Bien longtemps avant l’avènement de l’ère bouddhiste, un brahmane aux pouvoirs magiques s’essayait régulièrement à de nouvelles expériences. Ainsi, un jour, il partit loin dans la montagne. Il s’assit sur un rocher et récita des formules magiques. Une des formules était si puissante que tous les arbres, même les plus robustes se plièrent.
Le savant homme rentra bientôt au village sans se douter que sous le rocher, un loup avait tout écouté et n’avait pas perdu une seule syllabe de la formule magique. Le loup qui avait été religieux dans une vie antérieure ne pensait qu’au pouvoir qu’il pourrait obtenir à l’usage de la formule magique. Le matin, il monta sur le rocher et aussitôt qu’il eut prononcé la formule magique, tous les animaux, même les plus sauvages accoururent se prosterner à ses pieds. Le loup et son épouse furent sacrés Roi et Reine des animaux.
Rempli d’orgueil, le nouveau Roi décida de partir à la conquête du royaume de « Peareanasey » (L’Inde d’aujourd’hui). Il décréta la mobilisation de toutes les forces « venimeuses, mordeuses et griffantes ». L’armée gigantesque s’étendait sur douze kilomètres et tous les villages étaient effrayés sur son passage. Le couple royal se tenait debout sur le dos d’un « Reachasey », animal mythique à la force redoutable, et dont le seul cri pouvait tuer tout le monde alentour. Il était lui-même monté sur deux rangées d’éléphants.
L’armée encercla la capitale. Le Roi-Loup somma son homologue de combattre ou de se rendre. Un conseiller de la cour des humains suggéra à son souverain de demander un temps de réflexion. Il alla s’enquérir auprès du Roi Loup, des armes qui lui permettaient de se montrer si confiant. Le Loup répondit qu’il avait le pouvoir de séduire un « Reachasey » qui pourrait d’un seul cri anéantir ses adversaires.
Le fonctionnaire du Roi alerta alors les habitants en leur enjoignant de se boucher les oreilles avec des fibres de kapok puis monta sur la plus haute tour de la ville pour se moquer du Roi Loup arrogant. Il le mit au défi de réussir à se faire obéir du « Reachasey ». Le Roi-Loup fit alors crier le terrible animal. Celui-ci hurla si fort qu’il décima l’armée entière du Roi-Loup, mais sans tuer personne dans la cité des humains. Seul, le « Reachasey » avait survécu à son propre cri.
Partout autour de la ville gisaient des cadavres d’animaux. Les habitants ne savaient plus quoi en faire. Comme ils manquaient de sel pour conserver toute cette viande, ils essayèrent de nouvelles techniques. Ils mirent des quartiers de viande dans de la cendre, d’autres à sécher au soleil. Ils s’aperçurent ainsi qu’un morceau de viande séchée pouvait être consommé longtemps après. Il suffisait de le laver et de le faire cuire. Ils firent de même avec le poisson. C’est ainsi que grâce à l’épopée légendaire du Roi-Loup, on peut trouver sur les marchés de la ville, cette viande séchée si prisée de nombreux Cambodgiens.
(Textes inspirés de Mak Sarun)
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