous vous positionnez beaucoup sur des constructions “haut de gamme”. Comptez-vous vous diversifier en gammes ?
Nous avons fait de très luxueux hôtels tels que l’Amansarsa, ou le roi passait ses vacances. C’est vrai que l’on se positionne beaucoup sur cette gamme, car c’est ce qui a fait notre notoriété. Mais par ailleurs, nous avons aussi travaillé sur des hostels. Un des projets qui nous a tenu à cœur est l’auberge de jeunesse de Lub.D, à Siem Reap, l’année dernière, avec un client à la recherche de qualité et d’un partenaire fiable pour son premier projet au Cambodge.
L’offre de nos services se limite plutôt au type de client. Nous recherchons un client qui a des attentes, notamment au niveau des standards de sécurité et de gestion de projet aboutie. Nous faisons par exemple aujourd’hui des Starbucks, et l’entreprise nous identifie maintenant comme son partenaire construction, au Cambodge.
L’hostel Lub.D, a Siem Reap
CM : Seriez-vous prêt à accepter des projets en dehors du Cambodge ?
Ça a été le cas, notamment en Thaïlande, où nous avions ouvert une filiale de LBL, Kalkin, à Koh Samui. Mais LBL s’est retiré du marché thaïlandais du fait de la crise économique et de l’arrêt de beaucoup de projet. Avec, à ce moment, le boom de la construction au Cambodge, on s’est focalisé sur ce pays, où on a déjà du mal à répondre à tous les projets.
CM : Depuis que vous avez rejoint LBL, il y a deux ans, quelles ont été les évolutions de l’entreprise ?
Je m’occupe particulièrement du développement commercial, à la recherche de nouveaux projets pour les années à venir. Je suis aussi en charge des opérations internes, de l’organisation de l’entreprise. En deux ans, on a essayé de structurer plus l’entreprise en embauchant de nouveaux directeurs, tels qu’un directeur sécurité par exemple, ayant de l’expérience dans leur domaine, pour apporter plus d’expertise dans les standards à appliquer sur nos projets. On essaye d’évoluer en même temps que le Cambodge et d’adapter l’entreprise aux challenges futurs.
CM : Quels sont ces challenges ?
Le secteur de la construction a énormément changé. Quand je suis arrivé il y a deux ans, beaucoup de gens prévoyaient un ralentissement, après le boom des années précédentes. Dans l’entreprise, nous n’avons pas misé sur ce ralentissement tout de suite, nous avons pensé qu’il continuerait à y avoir de la demande. Par contre, il faut s’adapter aux évolutions du Cambodge. Quand le tourisme a commencé à se développer, il a fallu construire des hôtels. Puis, ça a été l’immobilier, résidences et bureaux.
Aujourd’hui, il y a de plus en plus de demande au niveau des bâtiments industriels, et nous sommes fier d’avoir pris le train en marche, mais aussi des projets de divertissement, comme des parcs de loisir. Pour demain, on voit que le développement côtier commence. Mais la donne a changé car beaucoup d’entreprises chinoises se sont implantées, avec leur propre manière de pratiquer la construction. Mais elles s’adressent principalement aux clients chinois. Le secteur est tout de même de plus en plus compétitif et les règles du jeu ont changé.
CM : Avez-vous des projets en cours ou à venir qui vous tiennent à cœur ?
Il a eu énormément d’investissements japonais, au Cambodge, dernièrement, et nous sommes très fiers d’avoir pu travailler ces dernières années avec trois grands acteurs japonais. Nous finalisons la tour Starts de service appartement et hôtel. Nous avons aussi travaillé pour le projet d’une usine de pommeaux de boîtes de vitesses, du groupe Midori. Mais le projet dont nous sommes le plus fier, c’est de travailler avec Toyota, pour qui nous construisons le nouveau siège social, sur le boulevard de la Confédération de Russie.
Projet de siège social de l’entreprise Toyota
CM : Racontez une de vos journées types.
Je suis en charge de plusieurs départements, donc quand j’arrive., j’essaye de savoir ce qu’il se passe dans chacun. Mais ensuite, pas de journée type ! La particularité, c’est que les portes des bureaux sont toujours ouvertes et tout le monde est à l’écoute des autres. Donc ma journée dépend de ce qu’il se passe dans l’entreprise ou sur les chantiers, en fonction des problèmes à régler.
Propos recueillis par Adèle Tanguy
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