« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire », affirme Albert Einstein en 1934 dans son livre « Comment je vois le monde ».
Sophie fait partie de ces âmes qui regardent la misère et la pauvreté droit dans les yeux et agissent.
À propos
Des palaces aux parloirs de prison où elle rendait visite à son père Robert Marguery, plus connu sous le pseudonyme de « Bichon » lorsqu’il œuvrait au sein du célèbre gang des postiches en France ; Sophie a vécu une jeunesse mouvementée. À 13 ans, elle partit en voyage avec ses parents en Thailande et le coup de foudre fut immédiat. Elle s’était jurée alors d’y revenir pour ses 18 ans. Dès son retour définitif dans le royaume en 1991, elle crée trois structures dans le nord de la Thaïlande ; deux qui s’occupent du sauvetage des animaux, une troisième qui vient en aide aux enfants des villages défavorisés.
Entretien :
CM : Parlez-nous de votre livre
C'est l'histoire vraie d'une jeune fille parisienne qui en 1991 quitte tout suite à un coup de cœur pour la Thaïlande, elle s'y installe à l’âge de 23 ans, épouse un thaïlandais des ethnies montagnardes à Chiang Rai et se voit offrir un éléphant en cadeau de mariage...et là commence une grande aventure pleine de rebondissements. Son père, après 12 années de prison, la rejoindra. Trente ans plus tard est né un livre de leur vie : « De l'ombre du gang des postiches…jusqu'au pas des éléphants ».
CM : vous êtes la fondatrice d’Abcd pour tous. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette organisation ?
Abcd pour tous a débuté en 1992 avec la famille et mes amis et elle a vu officiellement le jour avec son statut en 2001. Cette association vient en aide aux enfants et aux personnes âgées défavorisées des villages montagnards du nord à Chiang Rai. Grâce aux donateurs, chaque mois ils reçoivent un colis alimentaire contenant des vêtements, nécessaires scolaires, produits d’hygiène, couverture, moustiquaire, matelas, drap… Des photos de chaque distribution sont mises en ligne sur le groupe Facebook. Lors d’un voyage à Chiang Rai, il est possible aux parrains de rendre visite aux filleuls accompagnés d’un membre de l’équipe de l’organisation. L’idée m’est venue en vivant avec eux, je ne pouvais pas habiter dans leur village en fermant les yeux.
Je mangeais comme eux ; 3 portions de riz par jour. Le matin, je m’accordais un bol de chocolat chaud et quand les enfants me rejoignaient, je partageais et ils buvaient chacun une gorgée. C’était devenu un rituel. À cause de ressources insuffisantes, mon mari de l’époque et moi ne pouvions en donner à une trentaine. J’ai donc appelé ma mère pour savoir si elle ne pouvait pas participer aux frais afin d’en acheter pour eux. Ce n’était pas le seul problème ; ils se lavaient dehors, dans le ruisseau, avec de la lessive, car c’était moins cher que le savon. Dès lors, j’ai demandé à ma grand-mère si elle pouvait nous en obtenir… voilà comment petit à petit cela a pris forme. Durant 10 ans, les enfants furent aidés par ma famille et mes proches, puis leurs amis ; avec Facebook, cela a pris de l’ampleur. En 28 ans, nous en avons parrainé des milliers ; ce n’est pas les assister à 100 %, mais nous leur donnons un coup de pouce dans leur vie.
CM : En 2011, vous créez avec Moumou, Eléphant Steps. Une association chargée du sauvetage des animaux du tourisme de masse, non loin de Chiang Rai, à Kewadame. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai toujours récupéré les âmes en détresse, mais avant de vivre avec Moumou, je n’avais pas la place pour en accueillir beaucoup. Emménager sur son terrain de plusieurs hectares nous permit d’en recueillir beaucoup plus ; à la suite de ça est né Katpat.
« Nous en avons sauvé une centaine qui cohabite maintenant avec nous et nous en avons soigné bien plus qui résident dans les agglomérations avoisinantes »
À ce jour, nous hébergeons 46 chiens, 2 vaches, 2 buffles, 3 éléphants, 15 chèvres, 6 chevaux, 1 âne, une centaine de poules, de canards et d’oies. Nous cohabitons tous ensemble au refuge Éléphant Steps où les animaux vivent en liberté. Pour nourrir ce petit monde, nous organisons des marches dans la jungle en suivant le parcours des pachydermes, 2 à 9 personnes par jour, pas plus, pour préserver une qualité de vie indispensable à nos amis les bêtes.
CM : 7 ans après, une pétition a été lancée contre vos éléphantes sous motif de saccage de la jungle. Comment avez-vous géré cette situation ?
Ce problème que nous avons rencontré à Kewadame ne démontrait que de la pure jalousie. Maintenant, trois « homestay » ont vu le jour là-bas. Nous rameutions de plus en plus de personnes et cela enrageait les « puissants » qui se sentaient à l’ombre de tout ça.
« Mon mari a eu beaucoup de mal à s’en remettre ; c’était son village, ses terres, ses racines ».
« La plainte visait nos éléphantes, nous n’étions peut-être pas directement concernés, mais c’était tout comme ; pas question de les abandonner. Mon compagnon a voulu se battre, avec un procès, etc. Je lui ai dit de laisser tomber ; on ne pouvait pas rester dans une agglomération où ils n’aimaient pas les animaux, c’était dangereux, ils risquaient de les empoisonner. Nous sommes partis un mois plus tard avec toute notre famille, une centaine ; la tête haute, mais avec le cœur brisé ! »
« Ce sont nos animaux qui nous ont donné le courage de recommencer à zéro, ma tribu à 4 pattes, personne ne nous séparera ! Personne ! »
Thampatong nous a accueillis à bras ouverts ; ils ont préparé une fête pour célébrer la venue de nos éléphantes. Quel contraste ! Mais, nous n’y résidons plus actuellement. Aucun problème avec le village, mais le terrain ne nous convenait pas, rien n’y poussait. Un véritable désert et lors de la saison des pluies, nous ne voyions que de la boue ; nous y sommes restés 2 ans. Depuis maintenant 2 mois, nous avons trouvé un peu plus loin un vrai paradis, un havre de paix isolé dans les terres à la lisière de la jungle ; Moo Ban Maepeng qui se situe à 3 km.
Nous avons acheté trois hectares grâce aux dons et à un crédit. Je n’ai plus remis les pieds dans le hameau natal de mon mari. Il y va pour rendre visite à ses parents, mais ne s’y attarde pas. Il y avait 60 % des votes qui avaient validé le départ des pachydermes, nous avons par la suite appris que la moitié du scrutin était truquée. Le chef du village plaidait notre cause, mais il n’a rien pu changer. Cela a été un vrai déchirement de quitter les lieux, de tout recommencer, mais la force nous guidait, surtout en regardant tous mes animaux, mes petits cœurs qui étaient mis dehors.
CM : Quels projets pour l’avenir ?
Aider le plus possible les êtres vivants en détresse en continuant à combattre la pauvreté, la maltraitance et la misère ; ces fléaux me touchent énormément et je ne peux pas fermer les yeux lorsque j’en suis témoin. On peut toujours agir, simplement en discutant par exemple. Je transmets le message à ceux et celles qui veulent bien écouter, voir ce qu’il se passe et participer. Main dans la main pour un monde meilleur. C’est avec des gouttes d’eau que naissent les ruisseaux.
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