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Ancre 1

ONG – Société : donner une identité aux « enfants fantômes »

Non déclarés à leur naissance au Cambodge, des milliers d’enfants se retrouvent privés d’identité, faisant d’eux de véritables « fantômes ». Afin de lutter contre ce fléau, l’association « À bras grands ouverts » mène une vaste campagne dans les villages flottants du Tonlé Sap.

Rencontre avec son président, Daniel Fradin, qui explique les enjeux de cette action.

Obtenir des papiers

Sur le Grand Lac, une vedette rapide fend les vagues, transportant de bien étranges passagers. Au milieu des imprimantes, ordinateurs et autres relieuses, c’est tout un service d’état civil qui se dirige vers le village de Kbal Taol. Et, dans ce même village, des dizaines de personnes, pour la plupart des enfants accompagnés de leurs parents, attendent avec impatience que le bateau accoste sur ses quais.

Car, l’opération est d’envergure : chaque jour, une centaine de noms sont enregistrés dans les fichiers, permettant à des individus jusque-là sans aucune existence officielle de repartir avec un extrait d’acte de naissance. Ce précieux sésame, une fois présenté au commissariat le plus proche, permettra d’obtenir une carte d’identité et, surtout, d’être enfin reconnu comme citoyen à part entière.

Signature des documents lançant la campagne de recensement. À gauche, Daniel Fradin, président de l’association « À bras grands ouverts ».

Signature des documents lançant la campagne de recensement. À gauche, Daniel Fradin, président de l’association « À bras grands ouverts ».


Campagne

Lors de cette campagne se déroulant sur 10 jours, près de 1 000 personnes vivant dans les villages alentours recevront une identité, les sortant ainsi d’une condition précaire entraînant d’innombrables difficultés. Comment, en effet, poursuivre des études, mener une carrière professionnelle, voter, voyager ou se marier lorsque l’on demeure sans aucune identité ?

L’absence d’existence officielle ouvre aussi la porte au trafic d’êtres humains, à la prostitution, aux mariages précoces ou au travail forcé. C’est à l’hiver 2018 que Daniel Fradin, en visite dans un village flottant pour superviser la construction d’une école, prend conscience de l’ampleur du phénomène. Une première campagne a été organisée en juin 2019, elle a permis à 300 personnes de sortir de cet anonymat involontaire, avant d’en planifier une plus ambitieuse, actuellement en cours.

Une première campagne a été organisée en juin 2019

Une première campagne a été organisée en juin 2019


« Gagner une identité pour sortir du néant »

« Il ne s’agit aucunement de se substituer aux services de l’État », affirme Mr. Fradin. « Nous cherchons juste à faciliter par tous les moyens leur venue dans des endroits reculés tels que les villages flottants. Nous assurons donc toute la partie logistique, réglant les frais d’essence, la nourriture et l’hébergement des trois agents délégués par la Mairie ».

Combien sont-ils, au Cambodge, ces enfants dont le nom ne figure sur aucun registre d’état civil ? S’il est impossible d’en établir un décompte précis à l’échelle du pays, une estimation mondiale effectuée par l’UNICEF évalue à 230 millions le nombre d’enfants de moins de 5 ans n’ayant aucune existence officielle. Des fantômes, sans-papiers dans leur propre pays, principalement présents en Asie ainsi qu’en Afrique.

« Nous cherchons juste à faciliter par tous les moyens leur venue dans des endroits reculés tels que les villages flottants

« Nous cherchons juste à faciliter par tous les moyens leur venue dans des endroits reculés tels que les villages flottants »


Méconnaissance des enjeux

Les raisons qui poussent les familles à ne pas déclarer la naissance d’un enfant sont nombreuses, allant de la simple nonchalance à la difficulté de se rendre dans les services dédiés. À Kbal Taol, la Mairie se situe à deux heures de bateau, un trajet que peu de parents sont prêts à effectuer pour une démarche dont ils ne saisissent pas toujours la portée. D’où l’importance, insiste Daniel Fradin, de communiquer sur les enjeux d’une déclaration. « L’association ” À bras grands ouverts ” prépare des documents qui seront distribués dans les lieux les plus reculés afin de sensibiliser la population, comme nous l’avons déjà fait au Sénégal et aux Philippines, où nous intervenons également ».

1,5$ pour changer une vie

En plus de superviser ces campagnes, Mr. Fradin tente à chaque voyage de trouver des partenaires pour son association, qui focalisait jusqu’à présent sur la construction d’écoles. Ce nantais globe-trotter, amoureux des voyages et des rencontres, a parcouru le monde et pratiqué toutes les formes de séjour. D’abord en voyage organisé, puis en routard, et, enfin, en tant que travailleur humanitaire, mettant à profit ses compétences de logisticien et de communiquant. Cet ancien cadre de la SNCF a beau être fier de sa carrière professionnelle, « c’est dans le bénévolat et l’aide aux populations que j’ai accompli mes plus belles réussites », dit-il.

L’association qu’il préside depuis le début de l’année, dont le siège se situe à Courbevoie et dont l’équipe est composée de cinq personnes, bénéficie d’une centaine de donateurs réguliers, tout en comptant sur des campagnes de financement participatif. « ABGO doit énormément à l’ancienne directrice, madame Diesbecq, qui a accompli avant moi un travail incroyable », tient à préciser Daniel Fradin.

Une nouvelle mission au Cambodge devrait être effectuée en janvier 2020. « Organiser de telles sessions d’enregistrement à l’état civil revient à 1,5$ par enfant, ce qui n’est, tout compte fait, pas cher payé pour un acte qui change radicalement la vie des personnes qui en bénéficient ». Aider des milliers d’enfants à sortir d’une condition d’apatride pour devenir enfin citoyens à part entière : tel est le défi majeur à relever au cours de ces prochaines campagnes.

Par Rémi Abad


À lire, l’ouvrage de Laurent Dejoie et Abdoulaye Harissou, « Les Enfants fantômes », paru aux éditions Albin Michel.

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