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Archive & Changement climatique : Pour les jeunes Cambodgiens, il est temps d’agir

Au Cambodge, pendant de nombreuses années, le changement climatique a été considéré comme un phénomène généré en Occident, et qui ne pouvait donc pas ou peu affecter un pays de la taille du Cambodge. Cette perception évolue lentement, en particulier chez la jeunesse cambodgienne qui prend enfin conscience du lien entre la protection de l’environnement et le changement climatique. Entretiens croisés avec les Cambodgiens Lim Kimsor, Monorom Tchaw et Sok Lak.

Qui sont les interviewés ?

Lim Kimsor
Lim Kimsor

Lim Kimsor (LK) travaille pour l’ONG Mother Nature. Son travail consiste à éduquer les communautés et à autonomiser les femmes. Elle organise également des ateliers et des sessions de formation sur les questions environnementales.

Monorom Tchaw
Monorom Tchaw

Monorom Tchaw (M) travaille en tant que coordinatrice dans le restaurant Farm to Table. Elle s’occupe de la responsabilité sociale de l’entreprise et organise également des événements. Elle tente de créer une communauté autour du concept de Farm to Table.

Sok Lak
Sok Lak

Sok Lak (SL) est co-fondateur de la bibliothèque universitaire. Il travaille principalement sur la sensibilisation des jeunes aux enjeux environnementaux.

Interview

Comment la société cambodgienne réagit-elle au changement climatique et aux problèmes qui en découlent ?

M : Peu de gens sont éduqués sur ce sujet. La bonne nouvelle, cependant, est qu’il y a beaucoup de jeunes au Cambodge ; 70 % de la population a moins de 30 ans, et beaucoup d’entre eux commencent à se sentir concernés. C’est une tendance à la hausse.

LK : Au Cambodge, trop peu de citoyens se soucient du changement climatique. En outre, il existe de nombreux autres problèmes fonciers, et généralement peu de gens se mobilisent.

SL : Le problème est que le niveau d’éducation des jeunes est encore faible ; selon un rapport de l’OCDE, 46 % des jeunes sont sous-éduqués et, par conséquent, la plupart des gens ne possèdent que des connaissances limitées sur des questions telles que le changement climatique. L’une des raisons est que certains citoyens n’en sont pas encore vraiment conscients, tandis que d’autres supposent que ce n’est pas vraiment une menace. Ils pensent que c’est simplement un changement naturel et n’agissent pas. Si nous pensons à la perspective économique, certains Cambodgiens commencent à s’inquiéter, car ils doivent dépenser plus d’argent pour les soins de santé. Un autre aspect est qu’une partie de la population dépend de l’agriculture et le secteur a récemment éprouvé de grandes difficultés pour irriguer les cultures. Ainsi, la prise de conscience augmente pour des raisons économiques.

LK : Aujourd’hui encore, j’ai rencontré des gens le long de la rivière qui ont des problèmes avec l’utilisation de l’eau à cause du dragage de sable. Auparavant, ces gens utilisaient l’eau du fleuve, mais maintenant ils doivent acheter de l’eau potable. Il y a aussi du dragage de sable le long de la côte, ce qui a un impact conséquent sur les forêts de mangroves et la faune marine.

Quel type de stratégies appliquez-vous face au changement climatique ? Comment les gens peuvent-ils devenir actifs s’ils ne sont pas suffisamment informés ?

LK : Avec les communautés, nous essayons d’arrêter le dragage de sable. Nous tentons également d’éduquer les gens sur la façon de se débarrasser de leurs déchets, car beaucoup ne savent pas comment procéder de manière écologique. Nous produisons des vidéos et fournissons ainsi des informations.

SL : Nous travaillons avec la bibliothèque pour rendre les informations et les connaissances plus accessibles, en particulier pour les plus jeunes. Nous essayons également de les encourager à lire sur l’environnement. Un autre point est que nous tentons de sensibiliser à l’importance de l’éducation afin de mieux appréhender les problèmes environnementaux. Nous coopérons avec des organisations internationales afin de relier les connaissances internationales aux connaissances locales pour les sensibiliser davantage.

M : Chez Farm to Table, nous essayons de promouvoir davantage de produits saisonniers et de trouver plus de ressources locales. De plus, nous tentons de réduire l’utilisation du plastique, par exemple en utilisant des verres fabriqués à partir de matériaux recyclés ou des pailles métalliques. De plus, nous promouvons des produits respectueux de l’environnement. Nous créons également des événements autour des questions environnementales, comme des réunions avec notre personnel pour les éduquer sur ce sujet.

La jeune génération réagit-elle différemment au réchauffement climatique ?

LK : Ils le font parce qu’il se passe beaucoup de choses via les réseaux sociaux. Nous rencontrons de nombreux problèmes lors de la promotion de nos projets, mais les médias sociaux sont très utiles pour atteindre un public. Par exemple, nous faisons des vidéos sur la corruption au Cambodge pour aider à y mettre un terme et publier ces informations sur les réseaux sociaux. Nous organisons également des ateliers et invitons les jeunes à se joindre à eux et à leur expliquer ce que nous voulons faire. Les générations plus âgées qui ont vécu la guerre au Cambodge sont moins sensibles aux problèmes environnementaux d’aujourd’hui. Ils en savent plus sur les drames survenus à l’époque.

La question que nous devons nous poser est : « Comment pouvons-nous améliorer la qualité des connaissances pour les jeunes générations sur le long terme ? »

M : Bien sûr, la jeune génération est beaucoup plus sensible à ce sujet. Je pense que l’environnementalisme est aussi un sujet très nouveau. Les générations plus âgées des campagnes ont dû vivre avec peu dans les années 1970 et sont donc plus susceptibles d’accepter le matérialisme, car c’est tout ce qu’elles connaissent. Donc, je ne crois pas que ce soit vraiment la faute des personnes âgées de ne pas être vraiment préoccupées par ce sujet. De plus, lorsque l’économie cambodgienne s’est ouverte dans les années 1990 et 2000, beaucoup d’objets en plastique ont été utilisés. C’est un problème relativement récent.

Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir activiste ?

SL : Nous sommes conscients que les développements actuels ne sont pas assez positifs. D’un point de vue économique, nous devons maintenant dépenser beaucoup d’argent pour les ressources naturelles telles que l’eau. Nous devons également dépenser davantage pour les soins de santé en raison de la pollution. Il est temps de prendre des mesures. Quand j’ai étudié à l’université, j’ai rassemblé beaucoup de nouvelles connaissances sur le développement économique et la protection de l’environnement. J’ai pris conscience que si nous n’agissons pas, nous vivrons rapidement dans un monde très dégradé.

LK : Pour moi, cela a commencé avec le sujet des investissements au Cambodge. Aujourd’hui, le gouvernement accueille de nombreux investisseurs étrangers. Je souhaiterais que les populations soient plus consultées au sujet de ces investissements, que l'aspect environnemental fasse l'objet de plus d'attention.

Le modèle économique moderne demande aujourd’hui à la population d’être performante et focalise sur l’épanouissement individuel en prônant l’enrichissement personnel

M : Je ne me considère pas comme une activiste. J’ai commencé à m’intéresser à l’environnement d’un point de vue économique. Avant, je m’intéressais à la microfinance et c’était une question d’argent. Puis j’ai réalisé qu’il ne s’agissait pas du tout d’argent. Aujourd'hui, il nous devons parler de ressources. C’est à ce moment que je me suis documentée sur les ressources naturelles.

Après cela, j’ai commencé à comprendre qu’il était important d’examiner la façon dont nous partageons ces ressources entre les êtres humains. Par la suite, j’ai commencé à m’intéresser vraiment à la gestion des déchets parce que je pense que la façon dont vous les traitez reflète aussi la façon dont vous vous traitez vous-même. En ce moment, je pense que nous ne gérons pas vraiment correctement les déchets, il faut des initiatives.

Quels problèmes avez-vous rencontrés avec votre travail ?

M : Il est assez difficile de comprendre si quelque chose est exempt de produits chimiques ou non. Il y a peu de transparence à ce sujet, ce qui rend la sélection plus difficile. De plus, les sujets environnementaux sont parfois trop contraignants pour certaines personnes.

LK : Pour moi, parce que je suis une activiste et que je fais surtout campagne contre l’accaparement des terres, il est très difficile de travailler avec les communautés. Si je veux organiser un atelier, ou simplement éduquer les gens, parfois les autorités ne nous le permettent pas. Il arrive aussi que lorsque nous allons dans les forêts pour protéger les arbres, nous ne soyons pas autorisés à y entrer. Les fonctionnaires interdisent souvent les ateliers ou les réunions si nous n’avons pas d’autorisation officielle.

SL : Le grand défi pour moi est la connaissance limitée des gens. La plupart d'entre eux connaissent très peu les problèmes, car ils ne disposent que d’informations générales et ne regardent pas en profondeur des fléaux comme la pollution. Le système éducatif est également problématique, car la plupart des enseignants n’ont que des connaissances limitées ou dépassées dans ce domaine. La question que nous devons nous poser est : « Comment pouvons-nous améliorer la qualité des connaissances pour les jeunes générations sur le long terme ? ».

Souvent, les gens se présentent, écoutent et comprennent ce que nous disons. Cependant, quand ils partiront, ils ne changeront pas leurs habitudes

Pourquoi pensez-vous qu’il n’y a pas plus de Cambodgiens impliqués dans la lutte contre le changement climatique ?

M : Je pense que, comme dans la plupart des pays, ce n’est pas une grande priorité. Lorsque nous avons eu un briefing sur le Cambodge, en France, en 2015, tout le monde a applaudi et a réagi positivement, mais en réalité, rien n’a été fait. Ils ont discuté des problèmes, mais rien ne s’est produit. La façon dont nous percevons l’économie, à savoir qu’elle a besoin de croître, rend très difficile la réalisation des objectifs environnementaux. La croissance est trop rapide pour se connecter aux rythmes de la nature.

SL : Je pense que peu de gens luttent contre le changement climatique parce que ceux qui ont beaucoup d’argent et de ressources, et qui pourraient donc faire la différence, ne représentent que 1 à 5 % de la population. De plus, le changement climatique est un problème à long terme, et beaucoup se soucient de leur propre génération, mais pas suffisamment de la suivante.

M : Le modèle économique moderne demande aujourd’hui à la population d’être performante et focalise sur l’épanouissement individuel en prônant l’enrichissement personnel. Ce n’est pas seulement un problème Cambodgien, je pense que c'est la même chose ailleurs dans le monde.

LK : Beaucoup pensent que le changement climatique n’est pas si important, que le problème sera facile à régler. D’autres ne sont pas suffisamment éduqués pour comprendre la gravité du problème. Ils n’ont pas la capacité de lutter contre cela. Nous organisons de nombreux ateliers et expliquons comment participer à la cause. Cependant, en raison de leur faible niveau d’éducation, ils ne savent toujours pas comment lutter activement contre le changement climatique.

Souvent, les gens se présentent, écoutent et comprennent ce que nous disons. Cependant, quand ils partiront, ils ne changeront ni leurs habitudes ni leur comportement.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

LK : Il est très difficile de sensibiliser les Cambodgiens au changement climatique, mais nous essayons toujours de diffuser un maximum d’informations. Même si nous ne pouvons pas faire prendre conscience aux gens de tout, nous pouvons au moins améliorer la perception. Beaucoup de Cambodgiens ne savent pas comment éliminer proprement les déchets, mais nous avons des ateliers pour leur apprendre à le faire correctement. Nous travaillons très dur pour cela.

SL : Lorsque les gens ont un niveau d’enseignement supérieur, ils prennent conscience des problèmes à long terme, en particulier pour l’environnement. Nous encourageons donc les jeunes à s’instruire. Nous avons besoin d’eux pour nous aider, car c’est un très gros défi.

CG & Avec la Fondation Heinrich Böll

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