Laurent Holdener fait partie de ceux qui ont su bâtir leur succès patiemment en créant l'une des toutes premières agences de voyages « différentes » dans le royaume il y a 20 ans. Aujourd'hui, conscient du challenge posé par la crise actuelle, l'entrepreneur met à profit cette opportunité pour recentrer ses activités et créer des alternatives pour son équipe.
Parcours :
De la Suisse au Cambodge
D’origine suisse -franco-khmère, fondateur de l’agence réceptive Terre Cambodge depuis 1999, Laurent Holdener a suivi des études en Suisse dans le secteur du génie civil. Pourtant, le destin va l’amener à se construire un autre chemin. En 1992, suite à l’intervention des Nations Unies au Cambodge, il a l’opportunité de fouler pour la première fois, le sol de ses origines. Il a alors 27 ans. Ce voyage le marquera tellement que lorsqu’il reviendra en Suisse pour achever ses études, il ne pensera qu’à une seule chose : retourner au Cambodge.
En 1996, il plie bagage pour le royaume afin d’enseigner l’hydraulique à l’Institut Technologique du Cambodge puis travailler dans une entreprise privée de construction. Ce dernier emploi lui permettra surtout de voyager à travers le pays et de dormir fréquemment chez l’habitant, car les chantiers se situaient souvent dans des endroits reculés du pays.
Création de Terre Cambodge
Fort de cette connaissance du terrain, Laurent se décide à monter son agence de voyage locale, qui sera en fait un bar-agence, répondant au nom de TOOI TOOI Bar. En Khmer, TOOI signifie « petit », le bar faisait 3 x 5 mètres ! Il achète également un bateau en bois à Phnom Penh, le retape pour l’aménager en cabine et terrasse, et proposer ainsi des séjours sur le lac Tonlé Sap.
Pour compléter les séjours autour du lac, Laurent, passionné de randonnée en pleine nature, recherche sans cesse de nouveaux parcours :
« Le Cambodge est un terrain de jeu immense car énormément de sites n’étaient pas connus à cette époque, l’accès y était très difficile en raison des mauvaises routes ou des mines »
En parallèle, il croise la route du Colonel Billot qui faisait partie d’une agence nationale de déminage. Dès qu’un site était déminé où il se trouvait un temple ou des sculptures, le Colonel prévenait Laurent pour qu’il puisse partir en reconnaissance afin de trouver des nouveaux circuits de randonnées dans la forêt :
« Je me croyais un peu dans Indiana Jones à la recherche de sites perdus » confie-t-il.
Son bar-agence fonctionne bien. La journée, il vend des circuits et accompagne les voyageurs en tant que guide. Le soir, il tient le bar et anime les festivités. Mais le rythme est intense, il décide donc d’arrêter l’activité de bar pour se concentrer sur le tourisme.
C’est à ce moment-là qu’il contacte des voyagistes en France et commence à travailler avec eux : c’est la naissance de son agence réceptive Terre Cambodge, qui a soufflé ses 20 bougies le 30 novembre dernier.
Des rencontres humaines avant tout
À travers Terre Cambodge, Laurent a toujours souhaité promouvoir un tourisme authentique, dans lequel le voyageur va pouvoir s’immerger dans la vie locale cambodgienne pour mieux comprendre le pays. Pour cela, les voyageurs doivent répondre à deux critères essentiels :
La durée du séjour pour bien ressentir le pays, le voyageur doit y passer du temps, ne pas être pressé. Selon lui, un minimum de 9 jours est requis au Cambodge.
Le rythme du voyage : Laurent confie :
« Pour les voyageurs qui veulent voir les incontournables et tout ce qui est marqué dans les guides, ils passeront plus de temps dans les véhicules à voyager qu’à visiter et “respirer” des sites incroyables »
« Je pense qu’il faut éduquer les touristes et les agences à notre conception du voyage. Le Cambodge se découvre de manière plus lente, avec du temps. » Ces deux critères leur permettent de proposer un tourisme plus humain, dans lequel le voyageur pourra réellement échanger avec l’habitant.
Car Laurent en est persuadé :
« Pour développer un tourisme plus humain, il n’y a pas de secret, il faut passer du temps avec les locaux ». Ainsi, la meilleure façon de faire comprendre aux voyageurs, le mode de vie cambodgien, c’est de les faire dormir chez eux. Au fil des années, Laurent s’est noué d’amitié avec une dizaine de familles cambodgiennes qu’il connaît depuis très longtemps et avec qui il est le seul à travailler. Ces familles accueillent les voyageurs chez eux, mais cette activité d’hébergement reste une activité secondaire pour elles. En effet, ce critère est très important pour Laurent, car il trouve dangereux que les familles cambodgiennes ne dépendent que du tourisme pour se générer des revenus. Les membres de ces familles exercent donc différents métiers comme agriculteurs, professeurs ou vendeurs.
« Ce qui m’a aussi donné le virus de l’Asie, c’est la culture populaire, les valeurs familiales de ces sociétés sans retraite ni chômage. Des notions qui se perdent dans les pays de l’Ouest. »
Cette culture, il la connaît bien pour l’avoir embrassée. Ses parents, retraités, passent la moitié de l’année à Siem Reap. Et sa belle-sœur habite chez eux depuis de nombreuses années. Surtout, Laurent Holdener va depuis vingt ans à la rencontre des gens du cru, il parle un khmer parfait.
Le réceptif a également une autre casquette puisqu’il a fallu former ces familles pour recevoir les voyageurs, les aider à maintenir leur habitat propre et respecter l’hygiène et la qualité des repas qui sont servis aux voyageurs. Chaque année, la cuisinière de Terre Cambodge passe chez les villageois pour rappeler ces règles.
Une démarche RSE pour venir en aide aux habitants
Le tourisme est un métier de rencontres, d’aventures humaines, et c’est aussi un moyen de redistribuer des ressources financières pour améliorer la vie des habitants du pays visité. Laurent parle de son ami Jean-Baptiste, archéologue qui a effectué des recherches dans la zone de Phnom Kulen. Grâce à son métier, Jean-Baptiste a mené des chantiers avec plus de 200 ouvriers sur les sites archéologiques cambodgiens, il s’est alors penché sur les conditions des ouvriers. Il y a 15 ans, il a décidé de créer une fondation du nom de ADF Kulen : http://www.adfkulen.org/.
À travers son réceptif, Laurent a souhaité contribuer à la démarche de son ami en y mêlant le tourisme :
« La région de Phnom Kulen est intéressante. Au début, la fondation souhaitait créer des revenus pour les familles au travers de projets liés à l’agriculture comme la création de fermes à champignons ou le développement de la pisciculture. Puis, la fondation a cherché une alternative afin de créer d’autres revenus complémentaires, c’est à ce moment-là qu’avec Terre Cambodge, nous avons proposé de former la population locale aux activités touristiques ».
Le réceptif finance également un volet important de la fondation sur le thème de l’éducation. Pour Laurent, la seule solution dans ce pays en développement, c’est l’éducation. Il a commencé par développer des projets dans les écoles, car il pense que « le monde des adultes est frappé par les séquelles de la guerre et leurs conséquences (violence domestique, alcoolisme), les anciennes générations n’éduquent pas suffisamment leurs enfants avec les bonnes valeurs ». Laurent mise alors sur la nouvelle génération : les enfants. Par exemple, il a contribué à un programme éducatif concernant l’hygiène des dents.
Une autre initiative développée avec la fondation sur le thème de l’éducation est liée à l’environnement. Laurent explique :
« Au Cambodge, nous avons un réel problème de déforestation, les adultes n’ont pas été éduqués. Donc, à notre échelle, la seule solution que nous avons trouvée, c’est de planter des arbres derrière leur passage »
Des pépinières ont été installées dans les cours des écoles. Et une organisation a été mise en place en collaboration avec les professeurs, pour qu’à chaque récréation, les écoliers aillent arroser les arbres, enlever les mauvaises herbes et fermer les enclos pour que les vaches n’aillent pas manger les pousses.
Pour un artisanat du voyage et un tourisme spécialisé
Laurent a observé une certaine tendance au développement du voyage sur mesure et une baisse des voyages groupés. Il pense qu’en Europe, lorsque la situation sera devenue normale, il devrait y avoir une transformation radicale de la part des Tours-opérateurs et agences de voyages dans la façon de vendre une destination. Il précise : « Les professionnels qui vont rester dans le domaine du voyage seront les spécialistes, je crois en la spécialisation, en l’artisanat. Je pense et j’espère qu’un jour, les voyageurs choisiront plus les structures petites et à taille humaine, que des géants qui d’ailleurs succombent comme par exemple Thomas Cook. »
« J’espère que cela va remettre en question ces entreprises énormes qui n’arrivent plus à s’adapter à l’évolution rapide du secteur de par notamment l’absence d’agilité. J’espère que les voyageurs vont se diriger vers l’artisan local et voyager de manière plus intelligente »
Réponse au Covid-19
Comme pour l’ensemble du monde du voyage, Terre Cambodge est touchée de plein fouet par la crise du Covid-19. Toutes les équipes, de Terre Cambodge et du partenaire Frangipani Spa se retrouvent au chômage partiel et c’est le patron qui doit assurer les salaires. Un désastre financier pour Laurent et son épouse, mais, paradoxalement, une aventure humaine extraordinaire :
« De notre point de vue, cette situation n’est pas une fin en soi et nous pensons qu’il faut mettre à profit le temps qui nous est accordé en ce moment pour rebondir et pourquoi pas envisager des changements ? »
Pour cette raison, et parce que ce type de crise risque de devenir de plus en plus fréquent, Laurent et les équipes de Terre Cambodge et du Frangipani Spa ont décidé de monter un projet pour offrir aux employés une autre source de revenus et d’alimentation.
Adaptation
Laurent a donc gracieusement prêté un terrain adjacent à son domicile pour un projet de permaculture. Les filles du Frangipani ont remis le terrain en bon état en le défrichant, puis ont commencé à planter du maïs, des haricots, bientôt du liseron d’eau et du gingembre. Du côté de Terre Cambodge, l’équipe s’est attaquée au défrichage d’une autre partie du terrain pour y créer de nouvelles parcelles et augmenter la surface de production. Les légumes ainsi produits sont aujourd’hui consommés par la petite communauté et les surplus sont vendus sur les marchés locaux.
Laurent explique :
« Derrière ce projet, dont le but est de permettre aux familles qui dépendent entièrement du tourisme de survivre à cette crise, nous offrons aussi un savoir-faire utile : le travail de la terre, activité utile et souvent oubliée, et qui sera toujours essentielle, quels que soient les aléas économiques ou sanitaires »
« Cette période covidienne nous impose a repenser nos valeurs et nos besoins vitaux, question de survie sous ces latitudes, mais c’ est aussi une chance unique dans l’histoire de s'assoir, ralentir, respirer et rêver. Basique, simple comme dirait l'autre », conclut Laurent à ce sujet.
Tours en E-bike
Il y a 2 ans Terre Cambodge a lancé la marque E-BIKECAMBODIA avec les 10 premiers E-VTT, construits et montés dans leur bureau-atelier de Siem Reap. Ils sont aujourd’hui encore le premier opérateur au Cambodge à proposer des circuits Vélo à Assistance électrique. Un an après, 8 autres E-VTTs ont été montés.
Le voyage au Cambodge à deux roues est donc maintenant accessible à presque tous. Pour les amoureux d’aventure, de nature et de rencontre, Terre Cambodge se dit prêt à vous faire voyager autrement.
« Nous nous lançons dans un nouveau projet, les tours en E-bike à la journée pour la visite de la région de Siem Reap et principalement pour une clientèle locale »
Nous articulons cette activité autour de 3 nouveaux circuits :
Journée en e-Bike à travers la campagne cambodgienne
Découverte des temples en e-Bike
E-Bike Challenge tour
Pour en savoir plus sur les produits proposés par Terre Cambodge :
Adventure Expedition Borei Prem Prei, R30-Siem Reap-Cambodge
Texte par Emma Dominguez & Terre Cambodge
Notes : 24heures.ch & Yakafokon
Iconographie : Terre Cambodge & Vanessa Cardoso
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