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Culture : Il y a 20 ans, le fabuleux drame romantique d'Angkor Wat

Beaucoup de cinéphiles éclairés se rappellent probablement de l’esthétisme, de la musique et de la poésie du film « In the Mood for Love », drame romantique tourné il y a vingt ans à Hong Kong et Angkor Wat.

In the Mood for Love
In the Mood for Love

À propos

« In the Mood for Love » a été écrit, produit et réalisé par Wong Kar-wai (né le 17 juillet 1956) . L’œuvre de Wong se compose de dix longs métrages, 16 films pour lesquels il n’est crédité que comme scénariste, et sept films qu’il a produits. Il a également réalisé des publicités, des courts métrages et des vidéoclips, et a contribué à deux films d’anthologie. Wong Kar-wai est un cinéaste de la deuxième vague de Hong Kong, reconnu internationalement en tant qu'auteur pour son œuvre visuellement unique et chargée d'émotion, notamment Ah fei zing zyun (1990), Dung che sai duk (1994) ), Chung Hing sam lam (1994), Do lok tin si (1995), Chun gwong cha sit (1997), 2046 (2004) et My Blueberry Nights (2007), Yi dai zong shi (2013).

« In the Mood for Love » a été unanimement salué par la critique. Wong a été le premier réalisateur chinois à remporter le prix du meilleur réalisateur du Festival de Cannes (pour Chun gwong cha sit en 1997). Il a été président du jury au Festival de Cannes en 2006, ce qui fait de lui le seul Chinois à présider cet événement. Il a également été président du jury du 63e Festival international du film de Berlin en février 2013.

Wong Kar-wai
Wong Kar-wai

Avec un titre chinois original signifiant en fait « Années fleuries », le film « In the Mood for Love » relate l’histoire du journaliste Chow Mo-wan (Tony Leung) et de Su Li-zhen (Maggie Cheung) dont les conjoints ont une liaison et qui développent progressivement des sentiments l’un pour l’autre. Le film est considéré comme l’une des œuvres majeures du cinéma asiatique et a été désigné deuxième meilleur film du 21ème siècle dans une enquête réalisée en 2016 par la BBC.

Scène finale
Scène finale

Scène finale

Le réalisateur Wong Kar-wai a filmé la scène finale dans les ruines somptueuses et chargées d’histoire d’Angkor Wat au Cambodge. Des images d’archives du Cambodge des années 60 peuvent également être vues avant cette séquence culte. Le journaliste de Hong-Kong se trouve donc en visite à Angkor Wat et se dirige lentement vers une brèche d’un mur du temple.

Alors qu’il se penche vers le mur, il murmure quelques paroles de manière inaudible dans la petite crevasse, la caméra glisse autour de lui, et la chanson-thème obsédante du film remplit alors l’espace silencieux qui l’enveloppe, acte final d’un film construit sur des images somptueusement superposées et une bande-son tout aussi envoûtante. M. Chow recouvre ensuite le creux avec de l’herbe boueuse et quitte l’édifice religieux au coucher du soleil. Ce qu’il murmura ne fut jamais révélé, mais chacun suppose qu’il jura son amour éternel pour Su Li-zhen. M. Chow marche ensuite brièvement dans l’un des couloirs avant de sortir du temple.

Un jeune moine bouddhiste observant M. Chow
Un jeune moine bouddhiste observant M. Chow

Dans la série d’images suivante, la caméra se déplace sans hâte à travers les ruines désormais vacantes, s’arrêtant brièvement à la brèche à présent couverte de boue et d’herbe où M. Chow a laissé son secret scellé pour l’éternité. Ainsi, de manière assez inattendue, Angkor Wat devient un personnage du film. Plus précisément, les protagonistes du film — désormais absents de l’écran — sont éclipsés par ces impressionnantes structures de pierre merveilleusement filmées qui ont résisté à l’épreuve du temps.

Métaphore

L’œuvre de Wong Kar-wai est surtout connue pour son obsession de l’impermanent et du moment qui passe. Les myriades de passages et d’intérieurs dans lesquels évoluent Chow Mo-wan et Su Li-zhen tout au long du film deviennent autant les protagonistes de ce film que les personnages. Ces espaces semblent en permanence orchestrer la réunion de M. Chow et Mme Chang — d’abord dans le couloir qui joint leurs appartements adjacents, puis dans l’étroit escalier menant au stand de nouilles qu’ils fréquentent. Ainsi les passages vides d’Angkor Wat nous rappellent peut-être que les structures qui organisent les espaces traversés par le couple sont des lieux qui, un jour aussi, resteront vides de la vie qu’ils abritaient autrefois.

Angkor Wat devient un personnage du film
Angkor Wat devient un personnage du film

Garder le passé en vie

Pour Wong, le film est un moyen de conservation, un substrat très différent de la pierre d’Angkor Wat, mais avec le même objectif : garder le passé en vie. Wong aime exploiter la juxtaposition entre la permanence du film et l’impermanence de ce qu’il photographie. Contrairement aux ruines d’Angkor Wat, les espaces de Hong Kong photographiés dans « In the Mood for Love » sont transitoires. Cela commence par le quartier où se rencontrent M. Chow et Mme Chang, là où les immigrants de Shanghai se sont installés, parfois très brièvement avant de repartir pour d’autres contrées, aux États-Unis, à Singapour, et aux Philippines.

Su Li-zhen (Maggie Cheung)
Su Li-zhen (Maggie Cheung)

Cette quasi-obsession de la nature transitoire des diasporas et de l’impossibilité de cartographier les coordonnées stables de l’espace et du temps font de Wong un véritable auteur et subtil observateur du monde étrange dans lequel nous vivons encore, un monde qui brisé la notion d’espace et multiplié les populations déplacées. L’impermanence du moment et l’instant imperceptible où le changement s’installe sont des sujets de fascination sans fin pour Wong. Un exemple clair, voire déchirant dans ce film, est celui où M. Chow explique à Mme Chang : « les sentiments peuvent surgir comme ça ».

Et juste comme ça, leur relation platonique se transforme en une histoire d’amour impossible.

M. Chow
M. Chow

Images historiques

Les images documentaires de 1966 du président de Gaulle arrivant à l’aéroport de Phnom Penh sont le seul événement historique réel décrit dans « In the Mood for Love ». Le réalisateur annonce probablement la fin de l’Indochine française et le début de la guerre du Vietnam. La période du film (1962-1966) couvre deux événements clés : le début de la révolution culturelle en Chine et la guerre du Vietnam qui gronde. La fin dans les ruines d’Angkor Wat, ancienne capitale du Cambodge, située sur une route de pèlerinage entre la Chine et l’Inde, semble aligner le film sur une trame intemporelle de mouvement, d’exil et de dislocation. Mais cette intention de l'auteur semble aussi tristement marquer la répétition de l’Histoire : le ton lugubre qui domine la séquence d’Angkor Wat laisse présager des événements violents qui vont se dérouler.

Voir la séquence finale :

Quelle fin ?

La mesure dans laquelle Mme Chan et M. Chow ont contrôlé leurs passions à la fin du film est ouverte à la spéculation. Sont-ils toujours amoureux? Ou le temps et la distance leur ont-ils permis de s'oublier ? Les scènes supprimées mais fournies sur le DVD nous emmènent au-delà de la conclusion du film et dans les années 1970. Nous voyons un Hong Kong changé, où les jeunes femmes ont troqué leurs robes cheong-sam vibrantes pour des vestes doublées de fourrure . Mme Chan, maintenant propriétaire de l'immeuble, et toujours mariée à son mari infidèle, apprend que M. Chow est revenu à Hong Kong après une affectation à Singapour. Bien qu'ils tentent de s'éviter, ils se rencontrent de manière fortuite au stand de nouilles où ils se sont remarqués pour la première fois dix ans auparavant.

La scène se joue comme un battement de cœur un peu trop long : leurs yeux se rencontrent, ils se crispent, et c'est fini. Une autre scène supprimée les montre se rencontrer par hasard au temple d'Angkor Wat. Cette fois, ils se parlent en se promenant dans les ruines du temple, comme s'ils visitaient les restes de leur propre passion abandonnée par le temps qui passe.

CG

Notes : Rey Chow, Sentimental Fabulations, Contemporary Chinese Films, Columbia University Press, New York, 2007, p. 77.

Illustrations : Captures d'écran de « In the Mood for Love »

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