Michael Meyerhoff, directeur du Centre d’Angkor pour la conservation de la biodiversité, se déclare préoccupé par le rite de relâcher des animaux en captivité dans la nature. Selon lui, cela pourrait mettre en danger des espèces déjà menacées, et avoir de lourdes conséquences…
Relâchement d’oiseaux sur Riverside
Croyances
Les Cambodgiens et les bouddhistes en général pensent que libérer des animaux en captivité comme poissons, tortues, oiseaux, etc. effacera leurs péchés et leur apportera un bon karma. Selon Michael Meyerhoff, des centaines d’animaux sont vendus à cause de cette croyance.
A Phnom Penh, à Wat Phnom, en face du Palais royal, ou près du Jardin royal à Siem Reap, et dans de nombreux autres endroits dans le royaume, les gens vendent des centaines d’animaux, en particulier des oiseaux et des tortues. La plupart de ces animaux souffrent voire meurent avant que le lâcher ait eu lieu. Et, beaucoup d’oiseaux meurent peu après avoir été libérés car ils sont souvent faibles, stressés, ou encore blessés, souligne Michael Meyerhoff.
Menaces
« Certains Cambodgiens qui viennent visiter le Centre d’Angkor pour la conservation de la biodiversité sont surpris lorsque nous leur parlons de ce problème. Je pense en fait que les gens ne pensent pas trop au problème car ils ne sont pas au courant. Et, de ont bon cœur, ils veulent aider », ajoute-t-il.
« Par exemple, le Bruant à poitrine jaune, une espèce qui vit en Chine et en Inde, migre de façon saisonnière en Asie du Sud-Est. C’était un oiseau assez commun il y a 15 ou 20 ans. Les gens l’attrapent en Chine et en Asie du Sud-Est. A présent, il est enregistré sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) », déclare-t-il.
Danger pour les humains
Mais Michael Meyerhoff ne s’inquiète pas seulement de l’impact négatif de cette pratique sur la conservation, il souligne qu’il « se préoccupe également de la santé de la population ». Le risque de propagation des maladies est élevé, car de nombreux oiseaux sont enfermés ensemble dans de petites cages. Certaines maladies peuvent non seulement se propager entre les oiseaux, mais aussi toucher les êtres humains.
Une étude menée à Phnom Penh en 2012 a révélé qu’environ 10% des oiseaux se trouvant à un lieu de relâchement d’animaux étaient porteurs de la grippe aviaire. «
Une certaine forme de grippe aviaire est potentiellement mortelle pour les gens. Je vois beaucoup de gens embrasser l’oiseau ou les tenir près du visage lorsqu’ils le relâchent. Ils peuvent aussi contracter des maladies », dit-il en ajoutant que dans de nombreuses zones rurales, le médecin n’est pas en mesure de détecter la cause de la maladie.
Danger pour les espèces
Ces pratiques n’affectent pas seulement les oiseaux, mais aussi les tortues déjà très menacées. « Parfois, les gens ont pitié, achètent des tortues et les amènent ici. Nous leur disons toujours de ne pas les acheter. Il est illégal d’acheter et de vendre ces espèces protégées », dit Meyerhoff, ajoutant que : « Beaucoup de tortues qui arrivent au centre sont dans un très mauvais état. Surtout les tortues mangeuses d’escargots du Mékong. Elles vivent généralement seules et sont très sensibles au stress. Mais, les vendeurs les mettent dans des seaux avec 20 ou plus et les laissent au soleil. »
« Quand elles arrivent à notre centre, elles sont dans un très mauvais état et beaucoup d’entre elles ont besoin de plusieurs mois de traitement mais meurent parfois en raison de leur état grave », indique M. Meyerhoff qui se montre pourtant optimiste : « Si les gens comprennent le problème de la capture des oiseaux et des tortues, beaucoup arrêteraient peut-être de les acheter ou signaleraient même l’infraction aux autorités. »
Biodiversité à préserver
D’après Fauna et Flora International, le Cambodge est l’un des pays les plus riches en biodiversité d’Asie du Sud-Est, avec 8.260 espèces de plantes, plus de 250 espèces d’amphibiens et de reptiles, 874 espèces de poissons et plus de 600 espèces d’oiseaux.
Les écologistes s’intéressent particulièrement au paysage de montagnes de Cardamome situé dans le sud-ouest du pays, dans le sud-ouest du pays, qui abrite une diversité remarquable d’espèces, notamment l’éléphant, l’ours et le gaur (le plus gros bovin du monde). Encore relativement inexploré, ce paysage a encore beaucoup de secrets à révéler et de nouvelles espèces sont régulièrement découvertes par des biologistes explorant ses forêts. D’autres vastes zones dans les provinces de Rattanakiri et de Mondulkiri revêtent également une grande importance pour la conservation.
Le Cambodge possède aussi un environnement marin riche, avec des récifs coralliens entourant presque toutes ses îles. On y trouve environ 70 espèces de coraux et de vastes herbiers marins et de mangroves dans le Royaume.
Avec C.Nika – AKP Phnom Penh, Avril 2019 —
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