Le Cambodge pourrait souffrir d’un manque à gagner de trois milliards de dollars US de recettes touristiques en 2020.
En effet, le nombre de touristes étrangers vers le royaume a fortement chuté en raison de l’impact du COVID-19, a déclaré samedi le ministre du Tourisme, S.E. Dr Thong Khon. Toutefois, ce dernier a montré quelque optimisme en se référant à des chiffres encourageants concernant le tourisme intérieur le mois dernier. Si d'autres officiels et professionnels sont plus prudents, quelques experts suggèrent également que malgré une année 2020 forcement très difficile, il n'est pas exclu que le secteur du tourisme puisse s’accommoder de la crise et préparer efficacement une reprise en des délais raisonnables.
Baisse des arrivées de touristes de 52 %
Rappelons que le tourisme demeure l’un des quatre secteurs qui soutiennent l’économie du Cambodge, le pays ayant attiré environ 6,6 millions de touristes internationaux en 2019, générant des recettes brutes pour un montant de 4,9 milliards de dollars américains. Mais en raison de la pandémie de COVID-19, le royaume n’a accueilli que 1,16 million de visiteurs étrangers au cours des quatre premiers mois de 2020, une baisse de 52 % par rapport à 2019, a souligné le ministre.
« Pour 2020, en raison de la crise du COVID-19, le nombre de touristes étrangers au Cambodge pourrait baisser de 70 % et les touristes nationaux de 50 %, avec un manque à gagner estimé à environ trois milliards de dollars US », a-t-il souligné
Selon le ministre, à ce jour, près de 2 956 établissements liés au tourisme tels qu’hôtels, maisons d’hôtes, restaurants, salons de massage, clubs de karaoké, discothèques et agences de voyages ont été fermés provisoirement ou définitivement, affectant directement 45 405 travailleurs.
Toutefois, le ministre a montré quelque optimisme en raison d’un léger frémissement de l’activité en indiquant que le mois de mai avait vu le tourisme local repartir. Selon lui, du 4 au 24 mai 2020, près de 400 000 touristes se sont rendus dans les différentes destinations touristiques à travers le pays. Parmi eux, a-t-il précisé, 90 % étaient des touristes nationaux.
Angkor et Siem Reap en grande difficulté
Le Parc archéologique d’Angkor dans la province de Siem Reap n’a engrangé que 18 millions de dollars américains de vente de billets d’entrée au cours des cinq premiers mois de cette année. Cela constitue une baisse de 64,18 % par rapport à la même période l’année dernière. Les billets ont été vendus à 386 093 touristes étrangers, soit une baisse de 65,46 %, indique le communiqué de l’autorité Apsara, précisant aussi que 772 186 dollars du total des revenus ont été versés à la Fondation cambodgienne Kantha Bopha.
Le secrétaire d’État et porte-parole du ministère du Tourisme, Top Sopheak, a déclaré :
« Avant le COVID-19, le parc archéologique d’Angkor recevait jusqu’à 9 000 touristes étrangers par jour, mais maintenant, il n’en reçoit que 20 et ce sont pour la plupart des étrangers vivant et travaillant au Cambodge »
Le vice-gouverneur de la province de Siem Reap, Ly Samreth, a déclaré aux journalistes lors d’une conférence de presse la semaine dernière que la précédente interdiction du gouvernement d’accueillir des voyageurs en provenance des États-Unis et de plusieurs pays européens avait provoqué cette chute spectaculaire.
« La majeure partie de la baisse de fréquentation a été enregistrée en avril et mai - il y avait environ 600 touristes en avril et 1700 touristes en mai », a déclaré Samreth, ajoutant que seulement huit personnes ont visité Angkor Wat au cours du Nouvel An khmer alors que les trajets inter-provinciaux étaient interdits pour éviter une éventuelle propagation du virus »
Ly Samreth a appelé les Cambodgiens à visiter Angkor Wat et les attractions environnantes de Siem Reap, mais a également souligné qu’ils devaient faire preuve de prudence. Il a souligné que beaucoup de gens pensent à tort que les hôtels, les marchés et les restaurants ont tous fermé leurs portes. Le vice-gouverneur a précisé qu’environ 60 à 70 % des gens employés dans le tourisme dans la province ont perdu leur emploi ou ont été temporairement suspendus et que plus de 100 maisons d’hôtes ont fermé leurs portes. Mais il a également souligné que beaucoup d’établissements, hôtels, restaurants et bars restent ouverts.
« Je vous en prie, venez visiter la province de Siem Reap, mais il est important que vous soyez prudent en respectant les consignes du ministère de la Santé », a-t-il conclu
Ngov Sengkak, directeur du département provincial du tourisme de Siem Reap, a lui aussi déclaré que le Covid-19 avait durement frappé le secteur du tourisme au Cambodge. Il estime qu’habituellement 80 000 personnes bénéficient directement des flux touristiques et qu’environ 300 000 autres en touchent indirectement les retombées. Tout ce monde souffre financièrement aujourd’hui, dit-il.
« La chute de la fréquentation touristique liée à la pandémie de Covid-19 a commencé au Cambodge le 4 mars 2020, lorsque la plupart des vols aériens ont été annulés à travers le pays, y compris vers la province de Siem Reap », explique-t-il
« 220 000 touristes étrangers ont visité Siem Reap en janvier 2020, ce qui ne constituait qu’une légère baisse de 17 % par rapport aux 270 000 touristes de janvier 2019. Mais les arrivées en février ont chuté de 57 % en glissement annuel puis de 82 % en mars, toujours en glissement annuel. »
Le porte-parole du ministère du Tourisme, Top Sopheak, annonce qu’il ne peut pas prévoir quand les choses pourront revenir à la normale. Il note que les voyageurs étrangers font toujours face à de lourdes restrictions pour se rendre au Cambodge, mais suggère que si le pays continue à enregistrer peu de nouveaux cas d’infection, les choses pourraient changer progressivement.
« Même si la situation locale concernant la pandémie de Covid-19 s’est temporisée, il n’y a pas encore d’élan de touristes étrangers, car nous avons toujours des restrictions concernant les voyageurs » indique Sopheak, ajoutant :
« Si nous pouvons bien gérer la maladie de Covid-19 jusqu’à la fin de 2020, le secteur du tourisme pourrait redémarrer doucement»
Cependant, M.Sopheak suggère aussi qu’une reprise très lente est envisageable. « S’il n’y a pas de vaccin contre le virus, le secteur du tourisme subira ces difficultés sur le long terme », conclut-il.
Moins optimiste, la présidente de l’Association cambodgienne des agents de voyage (CATA), Chhay Sivlin, a déclaré que la situation devenait de plus en plus désastreuse pour certains professionnels du secteur à Siem Reap qui s’étaient habitués à un flux constant de touristes. Elle indique que la plupart des marchés et restaurants touristiques ont fermé et que ceux qui dépendent de l’argent des touristes pour gagner leur vie sont contraints d’envisager de nouvelles vocations.
« Certains grands hôtels de la province de Siem Reap continuent à ouvrir, car ils ne peuvent pas fermer, car cela est lié à certaines lois », déclare Sivlin, ajoutant :
« Si la pandémie se prolonge dans le futur, le secteur du tourisme sera sérieusement affecté »
Toutefois, depuis quelques jours, plusieurs établissements de Siem Reap, comptant sur la clientèle locale, et déterminés à mettre leur clientèle à l’aise en respectant les consignes de sécurité sanitaire, ont rouvert leurs portes. On observe la même tendance à Phnom Penh.
Mesures de sécurité
Lors d’une réunion concernant les mesures de sécurité liées à la pandémie de COVID-19 à Phnom Penh, une série de mesures de sécurité touristique concernant les hôtels et chambres d’hôtes, les restaurants, les sociétés de transport, les relais et communautés touristiques a été lancée.
Dans le cadre de ces mesures, il est conseillé aux entreprises du secteur de contrôler la température corporelle des clients, de préparer de l’alcool ou un gel antibactérien pour le lavage des mains, de pulvériser de l’alcool sur la semelle des chaussures des clients et de garder une distance d’au moins 1,5 mètre entre les clients. Il est également fortement conseillé aux prestataires de services touristiques d’inciter leurs clients à porter des masques faciaux et à utiliser les services de paiement électronique.
Baisse du trafic aérien
Le trafic aérien vers le Cambodge a eu une large incidence sur les difficultés rencontrées par le secteur touristique dans le royaume. La fermeture de l’espace aérien à la plupart des compagnies aériennes, en particulier les transporteurs régionaux, la fréquence réduite, les frontières fermées et les restrictions de voyage ont eu un impact considérable sur le trafic aérien, paralysant presque l’industrie et les aéroports.
Norinda Khek, directeur de la communication et des relations publiques de Cambodia Airports, a déclaré récemment à la presse locale que le nombre de passagers pour le mois de mai 2020 avait plongé de 98 % dans les trois aéroports internationaux gérés par la société, par rapport au même mois l’année dernière :
« En mai 2019, les trois aéroports ont enregistré 900 067 passagers, mais pour ce mois de mai, nous n’en avons enregistré que 18 135. Les compagnies aériennes régulières qui opèrent encore sont plus ou moins les mêmes qui ont maintenu des vols depuis l’épidémie de Covid-19 »
Relance économique à court terme
Certains experts annoncent qu’il faudra quelques années à l’industrie touristique du Cambodge pour se remettre sur pied. David Goodger, un expert d’Oxford Economics, a déclaré au site DW que la première reprise devrait se produire au cours du second semestre de l’année en cours, mais ce sera un processus graduel.
« Les voyages intérieurs devraient dépasser les niveaux de 2019 d’ici 2022, mais la demande intérieure représente moins du quart de la demande au Cambodge. Les voyages internationaux pourraient retrouver leurs niveaux de 2019 d’ici 2023 ou 2024, la demande des marchés court-courriers revenant en premier », avance Goodger
L’expert est d’avis que le gouvernement cambodgien a raison de mettre en œuvre des mesures pour relancer l’industrie du tourisme, mais ces initiatives peuvent également se révéler coûteuses. « Le processus de récupération peut être appuyé en augmentant le soutien du marché pour les voyages intérieurs et à courte distance, qui reviendront bientôt. Cela ne permettra pas une récupération complète, mais devrait accélérer une certaine croissance », a-t-il déclaré, ajoutant que les messages marketing pour promouvoir la sécurité et l’hygiène seront très utiles pour cette reprise.
Les touristes chinois pour stimuler la croissance touristique après le COVID-19
Toujours lors de son discours de samedi dernier, le ministre du Tourisme, S.E. Dr Thong Khon a réitéré que la pandémie de COVID-19 avait eu un impact profond sur le tourisme du pays. Cependant, il se dit optimiste alors que, selon lui, les touristes chinois seront essentiels à la croissance du tourisme du royaume lorsque la pandémie sera terminée. Pour être prêt à recevoir des touristes chinois après la crise sanitaire, le Cambodge continuera de promouvoir la stratégie « China Ready » et exhortera les entreprises touristiques à poursuivre la mise en œuvre des mesures de santé et de sécurité pour tous les touristes, a-t-il dit.
Chhay Sivlin convient elle aussi que les touristes chinois seront le principal moteur de la croissance du tourisme au Cambodge après la pandémie, et les agences de voyages et de voyages proposeront de nouveaux voyages organisés pour attirer les touristes chinois.
« Nous allons concevoir à nouveau notre stratégie pour attirer les touristes chinois pendant l’ère post-COVID-19, et la stratégie se concentrera sur l’hygiène, la santé et la distance sociale dans les bus et les restaurants », a-t-elle déclaré
Chenda Clais, présidente de la Cambodia Hotel Association, qui représente environ 250 hôtels dans le pays, a déclaré lors d’une interview avec la presse locale que presque tous les hôtels avaient suspendu partiellement ou complètement leurs activités en raison du virus. Elle a précisé que ses deux hôtels, Terres Rouges dans la province de Ratanakiri et Rajabori Villa dans la province de Kratie, avaient également été fermés temporairement en raison du manque de clients.
« Notre tourisme dépend principalement des touristes étrangers. En raison de la pandémie, très peu viennent au Cambodge en ce moment, donc la plupart des hôtels ont été temporairement fermés », a-t-elle déclaré.
« Actuellement, nous négocions avec des propriétaires qui louent des locaux à des hôtels afin de réduire leurs prix de location pour nous permettre de survivre durant cette période difficile »
Réouverture prudente
Rappelons que le 20 mai 2020, le royaume a levé une interdiction d’entrée des visiteurs d’Iran, d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne, de France et des États-Unis qui avait été mise en place pour freiner la propagation du COVID-19. Cependant, les visiteurs étrangers devront fournir un certificat datant de moins de 72 heures confirmant qu’ils ne sont pas infectés par le virus et une preuve d’assurance maladie pouvant assurer une prise en charge supérieure ou égale à 50 000 dollars US au Cambodge. Ils seront également mis en quarantaine pendant 14 jours après leur arrivée et testés à nouveau.
Selon le ministère de la Santé, le Cambodge a signalé un total de 125 cas confirmés de COVID-19 à ce jour et aucun décès n’a été enregistré. Actuellement, seuls deux patients restent hospitalisés.
Avec une adhésion relativement étendue, le gouvernement encourage donc les professionnels du secteur touristique à maintenir leur activité tout en s’accommodant des contraintes de sécurité liées à la crise économique engendrée par la pandémie. Cela ne sera peut-être pas encore suffisant pour une reprise rapide mais aura au moins le mérite de maintenir une activité et les quelques milliers d'emplois du secteur.
CG
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