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Académie des Arts Culinaires du Cambodge : À la rencontre des apprentis cuisiniers

Aux alentours de 9h du matin, aux abords du Marché Central de Phnom Penh, le Quad Café commence à se remplir d’une clientèle pour le moins particulière. Ces jeunes, tous habillés de chemises blanches et pantalons rayés sont les étudiants de l’Académie des Arts Culinaires du Cambodge (AACC), école qui a ouvert ce café au rez-de-chaussée pour vendre les créations des élèves. La masse d’élèves se dirige donc vers les étages supérieurs, scène principale de leur vie estudiantine.

Teera, étudiant du niveau Basics

Teera, étudiant du niveau Basics


Un cursus en deux ans

Les élèves se répartissent en deux niveaux, Avancés et Basics. Tous étudient une première partie de l’année à travers des ateliers pratique et des cours théoriques, abordant la vente par exemple, le management, le suivi de recettes, mais aussi l’Anglais. « J’ai été très étonné par le cours de Food Knowledge, auquel je ne m’attendais pas du tout », confie Teera, élève en niveau Basics. « On apprend à y identifier les aliments, à les différencier en fonction de leur qualité, par exemple ». Puis, après le semestre de cours et d’ateliers, tous passent leur second semestre en stage dans des restaurants et hôtels, pour pratiquer ce qu’ils apprennent le reste de l’année.

Lymlida préparant le plat qui sera servi ce midi

Lymlida préparant le plat qui sera servi ce midi


Pratique à l’honneur

Mais en cours, la pratique est aussi au menu. Le matin, les avancés préparent le repas du midi. Lymlida, en cuisine, apprend à préparer un glacis carottes pendant que d’autres, à côté, s’activent pour terminer le bœuf bourguignon sous l’oeil du chef Olivier. « Nous réalisons beaucoup de recettes internationales, mais souvent adaptées aux produits locaux », explique Lymlida. « Ça nous sensibilise entre autres aux problèmes d’empreinte carbone des produits importés et aussi à l’importance de la fraîcheur des aliments ». Ce que confirme Carmen, chef italienne en boulangerie-pâtisserie. « J’adapte les recettes avec des épices et des saveurs d’ici, comme le poivre de Kampot, par exemple ».

Les élèves du niveau Basics, quant à eux, apprennent les fondamentaux de la cuisine à travers des cours ciblés, tels que la découpe des légumes. C’est dans cet atelier que nous suivons Teera. Avant le cours, il révise, avec deux autres élèves, ce qu’ils ont appris la veille. Ils passent en revue les différents couteaux, leurs noms et leur utilisation. “C’est mon premier cours pratique. Pour l’instant, je n’ai eu que de la théorie ! ».

Teera et un camarade révisent le cours de la veille

Teera et un camarade révisent le cours de la veille


« Certains ont déjà de l’expérience, quand ils entrent à l’AACC », admet Bruno Cardone, qui prépare les contenus des cours. “Mais tous entrent en Basics. En effet, même si certains ont déjà travaillé en cuisine, c’est dur d’avoir de l’expérience dans tous les domaines et ils n’ont pas de vue d’ensemble sur la gastronomie et l’hôtellerie ».

Un esprit d’entraide et de partage

« La différence de niveau et d’expérience se ressent dès les premières semaines », confie Teera. « Certains n’osaient déjà plus parler et partager leurs connaissances alors que nous étions tous dans le niveau débutant. Mais je ne pense pas que cette hétérogénéité soit un handicap, au contraire. Justement, elle permet aux élèves moins expérimentés de se faire aider par les autres. Il y a beaucoup d’entraide, nous ne sommes pas en compétition ! ».

Sokha, élève en niveau avancé, travaille par ailleurs dans un restaurant

Sokha, élève en niveau avancé, travaille par ailleurs dans un restaurant


Selon Sokha, cette diversité de niveau est aussi un atout pour ceux qui ont déjà de l’expérience. Cet étudiant en niveau Avancé, rencontré dans la salle de boulangerie – pâtisserie, a déjà beaucoup travaillé dans des restaurants. « Cela m’a permis, en aidant les autres, de développer de nouvelles compétences de travail en groupe par exemple, et de pédagogie ». « J’aime apprendre aux autres », précise-t-il. « Plus tard, je veux revenir ici enseigner ce que l’on m’a appris. En effet, je viens d’une famille pauvre, et, enfant, j’avais l’envie d’apprendre. Mais personne ne m’a rien enseigné ou n’a partagé un quelconque savoir. Avant, je travaillais gratuitement dans des restaurants, uniquement dans le but d’apprendre. Puis, j’ai eu la chance de bénéficier d’une bourse d’études pour venir ici ».

Qualités humaines

Au delà du contenu strict des cours, c’est aussi une sorte d’ « attitude de service » que l’école entend inculquer à ses élèves. « Cela est enseigné à travers des standards, notamment au sujet de l’uniforme, du respect du temps imparti et des horaires, de l’apprentissage du travail en groupes… », détaille Bruno Cardone, Practical Program Manager de l’école.

Dans la cantine de l'école, personnel et étudiants, tous en uniforme, se mélangent et dégustent les plats des élèves

Dans la cantine de l’école, personnel et étudiants, tous en uniforme, se mélangent et dégustent les plats des élèves


« Chaque entreprise a ses procédures opérationnelles types. Certaines sont méthodiques et structurées, d’autres laissent plus d’espace à l’initiative et la créativité. Mais toutes les entreprises essayent d’offrir un service personnalisé, détaillé, orienté vers l’humain. Ce qui s’appelle les “softskills”. Nous essayons de faire en sorte qu’ils développent un esprit critique, qu’ils se demandent à quoi servent les règles qu’ils doivent respecter, pourquoi doivent-ils porter un uniforme. Nous essayons aussi, à travers ces standards de leur enseigner une capacité à réagir au changement, à s’adapter aux exigences de différents types d’établissements.

S’adapter aux standards internationaux

Marcus Kalberer, doyen de l’école, a été Chef exécutif d’hôtels cinq étoiles en Suisse, à Hong Kong, aux Philippines, en Malaisie et en Australie et a travaillé dans une école d’hôtellerie suisse. Bruno Cardone, lui, est italien et a parcouru la Suisse. Il a également travaillé à Chicago avant de rejoindre Marcus Kalberer, qui avait pour projet d’ouvrir l’Académie des Arts Culinaires au Cambodge. Les professeurs sont Cambodgiens, Français, Italiens ou Allemands, un panel qui favorise l’ouverture sur l’international.

L’Académie propose ainsi un diplôme accrédité par la Swiss Hotel Management Academy de Lucerne (SHL). Bruno Cardone travaille sur la conception du cursus pour s’adapter aux exigences d’accréditation de la SHL. Le tout en adaptant les standards de l’école suisse à l’environnement cambodgien. « En effet, la Suisse a une approche commerciale de l’enseignement hôtelier, qui mixe de l’enseignement académique et de la pratique. Tous les établissements proposent une formation en apprentissage, contrairement au Cambodge ». C’est pour cela qu’une approche sur un plus long terme est, selon lui, nécessaire. C’est donc le même contenu et le même résultat au niveau du diplôme, mais il a fallu adapter l’approche au contexte cambodgien. « Ici, par exemple, nous devons beaucoup plus mettre l’accent sur les cours d’Anglais qu’en Suisse. Nous nous en sommes rendus compte petit à petit car cette école est toute nouvelle. Le cursus doit donc évoluer et s’adapter aux besoins des étudiants ».

Bruno Cardone souligne aussi qu’il a fallu revoir un peu les techniques d’enseignement. Les étudiants cambodgiens sont beaucoup moins indépendants qu’aux Etats-Unis, par exemple. Ils ont besoin d’être plus encadrés. « Nous devons être beaucoup plus proches, vérifier qu’ils ne rencontrent pas de problèmes, même à l’extérieur de l’école », explique-t-il.

Des rêves et des projets plein la tête

Sur la raison qui les a amenés à choisir cette école, les élèves interrogés sont unanimes : L’Académie apporte plus de professionnalisme, et un large éventail de techniques, comme l’explique Sokha : « J’ai choisi cette école car c’est une des meilleures dans ce domaine au Cambodge ». Ce jeune homme de 26 ans veut effectuer son prochain stage en boulangerie-pâtisserie, « car j’aime ce domaine, pour son côté artistique », raconte-t-il tout en expliquant comment réaliser un croissant, du mélange du beurre et de la pâte jusqu’au produit final. « Ici, nous disposons de tout le matériel nécessaire, c’est parfait, pour apprendre ».

Démonstration dans la salle de boulangerie-pâtisserie

Démonstration dans la salle de boulangerie-pâtisserie


Teera a également choisi l’Académie des Arts Culinaires du Cambodge pour sa rigueur et son professionnalisme. Son rêve est de travailler comme cuisinier d’abord puis, à terme, d’ouvrir son propre restaurant, en Australie peut-être. « Et pourquoi pas un restaurant de cuisine italienne… », confie-t-il en souriant. « Je suis très attaché aux saveurs que l’on retrouve dans cette cuisine ». Il se félicite lui aussi du caractère international de l’école : « L’enseignement dans ce domaine en Suisse est réputé pour être très strict et d’un standard très élevé. Je pense que c’est un grand atout, d’avoir ce diplôme. Il nous permettra sûrement de travailler partout dans le monde ».

Lymlida, elle aussi, songe à ouvrir son propre restaurant de cuisine fusion, un jour. « Les stages que nous effectuons chaque année sont très enrichissants, ils nous permettent de découvrir les différentes cuisines ». La jeune fille a en effet travaillé au Topaz, restaurant français, au semestre dernier, et souhaite maintenant trouver un autre stage dans un restaurant japonais.

La motivation avant tout

Tous les postulants de l’Académie sont acceptés, en première année. Mais après, ils doivent faire preuve de motivation et de passion, pour pouvoir passer du niveau Basic au niveau Avancé. La passion, c’est ce qui anime Teera : « J’ai suivi une école de management en hôtellerie. Mais je n’aimais pas particulièrement l’idée de travailler dans les relations clients alors que j’étais passionné par les odeurs et les goûts des plats que je voulais découvrir. J’ai commencé à cuisiner chez moi. C’est ce qui m’a amené à l’AACC ».

Il fait preuve de la même détermination que celle qui anime Sokha, passionné de cuisine qui travaille le soir dans un restaurant pour soutenir sa famille. « Cuisiner ici est vraiment différent de cuisiner dans le restaurant dans lequel je travaille », ajoute-t-il. « Là bas, je suis les consignes sans savoir exactement pourquoi. A l’Académie, on m’explique exactement pourquoi cuire à cette température, combien de temps… C’est pour cela que je suis ici. C’est pour comprendre ce que je fais, et c’est cela qui me motive ! Et ensuite, j’applique ce que j’ai appris, le soir, au restaurant. J’apprends à mes collègues à être plus appliqués, notamment les règles d’hygiènes, par exemple ».

Eva explique aux étudiants du niveau Basics comment s'effectue la découpe des légumes

Eva explique aux étudiants du niveau Basics comment s’effectue la découpe des légumes


Eva, en stage à l’ACAC et étudiante en Suisse, anime l’atelier de découpe des légumes réservés aux Basics. « Je suis impressionnée par leur motivation », glisse-t-elle en les observant s’essayer à la julienne de légumes et tentant de reproduire le maniement du couteau. « Tous sont à l’écoute des conseils qu’on leur donne. Ils sont très intéressés, on voit qu’ils ont envie de réussir. En comparaison, dans mon école en Suisse, beaucoup ne réalisent pas la chance qu’ils ont d’être là et font preuve de beaucoup moins d’efforts et de soif d’apprendre ».

Texte et photographies par Adèle Tanguy

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