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Chronique : Mes chers parents, do you speak Google translate ?

« My friend you, him speak me same same no good. Me no like ».

Cette phrase, tout le monde, ou presque, l’a déjà entendue. Et d’autres dans ce style si particulier qui est à l’anglais ce que le Canada Dry est à l’alcool. Cet ersatz, cette novlangue de substitution, est celle de tous ceux qui, assis sur un trottoir en guise de banc d’école, n’ont eu que la rue comme tableau noir. Il ne s’agit à que d’un des nombreux exemples de ce nouvel idiome dérivé de l’anglais, ce monstre de langue enfanté par la mondialisation des échanges, et qui a donné le célèbre slogan que l’on retrouve désormais imprimé sur des T-Shirts : « Same same but different » !

Mes chers parents, do you speak Google translate ?

Mes chers parents, do you speak Google translate ?


Cet anglais qui n’en est pas

Le Cambodge est certainement le pays où l’on parle mieux anglais en comparaison avec d’autres pays de la région. Mais il reste encore de nombreux cas où cet anglais n’est pas vraiment de l’anglais. En devenant la langue universelle des échanges, il était normal que la langue de Shakespeare y laisse des plumes. On pardonne ainsi à ceux qui n’ont pas eu d’autres choix que celui de prendre en marche le train de l’uniformisation, avides qu’ils étaient de participer, eux aussi, au grand carnaval de la communication universelle. Ils se sont adaptés comme ils ont pu, avec les mots qu’ils ont pu. Tout le monde n’a pas la chance de s’appeler « My fair lady »…

Ainsi, cet anglais de rue s’est rapidement retrouvé sur les enseignes dans les rues, sur les menus des restaurants locaux partout au Cambodge et ailleurs en Asie. Les « french fries » deviennent ainsi les « french fried » et les « soup of the day » des « that day soup ». Dans un spa très chic d’un hôtel de luxe de la ville de Siem Reap, des petits panneaux sont accrochés aux poignées de portes des salles occupées indiquant de très charmants « occupy »…

« No smoking to stay in room »

Les règlements affichés derrière les portes des chambres de guesthouses bon marchés sont toujours une succession de phrases incompréhensibles telles que : « Customer not to create obsesses to reach Other than ». Ou encore : « No smoking to stay in the room » pour la plus facile à déchiffrer. Des joyeusetés que l’on doit à Google translate totalement incapable de traduire correctement un mot de khmer alors qu’il y arrive parfaitement avec le thaïlandais. Et pourtant, tous ces textes et menus imprimés en anglais ne sont que des copier-coller de ces traductions absurdes. Personne n’a jamais demandé à un natif anglo-saxon de jeter un oeil et de corriger le cas échéant avant de passer chez l’imprimeur. Sur facebook, des groupes s’amusent à publier ces incohérences. Et elles sont nombreuses !

Mais, à voir le peu de cas que font de la langue écrite les Anglo-saxons eux-mêmes, on peut penser que les personnes censées donner l’exemple sont, sinon responsables, du moins complices de cet inexorable déclin.

Le massacre des mots

Il n’y a qu’à, pour s’en convaincre, lire les titres des articles publiés à Phnom Penh dans nombre de journaux en langue anglaise. Où plutôt les déformations imposées aux mots couchés sur le papier. Une coutume, semble-t-il courante dans le monde de l’Oncle Sam, consiste à couper tout ce qui dépasse. Feu le quotidien Cambodia Daily était devenu expert en titre incompréhensibles tellement prompt à donner des coups de ciseaux à tous les mots dont le seul défaut était celui de ne pas rentrer dans la colonne du titre. Comment peut-on imaginer en français, écrire « S’nouk » à la place de Sihanouk, d’imprimer « PM » à la place de Premier Ministre ou encore d’écrire « B’bang » à la place de Battambang. Ainsi, le « Roi Norodom Sihanouk rencontre le Premier ministre à Battambang » donnait en anglais : « S’nouk meets PM in B’bang » ! Question de place et tellement pratique pour les uns d’autant que ces mots martyrisés retrouvent automatiquement leur parties amputées dans le corps de l’article. Ces défenseurs des raccourcis ne voient pas tout le mal symbolique qu’il y a à trancher dans le vif, à dynamiter quelques lettres afin de caser le tout dans un espace réduit.

Salut à vous les Reapers !

La presse française ne commettra jamais de tels crimes de lèse-mots. Pour deux raisons : la France aime trop les belles lettres pour leur faire du mal, d’autant que des institutions immortelles veillent au respect des traditions. Et la seconde : le mot étant la représentation d’une personne ou d’une chose, l’écorcher revient à manquer de respect à la personne où à la notion qu’il représente. La presse en langue anglaise dans le royaume ne fait pas que raccourcir les mots qui composent sa titraille ; elle se permet d’en kidnapper certains sans raison apparente. Ainsi, parce que cela est « fashion », en anglais dans le texte, certains magazines s’amusent à rebaptiser les villes du Cambodge. La capitale devient « The Penh » et Siem Reap perd son Siem pour « The Reap ». Les habitants sont donc des « Reapers ». Et pourquoi pas « The York « sans son New et « The San » sans son Francisco ?

« A la lecture de l’article ‘What’s up in the Penh’, je me suis demandé qu’est ce qu’il pouvait bien y avoir au-dessus du stylo avant de réaliser qu’en anglais, le stylo, the pen, ne prenait pas de « h » à la fin. Et bien non, ils avaient seulement remplacé Phnom Penh par The Penh, ce qui représente une économie de temps non négligeable, il est vrai », s’amusait un ardent défenseur de la langue française qui avait décidé, en réaction à ce massacre, d’appeler désormais cette nouvelle langue « le Poken », une distortion « à l’anglaise » d’English Spoken…

Reapers et Poken, à b’tôt ! Frédéric Amat

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