Certains (et nous ne sommes pas loin de partager leur avis) clament que l’offre de restauration de l’Empire du Milieu dans la capitale khmère est le plus souvent médiocre.
On ne peut en effet que constater que, dans de nombreux établissements de cuisine chinoise de Phnom Penh, on doit déplorer une décoration soit inexistante, soit criarde, un service dont la qualité est au mieux aléatoire, l’hygiène parfois douteuse… Ajoutons à cela que certains des mets servis ne font pas honneur, c’est le moins que l’on puisse dire, à l’excellente gastronomie chinoise. En d’autres termes, dans cette ville qui offre par ailleurs pléthore de restaurants khmers, français, japonais, coréens, italiens… de très belle tenue, l’addition d’un ou deux restaurants chinois dignes de figurer dans la « shortlist » des amateurs éclairés de bonne chère ne serait pas inutile.
C’est avec une envie certaine que nous sommes allés aller déjeuner dans le tout nouveau restaurant chinois de l’hôtel Rosewood, le « Zhan Liang » (prononcer [djanne li-angue]), dont nous avions eu des échos plutôt élogieux.
Tons feutrés
Le chef David Pan, qui préside aux destinées culinaires de l’établissement, a installé ses cuisines au niveau B1 du Vattanac Capital Mall. L’élégance subtile du décor tranche résolument avec les excès de chinoiseries de pacotille de ces maisons qui veulent attirer les foules de chalands facilement impressionnables : ici, point de dragons aux griffes dardées et à la langue fourchue, encore moins de lanternes de papier rouge criard ornées de sinogrammes dorés… et pourtant, l’atmosphère est résolument chinoise. Le style de la décoration est absolument contemporain, avec des tons feutrés, des éléments de métal, un éclairage ajusté ; des œuvres d’artistes cambodgiens et chinois contemporains viennent en outre souligner le bon goût du décor (signalons notamment des tableaux de l’un des peintres les plus en vue du Royaume : Leang Seckon).
Élégance
L’assise est très confortable, et la vaisselle, d’une rare élégance. Quant au service, il est irréprochable, à la fois discret et attentif. Qui plus est, interrogées, les personnes qui nous ont apporté les mets, nous ont fourni toutes les informations nécessaires pour apprécier au mieux ce que nous avions dans nos assiettes.
Menu éclectique
Le menu est plutôt éclectique : on y trouve mentionnés des plats du Sichuan, de la cuisine cantonaise (notamment des dim-sums) et du Nord de la Chine, des fruits de mer. Cet aspect peut inquiéter si l’on garde en mémoire ces restaurants « chinois » que l’on trouve en France, et dont certains sévissent aussi à Phnom Penh, qui, sans vergogne, proposent côte à côte un canard laqué de Pékin famélique à la maigreur désolante, un assortiment de dim-sums de Canton pâteux et douteux, des rouleaux de printemps à la fraîcheur suspecte, et des spécialités « sichuano-mandchouriennes » semblant sortir d’un film de science-fiction. Et pour être tout à fait honnête, il faut avouer que le « melting pot » de cuisines chinoises affiché sur la carte nous a d’abord un peu inquiétés…
Finesse surprenante
On a été un peu rassuré en découvrant le parcours du chef : David Pang, Malais d’origine chinoise, a dirigé les cuisines de divers établissements de haut vol dans des pays répartis sur trois continents. Il a notamment œuvré au Fuhu Dining de Kuala Lumpur, ouvert en coopération avec un groupe local par Alvin Leung, chef hongkongais vedette, triplement étoilé au Guide rouge.
Nos doutes se sont complètement dissipés lorsque nous avons goûté un échantillon qui nous semble représentatif de ce que le chef Pang concocte pour sa clientèle. Nous avons pu d’abord déguster quelques dim-sums familiers, dont un délicieux plat de pâte de riz fraîche fourrée de porc rôti à la cantonaise (char siew) (la rôtisserie cantonaise est l’une des spécialités du Zhan Liang). Le riz sauté aux haricots noirs a également été un délice dont nos papilles gardent un souvenir ému. Même le sauté de champignons et de légumes, simple en apparence, s’est révélé d’une finesse surprenante. Mais c’est le bœuf fumé au thé au jasmin, la spécialité du chef Pang, qui mérite une attention toute spéciale (ce plat n’est normalement pas servi à l’heure du déjeuner).
Nous avons encore parcouru le menu du dîner… En plus d’une multitude de plats alléchants, les amateurs d’abalones, de nids d’hirondelles et d’abalones trouveront à Zhan Liang de quoi satisfaire leurs coupables penchants !
En plus de deux salles de restauration, dont l’une donne sur la partie rôtisserie des cuisines, le restaurant met encore à la disposition de ses clients trois salons privatifs aménagés avec beaucoup de goût.
Mérite également une mention particulière : une très riche « bibliothèque à thés », qui devrait être en mesure de ravir les adeptes les plus pointus de cette boisson originaire de Chine.
Bien qu’ouvert il y a deux mois à peine, Zhan Liang a déjà conquis une clientèle déjà nombreuse. Que ce soit pour le déjeuner ou pour le dîner, il est donc fortement recommandé de réserver. En chinois, Zhan Liang (嶄亮) signifie littéralement « qui fait saillie et qui est brillant ». Ce restaurant est effectivement remarquable, et brillant, il l’est, assurément.
(Les menus du restaurant sont disponibles sur le site web de Rosewood : https://www.rosewoodhotels.com/en/phnom-penh/dining/zhan-liang.)
Texte et photographies par Pascal Médeville. Photos additionnelles par Rosewood
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