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Archive & Portrait : Chenda Clais, Reine de l’écotourisme

À l’occasion de la naissance de l’éléphanteau Achhariyak Noëlle (miracle de Noël), Cambodge Mag remet à la une le portrait de la présidente de l’association Airavata, Chenda Clais.

Chenda Clais
Chenda Clais

Femme d’affaires de la jungle

Suggérez à un homme d’affaires de construire un hôtel loin de toute infrastructure digne de ce nom. Immanquablement, il esquissera le sourire poli qu’on adresse aux simples d’esprit. C’est pourtant cette voie qu’a choisie Chenda il y a vingt ans. Et, sans jamais s’en détourner. Fuyant Phnom Penh et Siem Reap, les provinces de Rattanakiri, Kep et Kratié sont devenues les écrins des boutiques-hôtels qu’elle gère avec sa famille, en particulier avec son mari français Pierre-Yves Clais.

Son succès a valu à Chenda qu’on la surnomme, dans les milieux d’affaires cambodgiens, la » femme d’affaire de la jungle ». Mais plus que la réussite économique, cette amoureuse des richesses et des beautés de la nature cambodgienne souhaite surtout protéger et promouvoir ce patrimoine aussi important à ses yeux que les temples d’Angkor. Cet engagement se traduit, entre autres, par son combat pour la protection des derniers éléphants du Cambodge.

Fée nature

Sans nul doute, la fée nature était à ses côtés le jour où elle vint au monde, il y a quarante ans. Très tôt, Chenda Clais porta en elle le rêve d’habiter une maison traditionnelle khmère joliment entourée de jardins étincelants de mille couleurs. Ce rêve devint réalité en 1999. Avec son mari, elle fit l’acquisition d’une spacieuse maison en bois s’ouvrant sur le lac de Kanseng dans la province du Ratanakiri.

Le bout du monde

Le bout du monde à l’époque. Mais quel bout du monde ! Avec de la forêt dense et sombre à n’en plus finir, des lacs reflètent les beautés célestes, un relief vigoureux à mille lieues des paysages parfois monotones des plaines cambodgiennes, une faune d’une grande diversité s’épanouissant loin des communautés humaines encore peu nombreuses… Cette province-là était forcément celle qui attendait Chenda depuis toujours.

Terres Rouges

Devenue le Lodge des Terres Rouges, établissement qui accueille chaque année un grand nombre de touristes cambodgiens et étrangers, cette maison fut son premier pas dans le monde des affaires. Ce premier challenge, Chenda y parvint à force de travail et persévérance. Née d’une famille pauvre, elle lut bien souvent du mépris dans le regard de quelques autres mieux lotis. Mais comme quelques jeunes de sa génération, elle put bénéficier d’une formation de qualité au département d’études francophones de l’Université royale de Phnom Penh. Sa réussite dans ses études lui a mis le pied à l’étrier.

Les vingt années écoulées depuis l’ouverture des Terres Rouges n’ont pas été un long fleuve tranquille. Mais Chenda, une battante née, ne s’est jamais laissé démonter par l’adversité. Aujourd’hui, aux trois boutiques-hôtels — aux Terres Rouges sont venus s’ajouter ceux de Kep et de Kratié — la « femme d’affaires de la jungle » peut se retourner avec fierté sur le chemin parcouru.

Pionnière

Pionnière de l’écotourisme au Cambodge, Chenda a emprunté cette voie le plus naturellement du monde, sans trop se préoccuper par avance des difficultés. « J’aime la nature et je voulais faire quelque chose de différent, voilà tout », explique-t-elle. « À nos débuts dans le Rattanakiri, se souvient-elle, les gens du coin ignoraient tout de l’écotourisme. Alors nous avons investi de l’argent dans la formation de guides et ça a fini par marcher. »

Chenda Clais, Pasionaria des éléphants
Chenda Clais, Pasionaria des éléphants

Pasionaria des éléphants

Débordée de travail dans l’entreprise familiale, cette mère de trois enfants fait aussi partie de ces gens qui ne cessent de se lancer dans de nouvelles activités. Passion quand tu nous tiens ! Et l’une de celles qui l’animent est énorme, voire même » pachydermique ». Il s’agit de la préservation des éléphants du Cambodge. Il y a trois ans, quatre spécimens ont rejoint la famille — les passions sont souvent contagieuses et toute la famille de Chenda est désormais atteinte d’« éléphantomanie aigüe ».

Airavata

Présidente de l’association khmère de préservation des éléphants « Airavata », Chenda estime qu’il resterait aujourd’hui dans le pays 250 éléphants sauvages et 72 domestiques.  « L’éléphant représente l’esprit national khmer, explique-t-elle. Ils ont contribué à la grandeur de l’empire khmer en participant à la construction des temples d’Angkor et en livrant bataille sous les ordres de nos rois. Mais ils sont aujourd’hui en voie d’extinction et c’est à nous Cambodgiens qu’il revient de préserver l’espèce. C’est pourquoi l’un de nos principaux buts est de favoriser la naissance d’éléphanteaux. » L’association récolte des dons pour financer cette ambition coûteuse. Chenda confie avoir dépensé 200 000 dollars en trois ans pour l’entretien des quatre animaux.

Vers un village des minorités ethniques

Autre projet pour Chenda : la création d’un village pour préserver la culture des minorités ethniques dans la province de Rattanakiri. Sur un terrain de sept hectares, Chenda a fait construire des maisons représentatives de l’habitat traditionnel des 12 minorités présentes dans la province ainsi qu’un marché où sont vendues leurs productions agricoles, alimentaires et artisanales.

Chenda Clais

Depuis 20 ans qu’elle vit dans cette région, Chenda a pu observer l’inexorable déclin des pratiques traditionnelles des minorités.

« Les membres des minorités eux-mêmes délaissent leur habitat traditionnel et bâtissent des maisons modernes, note Chenda. Si l’on n’y prend garde, il n’en restera bientôt plus, et c’est la même chose pour les coutumes et traditions ».

Ce village, construit par des membres des minorités, se veut un conservatoire des modes de vie ancestraux des groupes ethniques ouvert aux touristes locaux et internationaux.  Ce nouveau projet touristique du Cambodge est soutenu par le ministre du Tourisme S.E. Dr Thong Khon. Chenda l’a rencontré il y a quelque mois pour lui présenter le projet.

Femme active et sportive
Femme active et sportive

Avec toutes ces activités, Chenda ne cesse de courir d’en endroit à l’autre du pays. Au volant de sa voiture, elle enchaîne les kilomètres. Veiller au bon fonctionnement de ses boutiques-hôtels, trouver des partenaires et des soutiens pour ses passions, inventer de nouveaux moyens de préserver la nature cambodgiennes, un jour ici, un jour là, rien ne l’arrête, sinon une panne de voiture de temps à autre.

« Je m’en fiche. Ça se répare. », sourit-elle.

Il lui faudrait probablement 1000 vies pour mettre en œuvre toutes les belles idées qui fourmillent en elles. La fée nature serait bien inspirée de les lui donner.

Par Ky Soklim et Nhek Sreyleak pour Thmey-Thmey & Cambodge Mag


O’Katieng Waterfall, Banlung, Ratanakiri, Royaume du Cambodge

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