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J.Pellet, Ambassadeur de France, « pour que notre présence aille au-delà de la relation historique »

Jacques Pellet déclare être un ambassadeur de France heureux, fort d’une longue et riche carrière au cours de laquelle il confie « n’avoir occupé que des postes intéressants tout au long de son parcours de diplomate ». Le spécialiste de l’Asie, de retour dans le Royaume après une première mission en 1995, entend aller plus loin que les liens historiques qui unissent le pays et l’hexagone en privilégiant quelques aspects uniques qui caractérisent la France dans le cadre de son action au Cambodge : expertise, dynamisme et spécificité.

M. Jacques Pellet, ambassadeur de France au Cambodge. Photo CG
M. Jacques Pellet, ambassadeur de France au Cambodge. Photo CG

Parcours et Défi personnel

Pourtant, le nouveau responsable de la mission diplomatique française au Cambodge ne se destinait pas tout spécialement à ce type de carrière alors qu’il achevait son cursus de l’Institut d’Études politiques de Grenoble au début des années 80. Ce seront essentiellement la curiosité intellectuelle et le besoin de défi personnel qui le conduiront à poursuivre des études de langue et civilisation chinoises à Genève puis à Pékin :

« Avec l’Institut d’Études politiques, je venais de suivre des études très intéressantes, je n’avais que 25 ans et l’envie de passer à un effort intellectuel différent. Je me suis donc lancé dans l’étude de la langue et de la civilisation chinoises. Mais, au départ, je ne connaissais que très peu de choses sur la Chine. »

Pour cette raison, à l’occasion d’un stage d’études à Pékin, le jeune étudiant décidera de se rendre à destination en train afin de prendre le temps de découvrir une partie du pays. De ce premier séjour dans l’Empire du Milieu, le diplomate relate une expérience extrêmement enrichissante, ponctuée d’anecdotes, de rencontres et d’expériences uniques.

Affaires étrangères et Cambodge

Une fois sa formation achevée et estimant qu’il est temps de mettre un terme à ses études, M. Pellet découvre les concours des Affaires étrangères.

« Je suis rentré dans la diplomatie bien que ce ne fut pas à l’époque le parcours que j’avais imaginé », confie-t-il.

Après avoir présenté et réussi le concours d’Orient, il intègre la direction d’Asie et d’Océanie du Quai d’Orsay, où il est chargé du dossier du Cambodge. Sur ces premiers pas dans la diplomatie et à propos du Royaume, M. Pellet raconte :

« D’abord j’étais très heureux d’entrer au ministère et puis, dès que vous recevez une nomination, cela attise votre curiosité »

C’était une époque très riche en évènements et, j’ai eu la chance d’être basé à Paris et de correspondre avec l’ambassadeur à Phnom Penh de l’époque, M. Le Lidec, une personnalité extrêmement généreuse, attentive et soucieuse de maintenir des contacts réguliers ».

Alors que le Royaume connaissait une situation encore instable, le diplomate ne manque pas de souligner des conditions de travail qui lui permettront de côtoyer bon nombre d’acteurs clés de la situation politique du pays.

« J’ai pu, un mois après mon entrée au ministère, participer à la visite au Cambodge de Jean David Levitte qui fut notamment le conseiller diplomatique du Président Jacques Chirac (1995-2000), et qui avait largement contribué aux succès des Accords de Paris. Lors de cette première mission en 1995, j’ai eu l’honneur d’être membre de la délégation reçue par le Roi père Norodom Sihanouk dans la salle du trône et d’y rencontrer plusieurs leaders cambodgiens d’aujourd’hui ».

Moments forts

Parmi les moments forts de cette première affectation, Jacques Pellet mentionne également sans surprise la découverte des temples du parc archéologique d’Angkor Wat lors de son séjour de 1995.

« Je m’étais rendu à Angkor Wat pour voir comment la France contribuait à la rénovation et au déminage du site. C’était le début des travaux du temple de Baphuon. J’ai eu le grand privilège de visiter les temples avec Jacques Dumarçay, un ancien élève de Bernard-Philippe Groslier. Donc, oui, ce fut un premier séjour très enrichissant ».

À propos d’autres expériences marquantes, il mentionne :

« En 1996, nous avons eu la visite du Roi Sihanouk. C’était la première visite d’Etat sous la présidence de Jacques Chirac. Ce fut un moment historique dans les relations franco-cambodgiennes. C’est également cette année-là qu’a eu lieu l’inauguration de l’ambassade de France au Cambodge. Nous avions aussi procédé à une évaluation de notre coopération militaire. Se rappeler qu’à un moment donné, nous avions jusqu’à 600 militaires français sur le sol cambodgien ».

Formation militaire et francophone

Concernant cette coopération militaire, l’ambassadeur mentionne que si aujourd’hui le nombre de conseillers militaires a très fortement diminué, les liens demeurent solides :

« À présent, d’un format beaucoup plus réduit, la coopération militaire au Cambodge reste l’une des plus importantes de la région. Notre intervention est notamment orientée vers la formation des Casques bleus. Nous dispensons des enseignements en français dans une école d’officiers, école à partir de laquelle sont recrutés ces Casques bleus. C’est un programme qui fonctionne bien avec des soldats qui partent dans des zones difficiles, francophones pour l’essentiel, pour des missions de génie militaire, très appréciées ».

Casques bleus partant pour le Mali. Photo AKP
Casques bleus partant pour le Mali. Photo AKP

Carrière et multilatéralisme

Jacques Pellet consacrera ensuite l’essentiel de sa carrière à l’Asie et aux questions multilatérales. Il deviendra consul général adjoint à Shanghai (1998-2001), puis ministre conseiller, chef adjoint de mission, à l’ambassade de France à Pékin (2013-2015).

« Il existe beaucoup d’opportunités dans la carrière diplomatique, des possibilités de parcours professionnels très différentes. Pour ma part, j’ai embrassé deux filières, l’Asie bien entendu et aussi tout ce qui concerne les affaires multilatérales, droits de l’Homme, enjeux humanitaires, de santé et autres », explique M. Pellet.

De 2006 à 2009, il sera en charge des droits de l’Homme, des affaires humanitaires et de l’UNESCO au sein de la Direction des Nations unies du Quai d’Orsay pour être ensuite nommé à Genève en tant que représentant permanent adjoint de la France auprès des Nations unies et des autres organisations internationales, jusqu’en 2013.

Après une première parenthèse en Iran, de 2002 à 2006, le diplomate intègre le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) comme envoyé personnel du Président pour les relations avec la Chine, d’abord basé à Genève (2016-2019), puis à Pékin jusqu’en mai dernier, en tant que chef de la délégation régionale du CICR pour l’Asie de l’Est.

À propos de sa mission en Iran de quatre ans, M. Pellet confie :

« Parmi les postes disponibles cette année-là figurait l’Iran. Comme nombre de Français, j’avais un grand intérêt pour ce pays. Début 2002, nous avions rouvert l’ambassade de Kaboul et le seul diplomate qui parlait pachtou, alors en poste en Iran, a dû partir pour la capitale afghane. J’ai donc ainsi pu, pendant quatre ans, occuper le poste de chargé de politique intérieure et de conseiller de presse à notre ambassade à Téhéran ».

« Je suis arrivé dans un pays que je connaissais assez peu. J’ai découvert des choses singulières : que c’était un pays producteur de riz, qui abritait l’une des plus grandes populations de nomades au monde ! C’est une région extraordinaire »

Vous savez, dans la vie diplomatique, c’est parfois compliqué, il arrive que vous soyez affecté dans le pays de vos rêves, mais parfois les conditions de travail peuvent ne pas vous permettre d’en profiter pleinement, une alchimie est nécessaire.

En Iran, j’ai travaillé avec une équipe extraordinaire, ce qui a contribué à rendre cette expérience unique. Le pays est aussi d’une beauté incroyable et les habitants sont très accueillants. C’est une terre d’histoire, de poètes, d’écrivains et de musiciens remarquables vers laquelle je retournerais volontiers en tant que visiteur.

Téhéran. Photo Dara Zarbaf (cc)
Téhéran. Photo Dara Zarbaf (cc)

Il y existe encore une francophonie assez présente dans la vieille génération, car avant 1979, le plus grand lycée français hors de l’hexagone se trouvait à Téhéran. »

À propos de son expérience au CICR qu’il rejoint en 2016, M. Pellet raconte :

« Le président de l’organisation cherchait un diplomate pour élargir le dialogue avec la Chine sur les enjeux humanitaires à travers le monde. C’était très intéressant, car le CICR n’est pas seulement une entité qui met en œuvre des actions et programmes humanitaires, c’est aussi l’organisation gardienne du droit international humanitaire. Nous avions donc beaucoup de sujets à évoquer avec les Chinois, y compris les défis à relever dans les principales zones de conflits.

Après cinq années passées au CICR, j’ai décidé de revenir au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et ai postulé le poste d’ambassadeur au Cambodge.

Le Cambodge, 26 ans après

« J’ai toujours gardé ce pays dans mon cœur. J’y suis d’ailleurs revenu en visite touristique en 2015 avec mon épouse. Évidemment, le Cambodge a beaucoup changé. Quand vous travaillez à nouveau sur un pays après 26 ans, il faut être prudent, ne pas rester sur ses anciennes impressions », confie Jacques Pellet, ajoutant qu’il se déclare ravi de revenir à Phnom Penh dans un contexte de réouverture et d’allègement des restrictions. Impressions qu’il confiera lors de son discours à l’occasion du vernissage de l’exposition Hydro, premier évènement culturel français se déroulant après la fin des restrictions sanitaires.

« Mon retour 26 ans après constitue bien sûr un moment émouvant, c’est avec le Cambodge que j’ai débuté ma carrière »

Concernant les priorités, le nouvel ambassadeur de France au Cambodge mentionne bien sûr les rencontres prévues avec la communauté française et les chefs d’entreprises, une démarche diplomatique habituelle, mais qu’il entend inscrire dans un contexte de promotion accrue de la « visibilité de la présence et de l’offre françaises dans le Royaume ».

« Il est vrai qu’il existe une relation historique qui a cimenté des liens privilégiés entre les deux pays au cours des années, mais l’histoire n’est pas, loin s’en faut, le seul leitmotiv et la seule vitrine de notre présence au Cambodge. Le Royaume accueille une communauté d’affaires française importante, très dynamique et bien introduite auprès des instances gouvernementales dans les domaines économique et social. Au travers de différents organismes comme l’AFD, le CIRAD, l’IRD, l’Institut Pasteur et autres, notre présence ici est significative et très appréciée dans de nombreux domaines, notamment en termes d’expertise. Le Lycée Français René Descartes est également un extraordinaire instrument d’influence.

À l’occasion du vernissage de l’exposition Hydro. Photo CG
À l’occasion du vernissage de l’exposition Hydro. Photo CG

Aussi, il me semble essentiel de considérer le Cambodge comme un pays important qui occupe aujourd’hui une place plutôt privilégiée dans un contexte géopolitique en profonde mutation. N’oublions pas que le Royaume assumera l’an prochain la présidence de l’ASEAN », au moment où la France présidera elle-même l’Union européenne, souligne l’ambassadeur.

« En plus de nos entrepreneurs, de nos volontaires internationaux, de nos enseignants, nous avons des spécificités, des expertises qui sont reconnues, toute une série de chercheurs à demeure ou intervenant dans beaucoup de secteurs comme, l’irrigation et l’eau potable, la santé environnementale, les maladies infectieuses ou l’agriculture, c’est là que notre présence est significative et notre valeur ajoutée reconnue »

Parmi les priorités des semaines qui viennent, M.Pellet mentionne également des rencontres avec les alumni, en particulier ceux du secteur médical, une visite à Siem Reap avant Noël pour y rencontrer la communauté française très affectée par les conséquences de la pandémie de Covid-19, les responsables de l’Apsara, l’autorité en charge de la sauvegarde et du développement du site d’Angkor, et les autorités locales et provinciales.

Autre point qui lui tient à cœur, un évènement dédié au Père Ponchaud qui quittera définitivement le Royaume à la mi-décembre 2021.

Intérêt pour la culture comme pierre angulaire de la paix au Cambodge

« Dans le cadre de la célébration récente du trentième anniversaire des accords de Paris que nous avons déjà mentionnés, j’ai présidé peu de temps après mon arrivée à une vidéo une visioconférence de deux heures —sur le thème de la sauvegarde du patrimoine au service de la paix. Il s’agissait de mettre en lumière ce que l’expérience cambodgienne avait apporté au monde et comment le processus de paix avait été confortée par des actions fortes dans le domaine de la protection du patrimoine cambodgien.

Il y a eu à cet égard une chronologie tout à fait parlante : d’abord le processus de paix des années 98-91, puis quasiment au même moment, le roi Sihanouk qui demande l’inscription du site d’Angkor sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (1992). En 1993 se déroule la conférence de Tokyo, première conférence intergouvernementale pour la sauvegarde et le développement d’Angkor avec, pour ce faire, la création du comité international de coordination (CIC), et enfin, en 1995 nous assistons à la création de l’Apsara déjà mentionnée.

Les questions patrimoniales se sont avérées primordiales pour la réunification du pays et pour la reconstruction de son identité. C’est en quoi le processus de paix au Cambodge est un exemple qui a inspiré ultérieurement la communauté internationale.

L’idée était de dire que l’expérience du processus de paix relayée et appuyée par des actions fortes au niveau du patrimoine cambodgien avait assez bien fonctionné.

Trente ans après, nous continuons de co-présider avec les Japonais le CIC.

Sur le plan des échanges culturels et de l’enseignement de la langue, nous disposons avec l’Institut français du Cambodge (IFC) d’un instrument sans équivalent dans le pays et je me réjouis qu’il puisse progressivement être à nouveau accessible au public.

Meilleurs souvenirs

Enfin, pour conclure, l’ambassadeur mentionne qu’il occupe aussi une fonction lui permettant de rencontrer beaucoup de monde et donc parfois de faire des rencontres marquantes et de conserver de beaux souvenirs.

« J’ai eu la chance d’avoir occupé des postes intéressants tout au long de ma carrière. Ensuite, c’est vrai qu’il y a des moments forts dont on peut se rappeler en priorité »

À titre d’exemple :

« Quand on a négocié pendant des années la « Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées » (New York, 20 décembre 2006) et que tous les membres de l’assemblée générale des Nations unies et les représentants de la société civile se sont levés unanimes pour applaudir pendant plusieurs minutes à l’adoption de cette convention au siège des Nations unies, à New-York, ce fut effectivement un moment extrêmement intense et émouvant. Je le souligne encore une fois, cette convention voyait le jour après trente ans de négociations initiées grâce aux familles de disparus, chiliennes et philippines à l’origine, qui ont travaillé d’abord dans l’indifférence puis qui sont parvenues à mener leur combat jusqu’au bout, avec une reconnaissance internationale ».


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