Archive : revivez l’aventure d’Allan Michaud, le seul réalisateur qui a pu filmer le Crocodile du Siam à l’état sauvage il y a quelques années…Aujourd'hui, Allan préside aux destinées du « Cardamom Tent Camp ».
Carnet de tournage
J’ai finalement eu l’occasion de filmer le mythique crocodile du Siam une nouvelle fois. Exceptionnellement, j’avais déjà pu filmer ces créatures au début de 2003, sur un lac confluent de la rivière Sre Ambel.
C’était alors le tout premier film tourné sur cette espèce en voie d’extinction. Trois ans plus tard, la BBC, qui avait acheté les images me demandait de filmer à nouveau cet animal pour la série “Saving Planet Earth”.
Je passais alors dix jours dans ce même endroit de la vallée d’Areng pour ramener quelques images, qui ne seront probablement jamais diffusées, car elles n’étaient pas en haute définition. J’avais alors demandé à la BBC de pouvoir acheter quelques secondes, mais le prix annoncé à la seconde, 250 livres sterling, m’a vite découragé. J’ai donc décidé de retenter l’expérience pour obtenir des nouvelles séquences du croco de Sre Ambel.
Comme pour bon nombre de mes aventures de tournage, j’ai financé moi-même cette nouvelle expédition de 2017 au cours de laquelle deux guides et deux botanistes m’accompagnaient. Comme d’habitude, j’avais une quantité considérable d’équipement : Un très grand sac à dos, un Bergen de 100 litres qui éclatait aux coutures et un grand étui étanche pour les lentilles 500 mm.
Pour ajouter au plaisir, j’ai également apporté une batterie de voiture de 45 amp et ma nouvelle installation solaire 180 w, et bien sûr, le drone. Le kit de prise de vues pour ce voyage comprenait deux caméras, trois lentilles, deux trépieds vidéo, mon MacBook Pro, un disque dur WD sans fil et un assortiment de batteries, chargeurs et autres accessoires indispensables pour ce type d’aventure.
C’était aussi la première fois que j’utilisais ma nouvelle installation solaire sur le terrain. C’était très agréable d’avoir beaucoup d’énergie disponible, mais, il y a un petit inconvénient… les panneaux pompent environ 400 v, ce qui peut très facilement provoquer des décharges mortelles en cas de manipulation hasardeuse.
Je devais alors faire en sorte que personne ne les touche sans surveillance. J’ai également pris des articles « de luxe » tels une couverture type hamac pour le camp et une lumière décente pour les soirées. Le luxe absolu. Il ne me manquait donc plus qu’à trouver une méthode pour fabriquer de la glace…
Une fois arrivés dans la vallée de l’Areng, nous sommes partis en bateau vers l’endroit où nous avions l’intention de camper. Finalement le bateau est bien plus pratique pour transporter le matériel que les deux-roues que j’utilise habituellement. Pour garder les guides de bonne humeur, j’avais investi dans une bouteille de Black Label.
Personnellement, je ne supporte pas le whisky, mais quand je suis dans la forêt. J’aime une petite tasse d’alcool de riz après le dîner. Le problème est que si vos guides locaux le sentent, tout sera bu en quelques instants.
Pour ceux qui ne le savent pas, le vin de riz est une liqueur, tout comme l’Irish Poteen, mais fabriquée à partir de riz. L’alcool peut être vraiment agréable (et très facile à boire), en particulier dans les communautés éloignées où ils sont très fiers de leurs talents de brasseurs et distillateurs.
En arrivant au lac, nous avons rapidement établi le campement et je suis parti avec mes assistants pour construire une cache pour le lendemain matin. Dix ans après je me suis dit que le crocodile serait dans la même zone et j’y ai installé ma planque. Pour être honnête, les crocos ne sont pas les créatures les plus excitantes à observer, mais si quelque chose arrive, cela peut être très spectaculaire.
Alors qu’ils peuvent passer des mois entre chaque repas, les chances d’attraper une attaque à la caméra sont très minces. J’avais une liste en tête des plans que je pouvais espérer et, à ma grande surprise, j’ai pu obtenir presque tout ce que je souhaitais lors du premier jour.
En milieu de matinée de ce premier jour de planque, une troupe de Langurs argentés arriva et commença à se déplacer lentement à travers les arbres le long de la rive opposée. Et, surprise, l’imposant reptile est arrivé à peine quelques minutes plus tard en nageant lentement pour se positionner sous l’arbre des singes et suivre leurs déplacements.
Cela a duré environ une heure et j’étais ravi de pouvoir filmer ce petit va-et-vient entre les primates et le reptile. Téméraire, j’ai voulu m’approcher avec ma caméra de poing. J’ai rampé lentement en direction de la rive et j’ai pu tirer encore quelques bonnes séquences.
« Le problème avec les singes est qu’il est impossible de les localiser tous et, si l’un d’entre eux vous aperçoit, c’est l’alerte et la débandade. L’un d’eux m’a vu, a alerté ces congénères qui se sont enfuis dans un joyeux tintamarre de feuilles froissées et de petits cris aigus.»
J’ai donc passé le reste de la journée à regarder le crocodile qui ne faisait pas grand-chose, et pour cause… je retournais alors au camp pour demander de l’aide afin de pouvoir dégager quelques arbustes et herbes hautes autour de ma planque, et pouvoir ainsi cadrer le lac et les arbres sans avoir à m’approcher. Une entreprise peu périlleuse, mais durant laquelle nous étions un peu nerveux. Il y a un crocodile de trois mètres dans les environs, c’est un animal timide pour lequel on ne recense aucune attaque, mais s’il s’approche très près et qu’il a faim, les chances d’en réchapper sont plutôt minces.
Le lendemain matin, cette fois-ci, j’ai été récompensé avec une autre troupe de primates, des Macaques à longue queue. Le même manège entre les animaux recommença et je pus encore tirer de bonnes séquences. J’avais moins de chance le troisième jour, les singes n’étaient pas là, le croco s’ennuyait et moi aussi.
Toutefois, je repérai une grande branche à dix mètres de ma planque et je me suis dit que quelques oiseaux devaient s’en servir comme perchoir. Je décidai alors de m’en approcher et d’y construire une cache sommaire à proximité.
Ce fut une bonne idée.
J’ai pu, les jours suivants, enregistrer quelques belles images de martins-pêcheurs et de quelques insectes intéressants. Alors discret jusque-là lors de mon business avec les oiseaux, au quatrième jour, le reptile est sorti du lac pour se dorer au soleil, effectuant parfois quelques rotations impressionnantes sur lui-même et s’approchant même très près de ma première planque à deux reprises… au cinquième jour, je décidais de construire encore un nouvel abri et d’utiliser le drone.
La journée fut particulièrement ennuyeuse, il ne se passait rien… mais à la tombée de la nuit, j’ai pu faire quelques superbes images de martins-pêcheurs. Ma patience était récompensée.
Le lendemain, il était temps de partir, j’avais suffisamment de séquences. Ce fut au final une excellente expédition qui m’a aussi permis de tester avec succès mes nouveaux équipements. Avant de prendre la route de Phnom Penh, nous nous arrêtâmes dans un village pour prendre notre premier vrai repas depuis une semaine.
Sortir des nouilles précuites et du riz fut un vrai bonheur qui fut aussi largement arrosé avec le stock d’alcool de riz restant. J’aimerais vraiment revenir pour passer plus de temps à filmer, mais il me faudrait trouver quelqu’un souhaitant produire ou réaliser un film sur la vallée d’Areng. »
Texte et photographies : Allan Michaud
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