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Arts : «Briser le silence» de retour au Cambodge

Porter un message de réconciliation

Il y a dix ans, la pièce de théâtre «Briser le silence» était mise en scène au Cambodge et donnait la parole à des gens ordinaires ayant vécu le régime des Khmers rouges. Elle donnait la parole non seulement à ceux qui ont survécu au travail forcé et à la famine, mais également à ceux qui ont rejoint les rangs des Khmers rouges.

Les histoires racontées par les acteurs de «Briser le silence» sont basées sur des récits authentiques que des Cambodgiens ont partagé avec les chercheurs du Centre de documentation du Cambodge (DC-Cam).

La pièce «Briser le silence», une nouvelle tournée au Cambodge

La pièce «Briser le silence», une nouvelle tournée au Cambodge


À l’époque, les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (CETC) venaient juste de commencer leurs travaux et il faudra ensuite des années avant que des dirigeants khmers rouges soient reconnus coupables.

La pièce a été diffusée à la radio au Cambodge. Elle a également été présentée au Rwanda en 2012 avec deux acteurs rwandais qui ont rejoint le casting après les cérémonies de commémoration du génocide dans ce pays.

Cette année, «Briser le silence» revient au Cambodge en tant que projet DC-Cam avec une scène supplémentaire qui prend en compte la dernière décennie. La pièce a été présentée à Phnom Penh le 11 janvier et doit être jouée dans quatre provinces au cours des prochains mois.

“…Je pense que c’est une sorte de justice complémentaire des CETC…”, a déclaré Youk Chhang, directeur exécutif du DC-Cam. ”…Le tribunal n’est pas un forum de réconciliation ou une classe d’histoire. Mais je pense que cette pièce l’est quelque part…”, ajoute-t-il.

La pièce traite d’un problème relativement peu abordé dans le pays : les victimes du régime Khmer rouge qui vivent toujours aux cotés des anciens Khmers rouges. ”…Au niveau du village, vous savez, les survivants et les auteurs des crimes sont mêlés…”, déclare M. Chhang.

”Comment un Khmer peut-il tuer un autre Khmer ?”, demande l’actrice Morm Sokly dans la chanson du début.

”J’ai eu honte toute ma vie”, déclare Pok Sovanna, qui joue le rôle d’une ancienne infirmière des Khmers rouges dans une scène. “…J’ai peu d’espoir d’être pardonnée…” . A cela, l’actrice Chhon Sina répond: “…J’essaie de pardonner, il me tarde de pardonner. Mais nous ne devrions jamais oublier…”.

La pièce «Briser le silence», une nouvelle tournée au Cambodge

La pièce «Briser le silence», une nouvelle tournée au Cambodge


Une pièce basée sur des histoires vraies

Avec une distribution composée de cinq acteurs, un chanteur qui présente les histoires, un danseur classique khmer et un musicien qui les accompagne sur des instruments traditionnels cambodgiens, la pièce se composait à l’origine de sept histoires basées sur des récits recueillis par des chercheurs du DC-Cam . Ces histoires ont été partagées avec Anne-marie Prins qui a écrit et dirigé la pièce. L’histoire de l’enfant soldat, par exemple, est issue d’une centaine de récits. Le viol relaté dans la pièce est également basé sur de nombreux témoignages.

Au moment d’écrire la pièce il y a dix ans, la réalisatrice néerlandaise avait également rencontré plusieurs Cambodgiens, avec l’aide du DC-Cam, pour écouter leurs histoires. Elle avait ensuite transformé tout ce matériau en sept scènes. Dans la version 2019 de la pièce, Mme Prins a ajouté une scène mettant en vedette un jeune cambodgien d’aujourd’hui.

Anciennes victimes et bourreaux vivant côte à côte

La pièce parle de la douleur ressentie par ceux qui étaient sous le joug des Khmers rouges pendant le régime qui a débuté en avril 1975 et qui s’est achevé en janvier 1979. La peine ne s’est pas apaisée.

Les acteurs abordent également les difficultés que rencontrent certaines personnes lorsqu’elles se retrouvent aux côtés de ceux qui autrefois ont rejoint le régime meurtrier. Ils parlent également de la culpabilité qui tourmente certains de ces anciens Khmers rouges tandis que d’autres nient avoir commis un crime quelconque.

Dans la première scène, un personnage refuse d’admettre sa culpabilité. “…Nous avons été commandés par des cadres supérieurs…”, dit le personnage.

Cependant, dans la scène suivante, une ancienne infirmière des Khmers rouges raconte comment elle a été hantée par le regret de ne pas avoir pu aider des patients et causer leur mort. “…Je sais que je devrais pardonner…”, lui dit l’actrice Chhon Sina. “…Mais vous avez tué mon père et maltraité ma mère..”, ajoute-t-elle.

La jeunesse d’aujourd’hui et une voix dans la pièce

La scène 8 ajoutée dans cette dernière version de la pièce met en scène un jeune Cambodgien qui n’a connu le Cambodge qu’en temps de paix. ”Pourquoi toute cette peur ? Peur de quoi et pour qui ? Pourquoi cette culpabilité sans fin ? Pourquoi le silence ? ”, demande l’acteur Nen Phearith, ajoutant :  “Je vous respecte, vous et votre passé, mais je ne veux pas me noyer dans vos tristes souvenirs”.

Il explique ensuite que, lorsqu’il était enfant, son père lui avait interdit de jouer avec le fils d’un voisin qui était un ancien Khmer rouge. “Il était pris au piège dans sa douleur”, dit-il de son père, ajoutant qu’il avait désobéi à ses ordres et que le fils du voisin était toujours l’un de ses meilleurs amis.

“Une haine sans fin…”, explique l’actrice Pok Sovanna alors que la pièce se termine par le chant de Yin Vutha: “Que tous les êtres vivent dans le bonheur et la paix.”

Le casting

La pièce est  interprétée pratiquement par le même casting d’il y a dix ans. Mais cela pose quelques soucis. Khiev Sovannarith, danseur classique khmer qui interprète le rôle du singe – une figure bien connue du Cambodge – trouve difficile de dépeindre ce personnage exigeant physiquement maintenant qu’il a dix ans de plus. ”Parfois, parler ne suffit pas pour montrer ce qui s’est passé”, déclare-t-il. “…Mon rôle est de donner au public une image dynamique de chaque événement qui est conté par les acteurs…”

Lors de la première représentation en janvier 2018, le public cambodgien s’est rapidement connecté au personnage du singe – conteur. Certaines personnes mentionnent que cela les a aidé à suivre l’histoire. Néanmoins, M. Sovannarith se sent plutôt épuisé après chaque représentation, confie-t-il.

L’actrice Pok Sovanna, qui a maintenant 57 ans, s’est dite préoccupée par l’oubli de ses répliques. ”…Cependant, il y a dix ans, mes larmes coulaient sur mon visage parce que l’histoire est celle que j’ai vécue sous le régime des Khmers rouges…Donc, ma performance n’était pas bonne parfois…”, avoue-t-elle.

Public de scolaires

Public de scolaires


Réactions enthousiastes du public

L’audience du 11 janvier était composée d’étudiants cambodgiens, d’élèves de l’Institut national de l’éducation (INE) et d’enseignants, ainsi que des survivants du régime des Khmers Rouges.

“…J’ai vu ce genre de spectacle plusieurs fois, mais je trouve que c’est créatif. Au lieu de raconter une histoire ou de mettre l’accent sur une personne, nous suivons différentes histoires reliées les unes aux autres…”, déclare Von Sal, élève de 11e année à la Liger Leadership Academy à Phnom Penh.

Kan Phan Sy, qui poursuit des études supérieures en littérature khmère à l’INE, déclare qu’elle avait appris l’existence du régime khmer rouge à l’école et que ses parents avaient beaucoup souffert de ce régime. C’est pourquoi elle a toujours détesté cette période. Mais, d’entendre l’histoire de l’infirmière la fit reconsidérer son opinion.

”…Dès que les interprètes ont commencé à marcher vers la scène, j’ai eu la chair de poule…”, confie Som Vicheth, professeur d’histoire dans la province de Kandal. “…Leur performance, le scénario et la préparation sont excellents…”, ajoute-t-il.

Public

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Pheng Pong-Rasy, directeur du Centre d’éducation sur le génocide, convient de l’importance de l’éducation pour que le génocide ne se reproduise plus : ”…Le tribunal, qui est en voie de s’achever… ne peut pas rendre justice à tous les Cambodgiens. Si le tribunal ne peut pas vous rendre justice, que pouvez-vous faire pour votre communauté ? Donc l’éducation est la meilleure solution. Nous encourageons les villageois à parler de leur expérience… et la jeune génération peut apprendre de leur expérience et ensuite partager… et faire de la recherche. C’est aussi une forme de justice…”, indique-t-il.

Parmi les membres du public, les opinions divergent quant à savoir si tous les Khmers rouges doivent être pardonnés. Tin Mohammat, âgé de plus de 30 ans sous le régime, estime que la pièce porte un message important à transmettre à la jeunesse d’aujourd’hui. En ce qui concerne le pardon, son opinion est ferme et directe : ”… Je veux que les auteurs soient tués comme leurs victimes…”, dit-il.

Oung Vanna, qui avait également une trentaine d’années sous le régime, penche pour la réconciliation. À propos de la pièce, elle déclare : ”J’aime beaucoup cette dernière chanson: River of Blood, River of Reconciliation, River of Responsibility. C’est ma scène préférée. Je veux que cette performance continue de répandre sa sagesse pour  la réconciliation nationale. “.

Le projet est financé par l’Agence suédoise de développement international et soutenu par l’Agence des États-Unis pour le développement international et la International Coalition of Sites of Conscience. .

La pièce est dédiée à ”…toutes les mères qui ont élevé leurs enfants avec les mains vides, sans chaussures, sans éducation et qui ont reconstruit ce pays après l’effondrement des Khmers rouges en 1979…”.

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