Cambodge & Environnement : La course à l'assainissement des rivières face à l’inexorable flot des eaux usées
- La Rédaction

- 12 août
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Le Cambodge, pays traversé par des rivières et lacs emblématiques comme le Mékong ou le Tonlé Sap, est engagé dans une lutte difficile pour restaurer la pureté de ses eaux. Malgré les efforts ambitieux du gouvernement et des acteurs locaux, la pollution des rivières persiste, alimentée par un rejet massif et souvent incontrôlé des eaux usées.

Cette réalité contrastée met en lumière un combat crucial à la fois pour la santé publique, la préservation de la biodiversité et le développement durable du royaume.
Une situation alarmante malgré les avancées
Depuis quelques années, Phnom Penh, la capitale, et d'autres villes cambodgiennes ont vu apparaître leurs premières infrastructures de traitement des eaux usées. Une centrale de traitement a été inaugurée récemment dans la capitale, marquant un tournant attendu vers une meilleure gestion des déchets liquides urbains. Cependant, la majorité des eaux usées continues de se déverser sans traitement adéquat dans les cours d'eau principaux, aggravant une pollution déjà préoccupante.
En milieu urbain, la charge des eaux usées domestiques et industrielles atteint des volumes colossaux. À Phnom Penh, plus de 8 000 m³ d’eaux grises et plus de 200 tonnes de matières fécales sont rejetées quotidiennement. La ville, dotée d’un réseau d’assainissement souvent obsolète et insuffisant, peine à contenir les dégâts, surtout lors de la saison des pluies où les inondations récurrentes dispersent encore davantage les polluants.
Pollution industrielle et vigilance gouvernementale
Les usines et entreprises sont identifiées comme des sources majeures de pollution. En 2024 et 2025, plus de 30 établissements, notamment des usines de transformation alimentaire comme celle de la société Cangxinlong Food à Pailin, ont été sanctionnés pour avoir déversé des eaux usées non traitées dans les rivières et sources d’eau potable, causant d’importants dégâts à l’environnement et à la santé des populations locales.
Face à cette crise, le Premier ministre cambodgien a ordonné la fermeture immédiate des entreprises polluantes et une intensification des inspections pour faire respecter strictement la nouvelle loi sur le traitement des eaux usées promulguée fin 2024.
Cette loi instaure un cadre réglementaire renforcé pour la construction, l’exploitation, la maintenance et la gestion des infrastructures de traitement, avec des sanctions lourdes en cas de non-conformité.
Initiatives locales : le rôle clé des ONG et des communautés
Un des exemples les plus prometteurs de la lutte contre la pollution des rivières est la mission de nettoyage engagée par l’ONG cambodgienne River Ocean Cleanup (ROC) en coopération avec Leader Energy Holdings. Depuis le lancement officiel en mars 2024, cette initiative a permis de retirer près de 1 700 tonnes de déchets des rivières de Phnom Penh et de la province de Kandal. Ce projet, financé par des fonds privés, illustre le pouvoir de la mobilisation locale associée au soutien des entreprises responsables.

Le cas critique du lac Tonlé Sap
Le lac Tonlé Sap, poumon écologique et alimentaire du pays, fait face à une dégradation accélérée de la qualité de ses eaux. Les eaux usées des villages flottants, où des milliers de familles vivent sur pilotis, se déversent directement dans le lac, sans infrastructure d’assainissement adaptée. Les conséquences sont dramatiques : contamination bactériologique dangereuse, maladies intestinales récurrentes chez les enfants, baisse des captures de poissons, mettant en péril la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des populations riveraines.
Des études révèlent que des millions de litres d’eaux usées non traitées rejoignent quotidiennement le lac, aggravant les phénomènes d’eutrophisation et d’appauvrissement de la biodiversité aquatique, essentielle pour l’équilibre environnemental et économique de la région.
Vers des solutions durables
Dans ce contexte, le Cambodge mise sur des ambitions fortes. Le gouvernement prévoit de multiplier par plusieurs fois la capacité de traitement des eaux usées dans les villes secondaires d’ici 2035, avec un objectif de 45% des eaux urbaines traitées. Cela implique la construction de nouvelles stations, la modernisation des réseaux, mais aussi un renforcement des capacités administratives et financières des collectivités locales pour gérer ces infrastructures.
Cependant, la réussite de ces projets dépendra de la mise en place d’un système tarifaire adapté pour assurer la pérennité financière des services, ainsi que d’une coordination efficace entre les ministères, territoires locaux et partenaires internationaux.
Un enjeu de santé publique et de justice environnementale
La pollution hydrique pose des risques sanitaires majeurs pour la population cambodgienne.
En 2015, plus de 15 000 décès ont été attribués à des maladies liées à la pollution, dont une part importante liée à la contamination de l’eau potable. Les enfants des zones polluées sont particulièrement vulnérables, avec des cas fréquents de maladies diarrhéiques, une cause majeure de mortalité infantile.
Au-delà de la santé, la pollution affecte l’accès équitable à une ressource vitale essentielle, creusant davantage les inégalités entre zones urbaines développées et zones rurales ou périphériques, souvent laissées sans services adaptés.
La multiplication des actions de nettoyage et le renforcement des cadres réglementaires sont des signes positifs. Pourtant, sans un engagement continu, un investissement massif dans les infrastructures, la formation des autorités locales et l’éducation des communautés, la pollution des eaux continuera de menacer l’environnement, la santé et l’économie du pays.







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