Kim Lysivning est actuellement chargée de recherche à BBC Media Action — l’organisation caritative de développement international de la British Broadcasting Corporation (BBC) — et participe à des recherches sur le climat depuis trois ans.
Elle partage ses réflexions avec Sao Phal Niseiy de Cambodianess.com sur ce qui a motivé son intérêt pour le changement climatique et aussi son point de vue sur la capacité actuelle du Cambodge à faire face aux changements environnementaux.
Sao Phal Niseiy : Tout d’abord, qu’est-ce qui a motivé votre intérêt pour la recherche sur le changement climatique ?
Kim Lysivning : La recherche a toujours été ma passion. Et je la perçois comme importante, car, non seulement je suis en mesure de rencontrer des participants d’horizons très divers pour acquérir une vaste expérience auprès de différentes personnes et apprendre d’elles, mais j’ai également la possibilité d’utiliser les résultats de recherche générés pour produire des recommandations judicieuses en vue d’un meilleur plan d’action.
Mon travail à BBC Media Action m’a permis de participer à plusieurs recherches sur le changement climatique, par exemple notre étude Climate Asia sur la façon dont les Cambodgiens vivent avec le changement climatique et le projet de recherche sur la vulnérabilité des femmes au changement climatique.
La recherche sur le changement climatique est importante, car le sujet est mondial et nous sommes tous inévitablement touchés.
« De même, le Cambodge est très vulnérable aux effets du changement climatique, car les moyens de subsistance de 79 % de la population rurale, tels que l’agriculture, la sylviculture et la pêche, dépendent principalement des ressources naturelles »
Cependant, la capacité des populations rurales à utiliser des stratégies d’adaptation aux conditions météorologiques extrêmes est encore limitée. C’est pourquoi la recherche est essentielle pour élaborer des idées fondées sur des données probantes, afin de s’attaquer au problème du changement climatique.
Je suis également particulièrement intéressée par les aspects liés au genre, car nos recherches ont montré que les femmes et les hommes sont touchés différemment, et j’aimerais continuer à étudier ces idées fructueuses afin d’aider les groupes vulnérables touchés par le changement climatique, en particulier les femmes, à s’adapter aux changements grâce à des activités de projet conforme aux résultats des recherches menées.
Sao Phal Niseiy : Parlez-nous des défis que vous avez dû relever en tant que chercheuse. Comment avez-vous réussi à y faire face ?
Kim Lysivning : Les défis sont nombreux en tant que chercheuse. Pourtant, cela m’a apporté des connaissances, des leçons et des expériences qui m’ont permis de devenir ce que je suis aujourd’hui. Tout d’abord, l’un des défis de la recherche pour moi est l’analyse des données. Pourtant, j’ai découvert de nombreux outils pour m’aider à gérer cette tâche, telle que différents cadres permettant de catégoriser une grande quantité de données et de rechercher des modèles/tendances à développer en thèmes. Deuxièmement, il est assez difficile de recruter les participants cibles, car ils sont souvent très occupés ou ne veulent pas participer. Il peut également être difficile de trouver des personnes issues de groupes vulnérables. Il est donc important de trouver un moment approprié et d’expliquer clairement les objectifs aux participants à l’étude.
« Il est également utile d’obtenir l’aide de partenaires de réseau ou de facilitateurs locaux tels que les chefs de village et les anciens respectés dans la société »
Enfin, et ce n’est pas le moins important, le travail de terrain peut parfois représenter un défi personnel. L’une des expériences que je n’oublierai jamais est d’avoir séjourné chez des villageois où la sécheresse frappe durement et où l’eau est extrêmement rare, afin d’en comprendre les conséquences pour eux. Je me suis adaptée et j’ai économisé l’eau comme le faisaient les membres de la communauté pour mieux comprendre leur mode de vie.
Sao Phal Niseiy : De votre propre point de vue, pourquoi ce projet est-il important pour la société cambodgienne ?
Kim Lysivning : La plupart des projets de recherche se concentrent sur une approche descendante. Pourtant, cette étude participative a utilisé l’approche ascendante pour obtenir des expériences de première main des membres des communautés locales et pour comprendre les impacts et les stratégies d’adaptation qu’ils ont rencontrées et utilisées. Il s’agit d’une méthodologie qui peut être reproduite dans d’autres études et qui s’avère utile dans de nombreux domaines.
Le changement climatique est une question importante pour le Cambodge, et les femmes et les hommes en ressentent différemment les impacts.
« Il est donc important d’enquêter sur les causes profondes de la vulnérabilité des personnes de sexe féminin au changement climatique, afin d’en tenir compte dans les actions futures »
Par exemple, nous avons constaté que les femmes sont confrontées à des obstacles structurels, sociaux et de ressources. Par conséquent, des recommandations autour de ces obstacles ont été produites pour les différents niveaux de parties prenantes par le biais d’une publication et d’un atelier de diffusion à mettre en œuvre dans leurs activités/projets à venir.
Sao Phal Niseiy : Tout au long de votre travail et de votre engagement dans des projets de recherche sur le climat qui visent à promouvoir la sensibilisation et la compréhension de la crise climatique, quelle est la chose que vous avez apprise et que vous vouliez mettre en évidence ?
Kim Lysivning : Une chose que j’ai apprise est que, malgré le fait que beaucoup de travail a été fait pour sensibiliser et faire connaître le changement climatique et les stratégies d’adaptation, il y a encore des lacunes dans les connaissances et les actions des populations rurales/éloignées qui sont fortement touchées par les changements climatiques. Par conséquent, davantage d’efforts et de coopération de la part de toutes les parties prenantes concernées seraient utiles pour aider à améliorer les connaissances et la réalisation des actions qui peuvent être entreprises à grande échelle.
Sao Phal Niseiy : Le Cambodge est l’un des pays les plus vulnérables et les populations sont de plus en plus touchées par les phénomènes météorologiques extrêmes. Il est essentiel de disposer de connaissances suffisantes et d'être préparé à réagir. Êtes-vous optimiste quant à la possibilité de susciter un changement ?
Kim Lysivning : Je suis optimiste quant au changement de comportement et de réponse des gens face au changement climatique, tant que les efforts des parties prenantes concernées par le travail se poursuivent. En outre, les gens agissent en fonction de ce qui est important pour eux et des choses qui comptent dans leur vie. Par conséquent, les changements climatiques ont des répercussions sur les moyens de subsistance et les personnes qui leur sont chères, ce qui peut les inciter à modifier leurs comportements : ils peuvent alors devenir des agents du changement.
Sao Phal Niseiy : En tant que chercheuse, pensez-vous que nous en avons fait suffisamment jusqu’à présent en termes d’action et d’adaptation au climat — en particulier en impliquant les femmes dans les approches visant à lutter contre la crise climatique ?
Kim Lysivning : Plus il y a de monde qui peut s’impliquer dans la détermination des approches de lutte contre la crise climatique, mieux c’est. L’une des observations que nous avons faites dans le cadre de l’étude de recherche participative sur la vulnérabilité des hommes et des femmes au changement climatique est que les normes sociales et culturelles peuvent empêcher les femmes de participer à des réunions, d’acquérir de nouvelles informations et compétences et d’accéder à un soutien approprié. Cela est dû au fait qu’elles sont responsables des tâches ménagères et des enfants et que, souvent, les femmes ne sont pas en mesure de contester les décisions de leur mari. Cela peut les empêcher de s’impliquer dans les discussions et les décisions relatives au changement climatique. Actuellement, le gouvernement et les organisations de la société civile ont mis en œuvre des stratégies et des mesures. Par conséquent, des efforts supplémentaires pour s’attaquer à ces normes seraient un facteur important pour permettre aux femmes de faire face aux risques climatiques.
Sao Phal Niseiy : En termes d’« action climatique », que voulez-vous voir à l’avenir ?
Kim Lysivning : À l’avenir, je souhaite que tous les Cambodgiens aient des connaissances sur le changement climatique, ses impacts et la capacité d’employer diverses stratégies pour répondre aux impacts des conditions météorologiques extrêmes. J’aimerais que les médias et les stratégies de communication soient davantage utilisés à cette fin, par exemple en montrant des histoires de changement de personnes réelles confrontées aux problèmes climatiques et qui surmontent les problèmes grâce à des solutions simples, peu coûteuses et efficaces aux problèmes liés au climat. Nos recherches ont montré que les gens sont inspirés et poussés à prendre les mêmes mesures en découvrant des contenus en rapport avec leur vie. Il est donc essentiel de veiller à ce que les supports de communication atteignent tout le monde, y compris les personnes n’ayant pas accès aux médias.
Propos recueillis par Sao Phal Niseiy, avec l’aimable autorisation de Cambodianess
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