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Chronique : Mes chers parents, avoir 20 ans au Cambodge aujourd’hui

Dernière mise à jour : 2 déc. 2019

La génération actuelle est issue du baby boom qui a suivi la mort de Pol Pot, en avril 1998. Elle n’a jamais connu la guerre. Ils sont Khmers. Ils ont 20 ans, tout juste. Et leur vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Mes chers parents, avoir 20 ans au Cambodge aujourd’hui

Mes chers parents, avoir 20 ans au Cambodge aujourd’hui


Jeunes des champs et jeunes des villes

Il n’existe pas « une » jeunesse cambodgienne. Mais plusieurs ! Le large fossé qui sépare la ville de la campagne a pour conséquence qu’un enfant né dans les rizières n’a pas grand-chose en commun avec celui qui a grandi dans une grande ville.

Parce qu’ils n’ont rien appris d’autre que les travaux des champs, la majorité des jeunes gens arrivés à la capitale avec l’espoir d’un avenir meilleur n’ont rien d’autre à vendre que leur force. La plupart des garçons, mais pas seulement, seront manœuvres sur les innombrables chantiers de la ville et des environs. Et beaucoup de filles parviennent à se faire embaucher dans les usines textiles qui pullulent aux abords de Phnom Penh.

D’après les chiffres officiels il y avait, en 1995, six usines de textile qui employaient quelque milliers d’ouvriers. On en recense aujourd’hui 780 de plus qui regroupent pas moins de 700 000 personnes. Leur salaire, qui n’était que 40 dollars US dans les années 1990, a augmenté progressivement suivant l’inflation. Le gouvernement vient de le fixer à près de 200 dollars mensuel pour l’année prochaine. L’argent qui reste, une fois déduit les frais, le loyer, les déplacements, l’électricité, et la nourriture, est souvent envoyé à la famille en province.

Ces ouvriers du textile ou du bâtiment croisent sans les voir les jeunes citadins sur leurs motos ou 4×4 flambants neufs. Deux univers qui n’ont en commun que leur âge. Il y a quelques mois, le terrible accident entre une voiture de luxe conduite par une jeune fille riche et une moto sur laquelle se trouvait une enfant pauvre et méritante, avait ému tout le pays. Car, il était symptomatique de cette jeunesse à deux vitesses.

Ils n’ont jamais connu la guerre

Si ces jeunes n’ont pas connu la guerre, il n’en reste pas moins que leurs parents ont grandi dans la peur. Les horreurs des conflits successifs durant toutes ces années ont entraîné une chaîne de traumatismes pour ces enfants devenus parents. Le passé a modelé le présent, mis en graine la structure sociale actuelle : la survie quotidienne, la débrouille égoïste dans l’enceinte du clan où la famille passe avant les valeurs morales et cette singulière indifférence face à la mort, sont des habitus que la modernité mettra du temps à effacer.

S’ajoute à cela un formidable respect du pouvoir, une fatalité à toute épreuve. La vie de tous les jours est régie par des relations de pouvoir et donc d’argent. Les classes défavorisées, c’est-à-dire la majorité, obéissent aux décisions d’une minorité. Les jeunes filles des campagnes trouvent rapidement un travail comme femme de ménage dans des foyers de citadins de classe moyenne et bien entendu aisée. Ce sont très souvent des lointaines petites cousines qui sont embauchées ainsi. Elles seront logés et nourries et leur salaire ne sera pas important. Mais elles seront casées dans un environnement sain. En général, leur éducation s’est arrêtée lorsqu’elles ont su lire et écrire.

Pris entre deux feux

Sur le plan culturel, les jeunes sont pris entre deux feux. Le Cambodge cherche dans ses cendres les restes de sa culture, fondement nécessaire à toute renaissance. Les dirigeants clament haut et fort la nécessité de sauvegarder cette « identité culturelle khmère », pourtant en pleine hémorragie. A 20 ans, si l’on s’affirme khmer et que l’on cherche les références permettant de confirmer cette identité, la chose n’est pas aisée. Les livres en khmer sont très peu nombreux et les programmes scolaires ne laissent qu’une mince place à la culture.

Les anciens qui savaient sont tous morts ou presque et les spectacles traditionnels de moins en moins nombreux. Surtout dans les campagnes. La culture étrangère gagne partout du terrain. Elle s’engouffre dans les télévisions avec les séries sirupeuses bon marchés « made in Thaïland » ou surtout, venues d’Inde. Elle dicte la mode vestimentaire et transforme peu à peu les habitudes alimentaires. Certes, les jeunes sont les plus ardents défenseurs de la tradition, mais son poids pèse parfois lourd lorsqu’on a 20 ans dans une ville ouverte sur l’Occident et sur ses marques.

L’éducation en question

Pour poursuivre ses études à l’université il faut un minimum de moyens et surtout un hébergement dans une grande ville. De brillants élèves mettent donc fin à leur cursus après le bac pour des raisons financières. Dans le primaire loin des villes, les classes sont généralement surchargées et le niveau des professeurs pas suffisamment élevé. Les classes fonctionnent toujours sur le modèle du par cœur. Les élèves n’ont pas à réfléchir, juste à répéter. Aucune éducation n’est donnée sur l’environnement ou la sécurité routière.

A leur sortie de cours, les enfants achètent des boissons servies dans des gobelets en plastique avec une paille. Ils jetteront ensuite le contenant sur le bord de la route sous le regard des adultes qui ne leur feront aucun reproche. Ces mêmes parents qui viennent les chercher sur leur moto sans casque où s’ils en ont un, oublient d’en mettre sur la tête de leurs enfants…

Si dans les villes tout est allé très vite ; le Cambodge profite de la paix et de la modernité qui lui est offerte ; dans les campagnes c’est une autre histoire. Certes le développement est en marche, mais il se déplace encore lentement. A trente kilomètres de Siem Reap, sur la route qui mène en Thaïlande, les policiers contrôlent la vitesse des véhicules avec des radars connectés. Or, dans les rizières alentours, les maisons de bois n’ont encore ni eau courante ni électricité. Et la plupart des enfants de ces paysans n’iront certainement jamais au collège.

Soixante et dix pour cent des Cambodgiens ont moins de 35 ans !

Leur destin personnel et l’avenir de ce pays sont les deux faces d’une seule et même médaille… Et elle est entre leurs mains !

A bientôt, Frédéric Amat

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