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Économie & Covid-19 : Les Chiffonniers de Phnom Penh face à une pénurie d’acheteurs

Chaque soir, les habitants de Phnom Penh peuvent apercevoir de petites lampes de poche effectuer des mouvements rapides autour des marchés de la ville. Les faisceaux de lumière se balancent de trottoir en trottoir. Ils proviennent des chiffonniers équipés de lampes frontales, qui fouillent les poubelles et tas d'ordures laissés sur les abords des marchés de la capitale.

Srey Hon, chiffonnière à Phnom Penh
Srey Hon, chiffonnière à Phnom Penh

Un grand nombre de ces chiffonniers couramment appelés edjais sillonnent la ville à moto en tirant des carrioles rudimentaires remplies de déchets de plastique, de papier, de carton et d’aluminium, qu’ils revendront à des unités de recyclage vietnamiennes. Souvent, les membres de la famille accompagnent l’edjai, pour l’aider à trier les déchets.

Fonction vitale

Ces travailleurs informels sont l’un des groupes les plus vulnérables de la ville, avec peu ou pas de protection sociale, même s’ils fournissent un service non négligeable au recyclage des ordures de la ville. Ces chiffonniers figurent parmi les actifs les plus pauvres de Phnom Penh. Ils parcourent en permanence les rues de la capitale à la recherche de matériaux recyclables avec un chariot à bras, parfois tiré par une bicyclette et, moins souvent, par une moto. Il est fréquent de voir les enfants traîner ou dormir dans un hamac à même la carriole. En effet, leurs parents n’ont pas les moyens de payer une garderie et encore moins les uniformes et les fournitures pour envoyer leurs enfants à l’école.

Ces chiffonniers remplissent une fonction vitale en empêchant des milliers de mètres cubes de matières recyclables d'encombrer les sites d’enfouissement.

Ou Ran, 60 ans, collecte des déchets recyclables depuis cinq ans
Ou Ran, 60 ans, collecte des déchets recyclables depuis cinq ans

Le combat quotidien d'Ou Ran

Ou Ran est une chiffonnière de 60 ans, mère de deux enfants, qui collecte des déchets dans le nord de Phnom Penh. Elle fait ce travail depuis cinq ans et peut gagner certains jours jusqu’à 10 dollars US. Mais cela suffit à peine pour acheter de la nourriture pour sa famille et à payer les 25 $ de loyer du hangar délabré dans lequel vit la famille entière. La pandémie de coronavirus lui a rendu la vie difficile et gagner simplement 10 000 riels (2,5 $) par jour est devenu un combat quotidien.

Avec un nombre croissant d'infections en mars dernier, le Vietnam a fermé ses frontières pour endiguer la propagation du coronavirus. Cela a entraîné un ralentissement brutal du commerce transfrontalier, dont l’effet domino affecte Ou Ran, qui s’inquiète désormais des dépenses supplémentaires telles que les frais de santé ou d'hospitalisation que pourrait provoquer une contamination.

« C’est très difficile. Personne n’achète de déchets en ce moment, mais je continue à les ramasser. Je ne sais faire que ce métier »

Un peu de ferraille...

Avec la fermeture de la frontière, seuls quelques marchands de ferraille achètent encore des matériaux récupérés, indique Phin Mom, une autre chiffonnière. Le prix qu’elle obtenait auparavant pour les déchets collectés a considérablement baissé ces dernières semaines.

Phin Mom, 49 ans, soutient sa famille en travaillant comme ramasseuse de déchets depuis plus de huit ans
Phin Mom, 49 ans, soutient sa famille en travaillant comme ramasseuse de déchets depuis plus de huit ans

Son mari et elle sortent tous les jours, malgré la faible demande, pour collecter les déchets. Un kilogramme de canettes en aluminium lui rapportait 1 $ en mars, mais à présent le prix a diminué de moitié. Phin ajoute que ses clients n’achètent plus du tout de déchets plastiques et que le prix des déchets métalliques a effectivement chuté de plus de la moitié, passant de 700 riels le kilogramme (0,17 $) à 300 riels, soit environ sept cents américains. Mais le couple n’a d’autre choix que de continuer à collecter les déchets ; en espérant que leurs acheteurs reprennent leur activité.

« Nous sillonnons la capitale la nuit et récupérons tous les déchets que nous pourrions vendre plus tard »

Srey Hon, chiffonnière dans les rues de Phnom Penh

Srey Hon, trente ans, a trois enfants, trois petites filles qui l’accompagnent dès l’aube dans son travail, qui va l’amener à tirer sa carriole de longs kilomètres. Une carriole qui va s’alourdir au fur et à mesure que les déchets s’entasseront.

Srey Hon, chiffonnière dans les rues de Phnom Penh
Srey Hon, chiffonnière dans les rues de Phnom Penh

Alors que le père des enfants n’est plus là, elle parvient à faire vivre les quatre personnes de la famille, mais confie avoir beaucoup de mal : « C’est un travail difficile, assez éprouvant physiquement. Je ne travaille que le matin pour m’occuper de mes enfants l’après-midi », dit-elle. « Mais, je fais parfois de bonnes recettes, car je commence très tôt et dans des quartiers assez résidentiels. Mais l’idéal pour moi serait d’avoir un travail moins contraignant et de pouvoir envoyer mes filles à l’école. » Pour elle aussi, les revenus de la collecte de déchets sont devenus dérisoires ces dernières semaines.

Aide du gouvernement

Vorn Pao, président de l’Association « Independent Democracy of Informal Economy », confie que les travailleurs informels, y compris les edjai, restent les plus vulnérables au ralentissement économique du COVID-19. Selon lui, il y aurait environ 1 000 récupérateurs à Phnom Penh qui auraient besoin d’une intervention rapide du gouvernement pour survivre.

« Maintenant, les edjais sont les plus touchés. Ils n’ont presque pas de revenus, ils n’ont donc pas d’argent pour les dépenses quotidiennes. Pas de riz à manger »

« Les chiffonniers vivent et travaillent dans un environnement qui présente un risque élevé pour leur santé », ajoute Vorn Pao.

En période normale, le salaire des ramasseurs de déchets du secteur informel est d’environ 200 dollars US, mais le revenu est instable et les conditions de travail sont pénibles. Environ 7 % de tous les déchets produits, estimés à plus de 75 000 tonnes par an sont recyclés dans le secteur informel à Phnom Penh. La plupart des déchets collectés sont achetés et revendus 5 à 7 fois en moyenne avant d’atteindre le grossiste final qui les exportera vers les pays voisins, principalement la Thaïlande et le Vietnam. Ces exportateurs peuvent vendre le plastique 50 dollars US la tonne. En raison du manque de tri des déchets à la source, le plastique cambodgien a moins de valeur (estimée à – 50 %) que dans les autres régions dotées de programmes de triage. Le gouvernement a annoncé une aide financière aux travailleurs du vêtement, 70 $ par mois, et prévoit de fournir 2,4 millions de dollars à 30 000 travailleurs du tourisme, soit environ 80 $ par personne. Le porte-parole du ministère de l’Économie et des Finances, Meas Soksensan, a déclaré la semaine dernière que le gouvernement a provisionné 350 millions de dollars US pour aider les communautés vulnérables, notamment les chauffeurs d’edjai et les motos-taxis, touchés par les retombées économiques du COVID-19. Il n’a pas précisé le montant et la répartition de l’aide qui sera accordée à ces groupes, il a seulement assuré que l’argent serait utilisé pour « assurer la stabilité sociale et restaurer l’économie après la pandémie ».

« En d’autres termes, nous ne laisserons pas notre peuple mourir de faim, en particulier ceux qui sont pauvres et vulnérables. C’est là qu’iront ces 350 millions de dollars »

S.E. Khuong Sreng, gouverneur de Phnom Penh, annonce que la municipalité aidera des groupes vulnérables comme les edjai. « Les autorités locales savent quoi faire. Elles en sont informées et ont distribué de la nourriture, mais nous ne sommes pas arrivés à une situation extrême », déclare le gouverneur.

Les acheteurs locaux en difficulté

Dans un grand entrepôt du district de Russei Keo, des piles de plastique et de déchets de métal et de papier tapissent les murs. L’entrepôt est plein de déchets mais son propriétaire ne peut les expédier faute d’acheteurs.

Mao Tran, ferrailleur devant ses piles de déchets
Mao Tran, ferrailleur devant ses piles de déchets

Mao Tran, un ferrailleur de 44 ans, affirme que les acheteurs vietnamiens ont complètement suspendu leurs opérations, seuls quelques acheteurs locaux de Phnom Penh prennent de la ferraille. Ses revenus provenant de la vente de déchets sont passés de 250 à 25 $. Cet entrepreneur modeste est lui-même confronté à une situation financière pénible. Il est devenu difficile de payer les 300 $ de loyer pour l’entrepôt, dit-il, et il a dû renvoyer ces neuf employés dans leur province. « Je n’achète que du métal et des canettes. Les plastiques et le carton n’ont aucune valeur pour le moment » , déclare Mao Tran.

« Je peux vendre du métal de récupération une fois tous les 10 jours environ, et je peux à peine payer le loyer de l’entrepôt. »

Solidarité

De retour dans son petit hangar dans le district de Russei Keo à Phnom Penh, Ou Ran est reconnaissante à son propriétaire de ne pas avoir demandé le loyer du mois dernier, il lui a même donné de l’argent et du riz pour affronter cette période pénible.

Ou Ran à la recherche de bouteilles de recyclage, de canettes, de papier, de plastique et d’autres types de déchets
Ou Ran à la recherche de bouteilles de recyclage, de canettes, de papier, de plastique et d’autres types de déchets

Les habitants du quartier sont également conscients de la situation d’Ou Ran et font ce qu’ils peuvent pour aider la famille. Tout en étant reconnaissante de cette aide amicale, la chiffonnière est prête à prendre un autre travail pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais la crise liée au COVID-19 a également rendu cela presque impossible. « Je pourrais faire la vaisselle dans des restaurants, mais ils ont probablement déjà des gens pour ça », conclut-elle CG & Phorn Bopha Sokummono Khan - VOA Khmer

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