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Photo du rédacteurChristophe Gargiulo

Cambodge & Société : Saint-Valentin, célébrer sans transgresser la culture cambodgienne

Depuis plusieurs années, à quelques jours de la Saint-Valentin, le ministère de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports appelle les responsables de lycées et d’universités à surveiller leurs élèves, et à leur inculquer quelques conseils quant aux bons et mauvais comportements à adopter lors de la célébration de la fête des amoureux. En effet, il est de plus en plus courant que cette fête importée d’occident soit célébrée dans le royaume et que les jeunes sèchent les cours pour aller flâner, conter fleurette et parfois plus.

Jeune couple cambodgien. Photographie par Christophe Gargiulo
Jeune couple cambodgien. Photographie Christophe Gargiulo

Vision déformée de la fête

Le ministre S.E. Hang Chuon Naron avait déclaré à plusieurs reprises lors des précédentes Saint-Valentin que la jeunesse cambodgienne avait une vision déformée de la fête. Selon le ministre, les étudiants du pays pensent que la Saint-Valentin est le « jour des amoureux » et ceux-ci achètent des fleurs dans le but de convaincre les jeunes filles d’abandonner leur virginité : «… Acheter des fleurs est une bonne chose, mais pas pour aller au-delà de l’amitié et perdre sa virginité à l’occasion…Cela transgresse notre culture…», expliquait le ministre, lors de la précédente Saint Valentin, ajoutant que : «…L’expérience a montré que, à cause de la mauvaise interprétation de cette fête des amoureux, certains jeunes couples ont eu des relations sexuelles pendant la Saint-Valentin, ce qui est l’exemple d’une influence culturellement dommageable qui peut également entraîner des drames sentimentaux et au-delà…Ce n’est pas un événement traditionnel du peuple khmer ».

Abstinence des jeunes filles avant le mariage

Le ministre a toujours souhaité prévenir des entraves au respect de la tradition khmère arguant que l’abstinence des jeunes filles avant le mariage demeure un principe encore sacro-saint dans le royaume. Cela fait plusieurs années que le gouvernement, mais aussi quelques ONG qui avancent que « la Saint-Valentin favorise la propagation du sida », tentent de faire passer le message auprès d’une jeunesse de plus en plus sollicitée par des fêtes et célébrations extérieures à la culture cambodgienne. En 2012 et 2013, des tentatives d’avertissement semblables avaient eu lieu, et les autorités avaient même été appelées à sévir contre les marchands de fleurs ambulants.

Jeune vendeuse de fleurs durant la Saint-Valentin. Photographie par Arnaud Rousselin
Jeune vendeuse de fleurs durant la Saint-Valentin. Photographie par Arnaud Rousselin

Occasion de sortie

S’il y a aujourd’hui une certaine souplesse, et des avertissements officiels qui seront probablement respectés chez les jeunes Cambodgiens respectueux de la tradition, il y en a plus qu’on ne le pense, la Saint-Valentin est aussi une belle opération commerciale dans le pays, à l’image de nombreux autres pays asiatiques qui suivent eux aussi la tendance en autorisant la célébration de cette fête, avec aussi, parfois, avec quelques avertissements comme la Thailande qui suggère une visite dans les temples pour les jeunes couples à cette occasion.

Au Cambodge, centres commerciaux et restaurants populaires chez les jeunes cambodgiens aisés et établissements de luxe, déploient tout un éventail d’animations et de menus spéciaux, allant du plus classe au plus romantique et parfois jusqu’au kitsch extrême avec burgers et fleurs en plastique. Quant aux jeunes Cambodgiens d’aujourd’hui, la Saint-Valentin, au même titre que Noël ou le jour de l’an, est devenue pour eux une occasion de sortie, et pour les plus enthousiastes, l’opportunité de déclarer ou confirmer sa flamme.

Jeune couple cambodgien. Photographie Christophe Gargiulo
Jeune couple cambodgien. Photographie Christophe Gargiulo

Sondage

Un sondage mené à Phnom Penh il y a quelques temps indiquait que 15,8% des jeunes âgés de 15 à 24 ans prévoyaient d’avoir des relations sexuelles le jour de la Saint-Valentin. Parmi les personnes interrogées, 4,8% des jeunes hommes ont déclaré qu’ils forceraient leur petite amie à avoir des relations sexuelles, tandis que 40,4% ont déclaré qu’ils tenteraient de convaincre leurs partenaires. Depuis, ministère et associations ont multiplié les alertes concernant la Saint-Valentin. Chaque année, le ministère tente de convaincre les jeunes cambodgiens que cette journée populaire en occident ne peut être considérée comme l’occasion d’avoir des rapports sexuels.

Opinions

Jeune cadre dans une entreprise de recrutement, Somaly déclare : « La Saint-Valentin…(rires), c’est très occidental…mais aussi très romantique et mon ami sait que j’aime bien qu’il m’offre quelques chose à cette occasion et, l’échange de cadeaux entre amoureux reste assez traditionnel…donc, je ne suis pas choquée. S’il y a des mises en garde, c’est à chacun de savoir s’il souhaite entretenir une relation strictement traditionnelle ou plus libre, mais dans ce dernier cas, la discrétion est de mise concernant les comportements en public ».

Pour Settha, 40 ans, originaire de Kampong Cham et cadre dans une entreprise française :

«…je n’ai jamais célébré la Saint-Valentin parce que ce n’est pas une fête cambodgienne traditionnelle…il y a un impact négatif sur l’harmonie familiale…certaines jeunes filles perdent leur virginité ce jour-là et cela n’est pas envisageable dans notre culture…Par contre, si deux jeunes Cambodgiens qui s’aiment vont dîner ensemble tout simplement, cela me semble acceptable »

Pour Daneth, 23 ans, originaire de Kandal, célibataire, «…c’est une fête occidentale, et ce n’est pas du tout ma culture. De surcroît, beaucoup de jeunes Cambodgiens célèbrent leur amour beaucoup trop tôt, ce n’est pas bon…».

Sans aller jusqu’au conservatisme de ce moine bouddhiste qui considère la Saint-Valentin comme « une manifestation maléfique importée de l’occident corrompu dans ses valeurs », les couples plus âgés et donc plus traditionnels montrent une tolérance variable vis-à-vis de leurs enfants, en particulier de leurs filles. Pour Srey Mom, hors de question que sa fille puisse sortir sans chaperon à cette occasion, Pour Srey Thi et son mari, les temps changent et il est normal qu’il y ait un peu plus de liberté, ils laisseront sortir leur fille, mais sans aller trop loin. Les temps changent…

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