La Chambre de Commerce Franco-Cambodgienne a présenté samedi 26 octobre la nouvelle édition de son Guide de l’entrepreneur.
Autour d’une conférence et d’un échange de témoignages, la soirée aura permis de dresser un panorama de l’entrepreneuriat dans la cité des temples, dans un contexte marqué par une chute préoccupante de la fréquentation touristique.
Comment bien entreprendre au Cambodge, quelles sont les données essentielles à connaître, quels sont les points forts du Royaume et comment faire face aux difficultés rencontrées ?
Autant de paramètres et d’interrogations légitimes pour toute personne désireuse de se lancer dans la grande aventure entrepreneuriale. Afin d’accompagner les créateurs d’entreprises, la CCIFC a mis à leur disposition un guide regroupant dans sa centaine de pages toutes les informations qui leur seront nécessaires. Disponible gratuitement, cet ouvrage, qui peut aussi être téléchargé dans sa version numérique, constitue une source précieuse de renseignements permettant de décrypter l’environnement et le climat des affaires dans un pays traditionnellement ouvert aux investissements français.
Le Cambodge, un Eldorado pour les entrepreneurs ?
L’Hexagone est en effet le premier investisseur européen au Cambodge, représenté par des groupes tels que Vinci, Accor, Pernod-Ricard ou encore Total. Aux côtés de ces grandes entreprises, une multitude de structures entrepreneuriales de toutes tailles ont vu le jour dans un pays dont la croissance se situe chaque année aux alentours de 7 %. Dans ce royaume situé en plein cœur de l’ASEAN et dont la population est constituée à 70 % de moins de 25 ans, des opportunités sont à saisir dans de nombreux domaines.
Travaux publics, immobilier, agriculture, textile, transports, nouvelles technologies, santé et tourisme représentent quelques-uns des secteurs dans lesquels il est possible de fonder une structure viable. Encore faut-il pour cela maîtriser tous les paramètres inhérents à la création d’une entreprise à l’étranger. Forts de leur expérience, les intervenants de la soirée sont revenus sur des parcours souvent très divers et riches en enseignements.
Martin Brisson, directeur de la Chambre de commerce et d’industrie France Cambodge, est venu présenter le guide « Entreprendre au Cambodge ».
Savoir s’adapter au marché
Ces précieux témoignages ont permis de saisir à la fois les réussites, mais aussi les doutes et les difficultés auxquels chaque entrepreneur peut être confronté. Sébastien Fevrier, qui dirige le restaurant/distillerie Georges Rhumerie, avoue avoir envisagé plus d’une fois la fermeture de son établissement lors de sa première année d’activité. « Par cinq fois nous avons failli mettre la clé sous la porte, avant d’être sauvés par une croissance aussi rapide que rassurante».
Cette croissance ne doit rien au hasard : elle est le fruit d’une profonde remise en question et d’une adaptation salutaire. « Le plus important est de bien connaître le marché. Une fois cette connaissance acquise, il s’agit ensuite de se distinguer des autres entreprises. Faire la différence, placer la qualité avant tout autre chose, sont les clés qui nous ont permis de réussir notre pari ».
Soutenir les initiatives
Stéphane Boursier, fondateur de la marque Senteurs d’Angkor, a quant à lui su tirer parti de l’exclusivité de son magasin. Ouvert en 1999, ce qui était alors l’une des seules boutiques de souvenirs a peu à peu diversifié ses activités, au point d’embaucher aujourd’hui plus de 170 salariés.
Françoise Gouëzou, qui a crée la marque Biniki ChicNomade, concentre son activité autour de l’importation d’objets designs. Son témoignage rappelle les difficultés que peut rencontrer un entrepreneur en matière de taxes, de législation et d’adaptation au marché. Si son commerce est une réussite et qu’une deuxième boutique est en cours d’ouverture, c’est aussi grâce au soutien de la CCIFC qui a su lui prodiguer les informations et conseils nécessaires.
C’est d’ailleurs la principale raison d’être de la Chambre de Commerce, comme l’a réaffirmé Pierre-André Romano, qui préside la section siemreapoise. Cet accompagnement s’avère d’autant plus nécessaire que la ville enregistre depuis le début de l’année une diminution très importante de ses visiteurs.
De gauche à droite : Sébastien Fevrier, Françoise Gouëzou, Florian Bohême, Chanthary Long et Stéphane Boursier
La baisse de fréquentation ne doit pas affecter l’entrepreneuriat
Si le nombre de touristes a chuté de 12% depuis le début de l’année, le détail des statistiques fait apparaître une diminution bien plus grande des visiteurs francophones. Le mois de septembre 2019, comparé à celui de l’année précédente, accuse selon Pierre-André Romano une différence de moins 51%.
Les causes sont nombreuses : climat politique décrié à l’étranger, gestion des déchets hasardeuse, visas payants alors que les pays voisins ont fait le pari de la gratuité, hausse drastique du prix d’accès aux temples, polarisation autour d’une « haute » et d’une « basse » saison… « Le coût moyen d’une journée au Cambodge s’avère plus cher que dans les autres pays de la région », constate P.A. Romano. « Et le Cambodge reste une destination annexe : on y vient quelques jours en complément d’un séjour au Vietnam ou en Thaïlande. Il faut faire en sorte que le pays devienne plus attractif ». L’entreprise qu’il dirige, Artisans d’Angkor, est en première ligne face au déficit touristique. Dans ses magasins, 80% de la clientèle est constituée d’occidentaux, et la fréquentation accuse une baisse de 20%.
Pierre-André Romano, président d’Artisans d’Angkor et de la section locale de la CCIFC
Faire cause commune
Peut-on dès lors parler d’une situation critique pour les créateurs d’entreprises ? La majorité d’entre eux représentent de petites, voire très petites sociétés, très souvent dépendantes de l’industrie du tourisme. En attendant des mesures étatiques, « il convient plus que jamais de parler d’une voix commune, de partager notre expérience et de faire preuve d’initiative », poursuit Pierre-André Romano.
Un samedi dédié à l’emploi et à l’entrepreneuriat
Le pari est pourtant loin d’être remporté : si la section de la Chambre de Commerce de Phnom Penh rassemble plus de 130 adhérents, celle de Siem Reap en compte dix fois moins. « Cela ne veut pas dire que Siem Reap héberge moins d’entreprises, remarque M. Romano, mais simplement que les acteurs de l’économie locale se sentent moins concernés. Au contraire, plus nous serons soudés, mieux seront représentés nos intérêts ».
Chanthary Long, chargée de clientèle à la banque BRED
Financer ses projets
Arrivée l’année dernière à Siem Reap, la BRED Cambodia, filiale de la Banque Populaire, s’engage à soutenir toute création d’entreprise. Chanthary Long est chargée de clientèle au sein de l’établissement qui est aussi l’un des partenaires principaux de la CCIFC. Pour elle, les secrets d’une entreprise pérenne tiennent en deux mots : innovation et développement.
Un forum de l’emploi, premier du genre à Siem Reap
Cette dernière caractéristique ne peut bien souvent s’obtenir qu’avec l’appui financier d’une banque. Les soutiens aux entrepreneurs, qu’ils proviennent de la Chambre de Commerce, de la communauté francophone très soudée ou d’un établissement bancaire, doivent contribuer à encourager les initiatives, même (et surtout) en période de crise. Une crise dont l’impact est de plus très varié en fonction des entreprises, de leurs secteurs d’activité et de leur clientèle. Un forum de l’emploi, premier du genre à Siem Reap, s’est tenu le même jour à l’Alliance Française. Une visite a permis de se faire une idée plus précise de l’état du marché de l’emploi.
Un marché de l’emploi au beau fixe
Sur les six stands de recruteurs présents, cinq étaient directement liés au tourisme. Pourtant, les recrutements ne se sont pas taris, témoignant même d’une certaine vigueur. Les candidats francophones se voient courtisés au même titre que les sinophones. Les personnes pratiquant le français préfèrent souvent tenter leur chance en tant que guides dans les temples, un poste plus lucratif que celui d’un salarié du secteur privé. Tous les recruteurs font le même constat de la rareté d’une main d’œuvre francophone pourtant ô combien nécessaire et recherchée.
Le dynamisme est donc toujours de mise tant sur le front de l’emploi que sur celui de l’entrepreneuriat, mais pour encore combien de temps ? Pas question, pour la CCIFC Siem Reap, de rester inactif face à la dégringolade de la fréquentation. Un forum sera organisé très prochainement afin d’élaborer un plan d’action, avant que les dégâts ne provoquent d’irréversibles dommages. Jusqu’à présent, l’entrepreneuriat français à Siem Reap et au Cambodge a enfanté d’innombrables réussites. Tout doit être fait afin de préserver un climat favorable aux investissements et aux initiatives talentueuses dans un pays en plein essor économique.
Texte et photographies par Rémi Abad
Merci beaucoup de favoriser la présence française au Cambodge !