L’art de la transition : l’exposition « VARY » de Nout Daro et Thun Dina
- La Rédaction
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Deux artistes cambodgiens, Nout Daro et Thun Dina, invitent le public à réfléchir sur le changement, l’identité et l’évolution de la société contemporaine à travers leur exposition commune intitulée « VARY ». Présentée à la gallerie du Rosewood Phnom Penh, cette rencontre artistique allie sensibilité picturale et profondeur conceptuelle, traduisant la quête intérieure d’une génération partagée entre mémoire et modernité.

Né de la volonté de confronter leurs univers, « VARY » n’est pas simplement une exposition ; c’est un dialogue visuel entre deux voix artistiques en pleine affirmation. Pour Nout Daro, le thème de la transition renvoie à la transformation de la matière comme métaphore du mouvement perpétuel de la vie. Chez Thun Dina, il s’agit d’un passage plus intime, celui du moi intérieur évoluant au fil du temps et des expériences. Ensemble, ils construisent un espace d’échange où l’art devient le reflet d’une société cambodgienne en mutation.
Les œuvres de Daro, souvent marquées par des compositions abstraites et des jeux subtils de textures, évoquent la fluidité du changement. Il peint la brume, le passage, l’indéterminé – ces zones où rien n’est figé. Par des gestes spontanés et des teintes nuancées, il cherche à capturer l’instant éphémère où une forme se défait pour en engendrer une autre. « Rien n’est stable, tout se transforme – même l’âme », confie l’artiste, soulignant sa fascination pour la métamorphose des émotions et des matériaux.
Face à cette légèreté méditative, les œuvres de Thun Dina reposent davantage sur l’introspection et la symbolique. Son vocabulaire plastique associe des formes organiques à des figures humaines fragmentées, exprimant le conflit entre le visible et l’invisible, le passé et le présent. Dans ses toiles comme dans ses sculptures, la dimension spirituelle s’impose.
« Je veux traduire la vibration silencieuse du changement », explique-t-il, « celle qui ne se voit pas mais se ressent profondément. »
Ce face-à-face entre deux sensibilités, loin de s’opposer, révèle une harmonie subtile. En adoptant le mot « VARY » – qui signifie « changement » ou « altération » – comme titre, les deux artistes signent une déclaration esthétique forte : accepter la variation comme une condition essentielle de la vie. Leur approche conjointe ne prône ni rupture ni nostalgie, mais l’équilibre fragile d’un monde en perpétuel devenir.
L’exposition s’inscrit dans une dynamique plus large de renouveau de la scène artistique cambodgienne.
Après des décennies de silence imposé par l’histoire, une nouvelle génération d’artistes émerge, avide de questionner les symboles, de revisiter les traditions et de redéfinir leur place dans le monde globalisé. Dans ce contexte, Daro et Dina incarnent cette recherche d’identité fluide, où la transformation est perçue non comme une perte, mais comme une renaissance.
Certaines installations utilisent la transparence et le vide pour suggérer l’impermanence, d’autres mobilisent des matières naturelles – bois, pigments, fibres – pour rappeler la dimension organique du cycle de la vie. L’exposition nous invite ainsi à vivre le changement non comme une rupture, mais comme une respiration.
À travers cette collaboration, Nout Daro et Thun Dina signent une œuvre à quatre mains où les sensibilités se répondent dans une chorégraphie silencieuse. Leur travail témoigne d’une complicité intellectuelle rare et d’une volonté partagée d’élever l’art contemporain cambodgien à un niveau de réflexion universel. En dialoguant avec le public, leurs créations ouvrent un espace d’écoute et de contemplation sur la manière dont nous expérimentons, individuellement et collectivement, la transformation du monde.
Au final, « VARY » ne se limite pas à une exposition d’art contemporain : c’est une invitation à penser le changement comme une force positive, un principe vital. Dans un Cambodge en pleine mutation sociale, urbaine et culturelle, cette proposition artistique résonne comme un écho à la quête de sens d’une génération en transition. Les œuvres de Daro et Dina nous rappellent que, dans l’art comme dans la vie, la beauté réside avant tout dans le mouvement.
L'exposition se déroule jusqu'au 11 décembre 2026.



