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Cambodge : L’École Française d’Extrême-Orient, une institution bien dans son siècle

Dernière mise à jour : 21 avr. 2021

Depuis la création, en 1907, de l’antenne siemreapoise de l’EFEO, cette dernière n’a cessé d’apporter des contributions majeures à la connaissance de la civilisation khmère. Si l’époque des pionniers, dont les noms prestigieux résonnent encore, est révolue, les missions de l’EFEO demeurent tout aussi primordiales et s’intéressent à des domaines particulièrement variés.

Tour d’horizon de quelques-uns des projets en cours en compagnie de Brice Vincent, à la tête de l’EFEO Siem Reap depuis septembre 2019.

Un havre de verdure, au bord de la rivière. Des arbres, dont certains d’essence rare, ombragent l’hectare occupé par cette enclave dédiée au savoir. « Jean Boulbet, qui a beaucoup œuvré pour la sauvegarde des temples, était aussi un ardent défenseur de la nature. C’est lui qui a planté la majeure partie de ces arbres. D’autres témoignages de sa présence, plus incongrus, peuvent encore se voir, tel le bassin en béton situé en face et qui servait d’abreuvoir aux animaux qu’il avait recueillis. Parmi eux, des tigres et un éléphanteau ! »

Quelques pensionnaires recueillis par Jean Boulbet
Quelques pensionnaires recueillis par Jean Boulbet

Une institution de premier plan

Jean Boulbet fait partie de ces personnalités hors du commun qui ont marqué l’EFEO de leur présence, à propos desquelles un article complet mériterait d’être consacré. Mais si les fantômes de ces chercheurs hantent encore la mémoire de l’École, cette dernière n’en demeure pas moins une entité bien ancrée dans le siècle. C’est, tout d’abord, l’une des principales antennes d’une École Française d’Extrême-Orient qui en compte 17, réparties dans 12 pays d’Asie, de l’Inde au Japon.

« Avec Chiang Mai et Pondichéry, le centre de Siem Reap est l’un des plus importants de l’institution, créée en 1898 à Saïgon, précise Brice Vincent. Une trentaine de personnes y travaillent, chercheurs, archéologues, personnel administratif et étudiants »

« Certains logent sur place, dans l’une des 7 chambres disponibles à cet usage. Des pièces de l’École sont aussi occupées par des chercheurs qui collaborent avec l’EFEO, sans pour autant en faire partie. L’Université de Sydney, par exemple, dispose d’un bureau ici, tout comme Jean-Baptiste Chevance, qui travaille sur le projet ADF Kulen. »

Quels sont-ils, justement, ces projets auxquels se consacrent, depuis parfois de longues années, les chercheurs présents à l’EFEO ? « Il y en a beaucoup ! », confie en souriant Brice Vincent, qui précise néanmoins : « Tous les travaux de restauration et d’entretien des temples dépendent de l’autorité APSARA, qui coordonne les nombreuses équipes intervenantes. Ce qui permet à l’EFEO d’aborder d’autres thématiques, notamment la recherche. On continue d’effectuer de grandes découvertes, comme l’ont prouvé les campagnes menées avec la technologie du LIDAR. Les survols de Mahendraparvata, sur le Mont Kulen, ont révélé leur lot de surprises. »

Zones prospectées par les campagnes de 2012 et 2015. Carte établie par J.B. Chevance et D. Evans
Zones prospectées par les campagnes de 2012 et 2015. Carte établie par J.B. Chevance et D. Evans

Quand la jungle dévoile ses secrets

En 2012 et 2015, Damian Evans et Jean-Baptiste Chevance, en étroite collaboration avec l’EFEO, ont lancé de grandes campagnes d’exploration à l’aide de cette technologie révolutionnaire. À la différence de la prospection aérienne classique, rendue difficile par la présence d’une végétation particulièrement dense, le LIDAR permet d’obtenir une image extrêmement précise du sous-sol, qui livre ainsi ses secrets les mieux gardés. Si la localisation du site de Mahendraparvata, première capitale de l’Empire Khmer fondé par Jayavarman II sur le mont Kulen, était déjà connue, l’utilisation du LIDAR n’en a pas moins constitué un énorme apport à des connaissances jusqu’alors profondément lacunaires. « Nul n’imaginait l’étendue du site, qui s’est révélé beaucoup plus grand que ce que l’on pensait. Tout un réseau urbain a ainsi été mis à jour, avec ses temples, ses traces d’habitations, ses routes et ses canaux. Si les campagnes de survol sont relativement courtes, de l’ordre d’une semaine tout au plus, l’exploitation des données s’avère quant à elle longue et délicate. D’autres prospections, toujours avec le LIDAR, se sont intéressées aux sites de Sambor Prei Kuk et du Grand Preah Khan apportant, là encore, de nombreuses révélations. »

Image obtenue grâce à la technologie LIDAR
Image lidar du Preah Khan de Kompong Svay

De nouveaux sujets d’étude

Le gigantesque site de Preah Kahn de Kompong Svay, l’un des plus grands complexes angkoriens, fait justement l’objet des recherches menées par Brice Vincent. Les projets LANGAU et IRANGKOR étudient la métallurgie médiévale, qui constitue le domaine de prédilection du directeur de l’EFEO. L’archéo-métallurgie est l’une de ces disciplines relativement récentes qui symbolisent le renouveau des recherches angkoriennes.

« Les thématiques étudiées actuellement ne sont en effet plus tout à fait les mêmes que celles du siècle précédent, constate Brice Vincent. On se focalise maintenant sur les groupes sociaux, sur de nouvelles interprétations des textes et des bas-reliefs, sur les techniques…»

« Ce qui n’empêche pas de faire de nouvelles découvertes. Dans le cas du Grand Preah Khan, nous étudions ce qui pourrait être la première mine de cuivre d’époque découverte au Cambodge. Les procédés techniques et les méthodes mises en œuvre ne sont pas les seuls aspects qui nous préoccupent : nous tâchons aussi d’apprendre qui étaient les mineurs et les ouvriers métallurgistes. Étaient-ils Khmers, ou bien faisaient-ils partie de la minorité Kouy ? Dans quelles conditions travaillaient-ils, et avec quel genre de fourneaux ? Le savoir-faire était-il local ou importé ? L’extraction, la fonte et la réalisation d’objets étaient-elles associées à des rites religieux ? Telles sont quelques-unes des questions soulevées lorsque nous étudions de tels sites. Et il reste encore beaucoup à apprendre sur ce sujet, comme tant d’autres. » L’archéologie expérimentale, qui consiste à reproduire les conditions d’époque, vient alors en aide aux chercheurs. Un fourneau, semblable à ceux utilisés autrefois, a été construit dans la cour de l’EFEO et a permis de confirmer ou infirmer bon nombre d’hypothèses concernant la métallurgie, qui a joué un rôle primordial dans l’expansion, puis la domination exercée par l’Empire Khmer entre les IXe et XVe siècles.

Le grand voyage de Vishnu

Une dizaine de projets sont en cours, qu’ils soient directement du ressort de l’EFEO ou menés en collaboration avec d’autres entités. Deux initiatives particulièrement spectaculaires concernent les statues de Vishnu et de Shiva, comme l’explique Brice Vincent. « L’une, si ce n’est la plus belle pièce du Musée national de Phnom Penh, est sans conteste la représentation en bronze du dieu Vishnu, mise au jour en 1936 au milieu du Baray occidental. La statue, dont une partie est malheureusement manquante, est exposée au musée depuis 1950. Récemment, un inventaire précis des réserves de l’établissement a permis de découvrir certains éléments lui appartenant, assez pour initier une restauration. Celle-ci débutera à l’automne 2022 et sera effectuée en France. Les travaux devraient durer 9 mois, après quoi la statue fera l’objet d’une exposition temporaire au musée Guimet, avant d’être replacée au musée. »

Reconstitution en 3 dimensions de la statue de Shiva
Reconstitution en 3 dimensions de la statue de Shiva par Eric Bourdonneau

Un puzzle de 10 000 pièces et de nouvelles révélations épigraphiques

L’autre défi spectaculaire auquel collabore l’EFEO réside dans le gigantesque puzzle constitué par le Shiva dansant de Koh Ker. Haute de 5 mètres, la statue en pierre a été victime de la fureur des contrebandiers, qui ont tenté de la sectionner en plusieurs pièces afin de la transporter. Mais la charge explosive utilisée, bien trop puissante, a réduit la divinité en des milliers de morceaux, qu’il s’agit maintenant de rassembler après les avoir patiemment réunis. « Nous pourrions aussi citer le travail de la Mission Archéologique Franco-Khmère pour l’Aménagement du Territoire angkorien, ou MAFKATA, emmenée par Christophe Pottier, qui se penche sur les tout premiers aménagements urbains sur le secteur d’Angkor, qui remontent à l’âge du Bronze. Les recherches sur le terrain ne doivent pas non plus occulter le travail extraordinaire effectué en aval. Nous pouvons citer par exemple les avancées obtenues par Dominique Soutif, qui, par le biais de l’épigraphie, est en train de modifier en profondeur les connaissances de la période qui s’étend du règne de Yasovarman Ier à celui de Jayavarman VII. Pour nous, ces informations se montrent tout aussi précieuses que la découverte d’un nouveau temple ! »

Les connaissances n’ont de valeur que si elles sont partagées

Plus d’un siècle après sa fondation, l’EFEO poursuit donc son œuvre, tournée à la fois sur la recherche et le partage des connaissances. Les bâtiments, réhabilités en 1992 après avoir été transformés, sous les Khmers rouges, en atelier à kramas, accueillent régulièrement séminaires et conférences. « Nous avons un partenariat avec l’université de Phnom Penh et organisons des cours à destination des futurs archéologues. Mais il faut reconnaître que la discipline ne fait pas forcément rêver la jeunesse cambodgienne, même si l’autorité APSARA emploie de nombreuses personnes. Nous essayons pour notre part d’accroître notre présence sur les réseaux sociaux, en multipliant les messages bilingues. Nous tenons aussi à rappeler que l’EFEO dispose d’une vaste bibliothèque accessible à toutes et à tous, sans inscription nécessaire. Les archives de l’École sont quant à elles disponibles en ligne et livrent à chaque clic leurs trésors. Ces documents, constitués de textes, mais aussi de dessins, plans et croquis, constituent une inépuisable source d’émerveillement. »

Photothèque et expositions virtuelles

Sur le site de l’EFEO, une photothèque regroupe les fonds accumulés depuis la création de l’École jusqu’à la prise de pouvoir par les Khmers rouges. Pas moins de 26 687 documents sont ainsi consultables depuis son ordinateur et constituent des témoignages aussi précieux d’exceptionnels. « Que ce soit donc sur place ou en ligne, il est particulièrement important pour nous d’entretenir une proximité avec le public, chercheurs ou tout simplement curieux. C’est l’une des raisons d’être, depuis sa fondation, de l’École Française d’Extrême-Orient. »

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