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Livre – témoignage : Prum Vannak, ancien esclave moderne devenu artiste

Après s’être échappé de l’esclavage moderne sur un bateau de pêche malais, puis d’une palmeraie en 2010, Prum Vannak, artiste de la province de Battambang, a publié un livre-mémoire illustrant ses expériences en tant que victime de la traite des êtres humains.

Vannak s’est associé au réalisateur et co-auteur australien Jocelyne Pederick pour raconter l’histoire de «L’Œil mort et la mer bleue», publiée par Seven Stories Press.

Le livre suit le parcours de Prum Vannak, qui a franchi la frontière thaïlandaise à la recherche d’un travail, puis a été kidnappé et vendu pour du travail forcé. Le livre sert également d’avertissement aux Cambodgiens et au reste du monde pour montrer que l’esclavage existe encore.

Cela fait environ neuf ans que Vannak a été secouru par une organisation de défense des droits humains et renvoyé au Cambodge depuis la Malaisie. Mais, il raconte que le souvenir de son séjour en mer est une blessure qui ne guérira jamais. “Je ne peux pas oublier, et j’ai décidé de m’occuper de ma maison et de dessiner pour me détacher de ce mauvais souvenir”, déclare-t-il.

La vie sur le bateau de pêche

En 2006, dans l’espoir d’obtenir assez d’argent pour que sa femme puisse accoucher en toute sécurité, Vannak franchit illégalement la frontière, pensant qu’il pourrait trouver un emploi en Thaïlande. Mais il est berné et vendu pour travailler comme esclave sur un bateau de pêche pendant trois ans et sept mois. Selon Vannak, les ouvriers à bord du navire venaient du Cambodge, de Thaïlande et du Myanmar. Les ouvriers étient classés en deux catégories: les salariés qui pouvaient rentrer chez eux et ceux sans salaire, retenus contre leur volonté. Vannak faisait partie du deuxième groupe.

Couverture du livre The Dead Eye et The Deep Blue Sea illustrés par Prum Anan Vannak

Couverture du livre The Dead Eye et The Deep Blue Sea illustrés par Prum Anan Vannak


Violence

“Ceux qui avait payé la taxe d’embauche touchaient un salaire et pouvaient rentrer chez eux. Mais, ceux qui ont été vendus comme nous n’avaient rien”, raconte-t-il. Il ajoute que, sur le navire, deux ou trois repas étaient servis par jour, toujours des fruits de mer. De temps en temps, ils pouvaient avoir du poulet ou du porc. Mais la nourriture était le moindre de ses soucis, car il était contraint de travailler jusqu’à 20 heures par jour, n’avait que peu de sommeil et souffrait de la violence accablante exercée par le directeur du navire et les équipes de sécurité.

“La violence était fréquente lorsque nous ne respections pas les ordres…Le bateau était plein de conflits, de bagarres et de meurtres”, dit-il.

Selon Vannak, lorsqu’un travailleur tombait malade, le responsable le surveillait pendant quelques jours. S’il ne pouvait pas récupérer, il était tué et jeté à la mer. Les travailleurs étaient plus nombreux que le responsable et l’équipe de sécurité, mais ils ne pouvaient pas riposter car ils étaient placés avec des nationalités différentes afin de limiter les communications.

Pour éviter d’être frappé par le responsable ou les équipes de sécurité, Vannak choisit alors d’effectuer des tâches supplémentaires, telles que balayer le bateau ou l’arroser lorsqu’il faisait chaud. De même, pour se protéger des autres travailleurs, Vannak essayait de maintenir de bonnes relations en leur offrant des tatouages ​​gratuits. Il fabriquait de l’encre en mélangeant du dentifrice et du charbon.

Prum Anan Vannak, survivant de la traite des êtres humains et artiste autodidacte

Prum Anan Vannak, survivant de la traite des êtres humains et artiste autodidacte


Hippocampes utilisés comme monnaie

Les travailleurs pouvaient se procurer gratuitement de la méthamphétamine auprès du responsable ou l’acheter auprès de petits bateaux venant chercher du poisson. L’argent n’était pas utilisé. Les marins utilisaient plutôt des hippocampes séchés comme monnaie. Ces derniers ont une certaine valeur car ils sont utilisés en médecine traditionnelle. Vannak raconte que les hommes d’équipage utilisaient ces créatures pour échanger de la drogue, de l’alcool, des cigarettes, des snacks ou des sodas. Sept hippocampes permettaient d’échanger une bouteille de vin, cinq un paquet de cigarettes, quatre une collation ou une bouteille de soda.

Vannak et d’autres cachaient leurs petits hippocampes lorsqu’ils en trouvaient et les gardaient pour ce commerce. S’ils trouvaient de plus gros hippocampes, ils étaient censés les donner au responsable. Mais la plupart du temps, lorsque le gérant voyait les ouvriers avec des hippocampes, il les prenait.

Fuite

La situation sur le bateau étant devenue insupportable, Vannak a donc prévu, avec quelques autres marins, de s’échapper une nuit en sautant à l’eau et en nageant jusqu’à la côte lorsque le bateau se trouvait à environ 4 ou 5 kilomètres de celle-ci. Il avait attaché une main à un récipient pour se donner de la flottabilité. Il portait aussi un couteau pour couper les filets de pêche et se protéger des requins. Avec l’aide du courant, ils ont réussi à atteindre la côte après environ 20 minutes.

Après avoir atteint le rivage, ils ont couru dans la forêt et y sont restés pendant la nuit. Le lendemain, ils ont rencontré un Thaïlandais qui les a transportés par bateau au poste de police local. Mais la tragédie ne s’est pas arrêtée là. La police les a ensuite conduits dans une palmeraie. Vannak a supposé qu’ils avaient été vendus par la police car il avait vu celle-ci accepter de l’argent de quelqu’un de la plantation, raconte-t-il.

Plusieurs mois plus tard, Vannak sera hospitalisé après avoir été agressé par un travailleur du Myanmar qui avait attaqué un autre cambodgien que Vannak essayait d’aider. À l’hôpital, en mai 2010, il est secouru par une organisation de défense des droits humains et renvoyé au Cambodge. Sa femme pensait que Vannak était mort car il n’avait contacté personne depuis plus de quatre ans.

Le dessin de Prum Vannak le montre dans un commissariat de police malaisien

Le dessin de Prum Vannak le montre dans un commissariat de police malaisien


Tournée aux États-Unis

Les auteurs Vannak et Jocelyne Pederick sont en tournée à New York (7-12 mai), à Washington DC (12-17 mai) et à Los Angeles (18-21 mai) pour promouvoir le livre.

“L’éditeur, Seven Stories, nous a donné l’occasion de venir aux États-Unis afin que Vannak puisse partager son histoire et promouvoir le livre auprès du public américain”, déclare Pederick. «Notre espoir est donc que les gens entendent son histoire et achètent le livre », indique-t-elle.

Le livre a été utilisé comme manuel dans le cadre des cours d’art et de psychologie de l’Université de Californie à Los Angeles.

“Il n’y a jamais eu de livre de ce genre auparavant. Et, c’est un livre qui est raconté par un survivant et illustré avec de nombreux détails. C’est donc une histoire tout à fait unique et nous avons été vraiment dépassés par la qualité de ce livre.”, ajoute-t-elle.

Bien que le livre ne soit disponible qu’en anglais , Vannak espère que les lecteurs cambodgiens pourront comprendre l’histoire à travers ses dessins. Pederick précise que Vannak a mis près de quatre ans pour achever les illustrations et que la publication du livre a pris plus de six ans. Elle espère pouvoir obtenir un financement ou trouver un partenaire au Cambodge pour traduire le livre en khmer dans un proche avenir.

Un dessin d'un bateau de pêche de l'artiste Prum Vannak qui a été forcé de travailler comme ouvrier esclave sur un bateau de pêche

Un dessin d’un bateau de pêche de l’artiste Prum Vannak qui a été forcé de travailler comme ouvrier-esclave sur un bateau de pêche


L’effort pour mettre fin à l’esclavage

Vannak a promis de travailler pour aider à réduire le nombre de victimes du trafic humain. Il espère que le livre aidera. À travers cet ouvrage, il souhaite mettre en garde les lecteurs sur les risques de l’immigration clandestine, la tactique sournoise des trafiquants et les expériences misérables qu’il a vécues en tant qu’esclave moderne. Il espère que son histoire arrêtera ceux qui sont sur le point de traverser la frontière illégalement.

À l’avenir, il souhaite devenir journaliste et travailler avec les victimes de la traite des êtres humains.

Bien que Vannak ait retrouvé sa liberté, le revenu de sa famille est toujours insuffisant. Il n’a pas de travail à temps plein. Il vit maintenant à Battambang avec sa famille et travaille comme artiste indépendant. Sa femme reste à la maison pour s’occuper de leurs deux enfants.

Depuis l’épreuve, il n’a jamais voulu visiter ni se rendre en Thaïlande ou en Malaisie. Il souhaite que ses deux enfants soient bien scolarisés afin d’obtenir de bons emplois à l’avenir. Ils ne seront donc pas incités à devenir un travailleur migrant sans papiers comme il l’a fait.

Avec Seourn Vathana – VOA Khmer

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