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ONG : Le plein de projets au centre Enfants du Mékong de Phnom Penh

L’ONG Enfants du Mékong (EDM) est créée en 1958 au Laos pour venir en aide aux enfants défavorisés d’Asie du Sud-Est. Elle s’est implantée au Cambodge en 1991 et a ouvert son premier centre, à Sisophon, en 1993. En 2009, un centre étudiant est créé à Phnom Penh pour accueillir les filleuls diplômés du baccalauréat qui aspirent à étudier en université. C’est ici que nous reçoit aujourd’hui Antoine Dugas, coordinateur des programmes du centre de Phnom Penh. Entretien.

Antoine Dugas, à droite, prend la pose à côté d'un des élèves du centre étudiant Enfants du Mékong de Phnom Penh

Antoine Dugas, à droite, prend la pose à côté d’un des élèves du centre étudiant Enfants du Mékong de Phnom Penh


CM : Quel est le lien entre les différents centres d’EDM, au Cambodge mais aussi avec ceux des autres pays ?

Il n’y a pas deux pays qui fonctionnent de la même manière. L’élément commun est la vision d’EDM, qui cherche à aider des familles d’enfants défavorisés par l’éducation, en s’intégrant dans la structure éducative locale. Mais la manière d’appliquer cette action diffère en fonction des pays. Au Vietnam, par exemple, nous nous appuyons uniquement sur un réseau de partenaires qui assure l’éducation des enfants. Nous nous chargeons de la relation avec les parrains, qui financent ces études. Les volontaires se chargent des lettres d’information aux parrains, de la facilitation du travail administratif…

Cours supplémentaires

Au Cambodge, comme aux Philippines, nous avons créé des centres dans lesquels nous leur apportons des cours supplémentaires. Au collège et au lycée, la plupart des professeurs dispensent des cours particuliers l’après-midi, or c’est à ce moment que la plupart du contenu est enseigné. Nous permettons ainsi aux collégiens et lycéens parrainés de bénéficier de ces cours supplémentaires en groupe. Par ailleurs, à Phnom Penh, nous accueillons 180 étudiants qui logent dans les alentours du centre. Ceux-ci proviennent de nos foyers d’enfants parrainés à travers le Cambodge, ou d’un concours. Ils sont aussi sélectionnés sur des critères stricts pour aider les plus démunis. Ils sont parrainés pour financer leurs études dans des universités telles que l’URPP, l’ITC, l’URLE… Mais nous leur prodiguons aussi, à raison de deux heures supplémentaires par jour et le weekend, des cours que nous pensons indispensables à leur développement. Cette formation en plus de leurs cours universitaires leur permet d’acquérir à la fin des quatre ans un double diplôme, celui de leur université et le notre “True leadership diploma” que nous sommes en train de faire accréditer.

Remise des diplômes "True Leadership" aux anciens élèves du centre étudiant

Remise des diplômes “True Leadership” aux anciens élèves du centre étudiant


CM : Comment cette différence s’explique-t-elle ?

Cette différence s’explique notamment par le fait que nous avons une présence officielle dans certains pays, officieuse dans d’autres. Au Vietnam, par exemple, nous soutenons notamment des minorités défavorisées, ce qui peut paraître être un danger pour le gouvernement. Donc notre action dépend surtout des opportunités que nous avons et des possibilités matérielles et politiques dans chaque pays. Dans nos foyers, le contenu apporté diffère aussi. Il y a une base, qui repose sur les langues (anglaise et française) pour compléter les cours au collège et lycée, un équilibre de vie que nous essayons d’apporter à travers des activités sportives ou culturelles. Dans d’autres, nous ajoutons petit à petit des enseignements annexes sur le modèle de ce que nous proposons au centre d’étudiants.

CM : Parlez-nous de ce centre étudiant justement… Comment cette formation a-t-elle été créée, enrichie et adaptée au contexte local ?

Certaines compétences paraissaient évidentes à enseigner, comme l’Anglais ou l’informatique. Puis, de fil en aiguille, on arrive sur les techniques d’entretien d’embauche, le CV, la lettre de motivation. Mais nous avons aussi pris en compte les avis des anciens élèves et leurs demandes.

Pour les cours de philosophie par exemple, le programme a été établi avec un professeur de l’institut de philosophie comparée à paris qui est venu ici plusieurs années qui au début a préparé ses cours à la française et a dû les adapter complètement en se rendant compte que l’approche n’était pas du tout la bonne. Nous travaillons aussi avec des associations locales telles que Karol & Setha qui dispensent des ateliers d’éducation émotionnelle et sexuelle, ou a+b=3 qui s’occupe de la partie éducation financière.

Il est vrai que dans un premier temps, certains cours ou ateliers ont été montés en fonction des talents des talents des volontaires. Nous arrivons à un stade où nous aimerions professionnaliser ces enseignements, en nous tournant notamment vers des professeurs, consultants ou experts locaux pour établir des supports de cours et les animer. L’ambition d’Enfants du Mékong est de tendre vers un point où il n’y aura que des Cambodgiens qui géreront ce centre.

CM : Donc il y a encore certains volontaires qui dispensent des cours aujourd’hui, malgré le fait qu’ils n’aient peut-être pas des compétences pédagogiques pour ?

Oui des volontaires donnent des cours tels que la géographie ou la méthodologie. Ce sont des compétences de bon sens, et des outils pratiques. Et en l’occurrence, le recrutement des volontaires est sélectif et ils ont souvent certaines compétences ou formations qui leur permettent de faire cela.

CM : A propos de la gestion de l’ONG par des Cambodgiens, pensez-vous que ce soit possible à terme ?

Nous essayons… Il reste des enjeux financiers, mais aujourd’hui, sur 21 personnes, il n’y a que quatre volontaires étrangers, dans le centre de Phnom Penh. Le déploiement pédagogique se fait en binôme entre les volontaires et les travailleurs sociaux qui aident à animer les cours dans les centres.

CM : Comment fonctionne le volontariat ? Faites-vous face à l’enjeu du volontourisme, très présent au Cambodge ?

Le modèle fonctionne beaucoup sur la base de contrats VSI, donc pour un an minimum. Ce sont soit des personnes qui viennent seules, soit des familles. Nous accueillons aussi des stagiaires, souvent pour de plus courtes durées. Par ailleurs, le processus de recrutement est assez structuré. Une première sélection est établie en février sur la base des dossiers, et débouche sur une journée de discernement. Des intervenants font réfléchir les candidats sur les enjeux, les renoncements auxquels invitent cette mission. En effet, les volontaires vivent sur un mode de vie simple, car l’objectif est qu’ils s’adaptent aux jeunes. C’est un rythme de vie exigeant, mais qui permet de faire le tri entre ceux qui viendraient pour du simple tourisme et les autres.

Il y a ensuite des entretiens de recrutement, des conférences et des rencontres. Et avant le départ, les volontaires ont une semaine de formation sur l’Asie, les religions, la culture asiatique et les enjeux interculturels de gestion des relations par exemple. Donc le cadre, dès le recrutement, est mis en place pour que les volontaires soient conscients de ce dans quoi ils s’engagent. Ainsi, le “volontourisme” n’est pas un enjeu auquel l’ONG est vraiment confrontée.

Est-ce que vous posez certaines limites à la relation entre parrain et filleul ?

Nous sommes conscients de nous adresser à des enfants et que cela engendre des risques, donc la relation est très encadrée. Les parrains prennent en charge un filleul en versant de l’argent pour permettre sa scolarité. Ensuite, la relation se fait par courrier. Il arrive aussi que les parrains viennent au Cambodge et puissent rencontrer leurs filleuls. Les visites sont limitées dans le temps, et encadrées par un volontaire ou un travailleur social.

Même si le parrain est souvent appelé “papa” ou “maman” par le filleul, ça relève de la culture cambodgienne. Cependant, nous essayons de limiter. C’est difficile de faire en sorte que l’enfant ne s’investisse pas démesurément dans la relation. Mais notre vigilance se porte du côté des parrains pour faire en sorte que la relation ne déséquilibre pas n’enfant dans son environnement, que ce soit affectivement ou financièrement. Même si les suppléments financiers sont acceptés, les travailleurs sociaux sont là pour encadrer la manière de le dépenser. Par contre, on ne peut pas empêcher le fait qu’il y ait des enfants qui reçoivent plus d’argent, de courriers, de cadeaux que d’autres.

Vous revendiquez une affiliation aux valeurs catholiques. Que cela représente-t-il dans le fonctionnement de l’ONG ?

L’ONG est aconfessionnelle. Elle s’appuie cependant sur une vision de l’Homme qui correspond aux valeurs chrétiennes. Ainsi, il y a une forme d’exigence sur la tenue, la consommation d’alcool, les relations amoureuses, dans la vie quotidienne au centre. Cela s’incarne aussi dans la façon où on cherche à développer l’Homme dans son intégralité, par le corps, l’esprit, avec la philosophie et les compétences intellectuelles, et le cœur avec l’éducation affective, familiale et sexuelle. Nous essayons de les reconnecter avec leur histoire, en abordant par exemple l’époque des Khmers Rouges. Nous essayons aussi de les ouvrir au monde et leur permettre de développer un sens critique.

Les élèves du centre étu-diant de Phnom Penh, qui vivent ici toute l'année selon des règles strictes leur per-mettant de se concentrer sur leurs études

Les élèves du centre étudiant de Phnom Penh, qui vivent ici toute l’année selon des règles strictes leur permettant de se concentrer sur leurs études


CM : Ne pensez-vous pas que, malgré toutes les bonnes intentions, cela puisse ressembler à une tentative de poser un modèle judéo-chrétien dans un pays qui ne l’est pas ?

Je pense que le modèle familial que l’on présente par exemple, est plus naturel que judéo-chrétien. Notre objectif est de les aider à construire un projet dans le temps et éviter de reproduire certaines choses à l’origine de leurs blessures personnelles, à savoir les familles éparpillées. Nous les encourageons à se construire une vie la plus harmonieuse possible. C’est vrai qu’il est légitime de se demander jusqu’où faut-il pousser certaines valeurs qui ne sont pas forcément applicables à la culture rencontrée. Mais par exemple, le rapport à la vérité est complétement différent en Europe et en Asie. Les gens sont capables de dire quelque chose de faux pour entretenir une bonne relation avec les autres. Selon nous, il est nécessaire d’inculquer l’honnêteté, ou encore le sens des responsabilités…Nous nous posons parfois à contre-culture, mais essayons de le faire de la manière la plus respectueuse possible et toujours dans un objectif d’épanouissement de l’enfant.

CM : En plus de votre projet éducatif, vous êtes en train de mettre en place un projet social. Comment est venue cette idée et pouvez-vous nous en parler ?

Ce sont M. et Mme Mérieux qui ont proposé cette idée. Ce sont les parents de Christophe Mérieux, jeune homme de 25 ans décédé d’hydrocution qui parrainait certains enfants. À sa mort, ils ont décidé de soutenir l’ONG en faisant un don, d’où le nom du centre de Phnom Penh, Christophe Mérieux. Ils sont restés proches de l’ONG, depuis, et ont soumis cette idée en apportant les fonds. Le projet consiste à venir en aide à des familles très défavorisées des environs. D’abord par la distribution de lait aux mères qui en ont besoin, par l’assistance à des familles qui sont dans la survie, par l’aide à la réparation ou construction de logements et enfin par la formation à l’éducation financière, à la parentalité et à la santé.

Distribution de nourriture dans le cadre du projet social

Distribution de nourriture dans le cadre du projet social


CM : Ce projet va-t-il s’étendre dans les autres lieux où EDM agit ?

Ce projet est très lié au financement de la famille Mérieux. C’est un projet assez nouveau pour notre ONG, qui n’était pas du tout axée sur ce segment-là, contrairement à PSE par exemple. Avant, pour EDM, l’aide aux familles passait avant tout à travers le projet éducatif, en accompagnant les familles parrainées qui reçoivent des denrées matérielles et une aide financière indirecte. Aujourd’hui, ce projet concerne le Cambodge. Mais il nous invite à développer de nouvelles choses qui nous feront sûrement prendre conscience de l’intérêt de certains outils que nous pourrons dupliquer.

Texte par Adèle Tanguy, photos fournies par Enfants du Mékong Phnom Penh

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