Depuis le 4 juillet 2021, « Les Rencontres de la photographie d’Arles » rendent un hommage à l’« artiste -historien » Raymond Cauchetier, réputé pour son travail de photographe de plateau à l’époque des grands films de la Nouvelle Vague, mais aussi pour ses photos du royaume et de l'Asie.
Sa veuve d’origine japonaise, Kaoru Cauchetier, qui l’a accompagné dans bon nombre de ses voyages, participe à cette exposition posthume.
Cauchetier est venu au monde du cinéma en grande partie grâce à Angkor et au Cambodge : il travaillait sur les temples anciens khmers à la fin des années 1950 lorsqu’il rencontra Marcel Camus, qui avait alors démarré le tournage de son film L’Oiseau de Paradis avec la princesse Norodom Buppha Devi.
En fait, dès 1956, Cauchetier avait été sollicité pour être le photographe de plateau du film anticolonialiste « Mort en Fraude », que Camus s’apprêtait à tourner en Indochine, d’après un livre du romancier Jean Hougron, un ami de Cauchetier.
Cauchetier se lia également d’amitié avec le roi Norodom Sihanouk, père de la princesse et lui-même réalisateur et grand cinéphile. Camus et le roi Sihanouk lui suggérèrent tous deux d’exercer ses talents au cinéma, ce qu’il fit à son retour en France, capturant dans les coulisses, actrices, acteurs et réalisateurs qui allaient atteindre une notoriété mondiale.
Toutefois, sentant que son travail était relativement peu apprécié, Raymond Cauchetier explora d’autres voies, développant des « romans-photos » à partir des classiques de la littérature, et voyageant à travers l’Europe pour capturer des fragments de l’art roman médiéval.
Avec le même regard aigu et empreint de tendresse qu’il avait porté sur la vie quotidienne au Vietnam, attirant l’attention admirative du romancier Graham Greene et des dirigeants vietnamiens, Cauchetier fera le portrait des habitants des rues, des champs et des forêts du Cambodge, d’abord dans les années 1950, puis en 1967, lorsqu’il sera invité par le roi Sihanouk à revenir dans le pays.
À propos du photographe
Raymond Cauchetier (10 janvier 1920, Paris — 22 février 2021, Paris) était un photographe autodidacte dont l’œuvre, intimement liée à Angkor et à l’Asie, est reconnue comme l’un des témoignages majeurs sur la culture et les arts du XXe siècle.
Fils d’une veuve en difficulté, Raymond aura une enfance modeste, éclairée toutefois à l’âge de 11 ans par la vision de la reconstitution d’Angkor Vat pour l’exposition universelle de 1931 à Vincennes, qu’il pouvait admirer de la fenêtre de son modeste logement.
Après avoir rejoint la Résistance de la France Libre en 1943, il est envoyé à Saigon au sein du service de presse des Forces aériennes françaises libres. Il s’achète un appareil Rolleiflex assez rudimentaire, « utilisé par tous les correspondants de guerre à cette époque », et commence à réaliser des photos aériennes.
« Je me considère plus comme un historien que comme un photographe » se souviendra plus tard Cauchetier, qui deviendra un artiste acclamé sur le tard, photographiant le Vietnam, le Cambodge, le Laos, le Japon dans les années 1950, avant de se reconvertir dans la photographie de cinéma.
En 1967, le roi Sihanouk se montre tellement séduit par les photos de Cauchetier qu’il lui propose de diriger une école nationale de photographie, mais Raymond s’estime trop vagabond et trop libre d’esprit pour prendre une telle responsabilité.
Selon Cauchetier lui-même, « le roi du Cambodge avait fait fabriquer un coffre-fort climatisé pour protéger mes diapositives et mes négatifs du climat tropical. Il était loin de se douter qu’un coup d’État se préparait et qu’en 1970, l’un de ses généraux, Lon Nol, appuyé par la CIA, le renverserait pendant l’un de ses voyages en France.
La victoire fut de courte durée. Les Khmers rouges, que Sihanouk avait tenus en échec, se déchaînèrent sur le Cambodge et s’engageront dans un règne de terreur. Ils prennent Phnom Penh en 1975 et occupent le Palais Royal. Ils trouvent le coffre-fort contenant les photos et, croyant qu’il est rempli de bijoux, le font sauter à la dynamite. Tout ce qu’il contenait a été réduit en cendres : il ne restait rien de mes 3 000 photos. »
Avec l’aimable autorisation d’angkordatabase.asia
Remerciements à Bernard Cohen
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