Nous voici sur la route nationale 6, juste après le Spean Thmor, le « pont de pierre », qui enjambe la rivière au niveau de la résidence royale et qui se déroule vers le Psah Loeu, le grand marché du nord. A droite, au niveau du panneau sur lequel est indiqué « barber », part la rue Wat Bo qui se poursuit jusqu’à la pagode Damnak. Ces deux images illustrent à merveille le bouleversement qu’a connu Siem Reap en une vingtaine d’années, passant de petite bourgade bucolique à une ville bourdonnante et bruyante.
Siem Reap d’hier et d’aujourd’hui : La route nationale 6
La première image date de 1995 ou 1996. A quelques kilomètres de là, le marché « d’en haut » marquait peu ou prou la limite nord de la ville de Siem Reap. Là, la route bitumée (mais en fort mauvais état) s’arrêtait et laissait la place à une piste défoncée qui partait vers les temples des Roluous et plus loin vers la bourgade de Damdek. En 1996 il ne faisait pas bon quitter la ville et Damdek n’était accessible qu’en convoie, escorté de militaires. Toutes les routes qui quittaient Siem Reap étaient d’ailleurs tout aussi dangereuses : les Khmers rouges étant encore actifs dans la région. On ne rejoignait d’ailleurs la cité des temples qu’en bateau depuis Phnom Penh ou Battambang et en avion.
Christopher Howes
En mars 1996, Christopher Howes, un démineur anglais de 37 ans travaillant pour l’ONG MAG était kidnappé à une trentaine de kilomètres d’Angkor, dans la région de Banteay Srey, avec son traducteur, Houn Hourth. Les deux furent assassinés par leurs bourreaux peu de temps après. Il fallut attendre 2011 pour que les assassins (qui étaient devenus entre temps des personnalités locales importantes) furent jugés et condamnées à 20 ans de réclusion criminelle. En hommage, la rue 96 à Phnom Penh qui longe le Lycée Descartes fût rebaptisée rue Christopher Howes. Le jour où l’administration de la cité des temples se penchera sur l’urgent dossier des noms de rues, l’une d’elle devrait, ici aussi, porter le nom de celui qui a donné sa vie pour le Cambodge et les Cambodgiens. Il aurait en effet échangé sa liberté contre celle de son équipe.
Bref, à cette époque, la piste qui reliait Siem Reap à Kompong Thom était alors classée en rouge et aucun étranger ne s’y aventurait, même en journée. D’ailleurs, elle n’était pas vraiment praticable hormis en saison sèche. En 2000 il fallait encore compter une bonne douzaine d’heures en voiture pour effectuer le trajet entre Phnom Penh et la cité des temples.
Siem Reap d’hier et d’aujourd’hui : La route nationale 6
Mais revenons à la ville
On le voit sur la deuxième image (prise vers 2015) les maisons en bois qui bordent l’avenue ont été remplacées par des immeubles en dur et la végétation a entièrement disparu. L’année passée l’avenue a été beaucoup élargie (elle est passée à deux fois deux voies séparée par un terre plein central) comme on le voit sur la dernière image, et les habitants ont été sommés de reculer leurs maisons s’ils le pouvaient ou tout simplement de les détruire ou de les raboter. Car, au fil des ans, les habitants avaient gagné sur la route, en construisant sous les auvents qu’ils avaient jadis ajouté pour protéger leurs devantures.
Wat Bo
Quant à la rue Wat Bo, elle était jadis une rue aussi populaire que l’est aujourd’hui la rue Sok San située en centre-ville. En effet, au début des années 2000 c’est là que se trouvaient nombre de guesthouses et de restaurants prisés par les premiers voyageurs sac à dos. Les établissements étaient typiques, souvent des maisons en bois avec des jardins ombragés. La Garden house, tenue par un gentil papi francophone était l’une d’elle. Au bout de quelques années, toutes ces maisons traditionnelles ont été rasées par leurs propriétaires qui ont construit à la place des cubes de béton sans charme. La Garden house a gardé le nom mais le « garden » et la « house » ont disparu, remplacés par un immense bloc et avec lui le charme si particulier de cet endroit…
Premier hôtel de charme
Le quartier de Wat Bo était un peu l’équivalent de Boeung Keng Kong pour Phnom Penh. On y trouvait des sièges d’organisations humanitaires et surtout des belles maisons où résidaient les premiers expatriés. C’est également ici qu’une architecte franco-cambodgienne et son mari ont construit le tout premier hôtel de charme de la ville, de superbes bungalows de bois autour d’un étang artificiel ainsi que le premier théâtre de danses traditionnelles. On trouve également le long de cette rue la pagode éponyme, l’une des plus belles et des plus ancienne de la ville avec ses peintures murales très bien conservées datant du 19ème siècle. Et, chose très rare pour un temple bouddhiste, des peintures relatant l’histoire d’amour entre Rama et Shita, issue du Ramayana, la mythologie hindoue… F.A.
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