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Chronique : Mes chers parents, Angkor est-il devenu un Disneyland pour touristes pressés ?

Visiter les temples d’Angkor est une chose. Les comprendre c’en est une autre ! Mais depuis que le Cambodge est entré des deux pieds dans le tourisme de masse, le nombre de visiteurs « culturels » s’est considérablement réduit.

Mes chers parents, Angkor est-il devenu un Disneyland pour touristes pressés ?

Mes chers parents, Angkor est-il devenu un Disneyland pour touristes pressés ?


On a fait Angkor…

Aujourd’hui, le nouveau pèlerin d’Angkor n’a qu’une envie : attraper le soleil avec ses mains au dessus de la tour principale du temple ou poser son nez contre celui d’une tête de pierre surplombant le Bayon. En jouant avec la perspective, c’est possible. Et c’est drôlement marrant à en juger par les mines réjouies des visiteurs ! Passez quelques heures dans le complexe des temples millénaires et vous tomberez au bout de quelques minutes sur un touriste en train de se ridiculiser devant l’objectif tenu par son comparse, se contorsionnant les mains ou le visage pour parvenir à « la » photo soi-disant originale. Soixante et dix pour cent des billets d’entrées sur le site vendus en un an concernent des pass d’une seule journée ! Angkor est-il devenu un Disneyland pour touristes pressés où seul le cliché mis en scène compte ? Preuves à l’appuis, on pourra ensuite dire : « on a fait Angkor » ! Même si, dans ce musée à ciel ouvert de 400 kilomètres carrés, on n’y aura passé que quelques heures…

Nose to nose Bayon

Certes, mes chers parents, vous allez me dire qu’il y a toujours les passionnés qui cherchent à savoir pourquoi Angkor Wat n’a pas son entrée principale située à l’est comme tout temple qui se respecte ; et est-ce que le roi lépreux avait véritablement la lèpre ? Ou tout un tas d’autres questions qui restent encore sans réponses. Oui, il y a tout de même 1% de touristes qui achètent un billet d’entrée sur le site valable pour sept jours non consécutifs !

Disneyland pour touristes pressés

Ouf ! Le tourisme culturel est sauvé ! Mais, et je vous le dis comme je l’ai vu et comme je le vois chaque jour davantage : on vient à Angkor attraper le soleil avec les mains et on va au Bayon se coller le nez contre Lokeshvara ! Si tant est que les 216 visages situés sur les 54 tours représentent, comme on le suppose, le Bodhisattva le plus célèbre au nord de Siem Reap ! L’important n’est pas tant de savoir qui était ce bonhomme immortalisé dans la pierre. L’essentiel est de savoir positionner le bout de son nez juste au bon endroit ! Il suffit de taper « nose to nose Bayon » sur Google pour réaliser que le phénomène est massif…

Il suffit de taper « nose to nose Bayon » sur Google pour réaliser que le phénomène est massif…

Il suffit de taper « nose to nose Bayon » sur Google pour réaliser que le phénomène est massif…


Mode

Certes, il s’agit là sans doute d’une mode et certainement d’une tendance mondiale. Et les modes sont faites pour passer. On se souvient de celle en forme de challenge, lancée il y a quelques années sur Facebook, qui consistait à photographier son postérieur dénudé dans des endroits insolites et à poster l’image ainsi capturée sur les réseaux sociaux. Les temples n’avaient pas échappé au jeu et une poignée d’idiots ont finit leurs vacances au poste de police du coin. La mode est passée. Celle qui consiste à positionner ses mains ou une partie de son corps en perspective avec un objet en fond l’a remplacée. Elle moins dangereuse certes, mais tout aussi surprenante. Qu’importe ! Chacun est encore libre de mettre ses doigts où il veut tant que cela reste dans les limites de la décence voulue en ces lieux. Non, ce qui inquiète, c’est qu’on ne vient plus à Angkor que pour prendre des photos et plus trop pour savoir ce qu’il s’y passait il y a mille ans. Et même ceux qui ont un semblant d’intérêt n’arrivent jamais à trop se rappeler, le soir venu, qui a fait quoi, quand et comment.

Angkor se mérite

Prenez dix touristes de retour des temples, choisissez ceux qui ont effectué la visite avec un guide et posez leurs quelques questions sur leur journée. Des questions comme : donnez moi deux noms de rois angkoriens ou encore à quelle divinité est dédié le temple d’Angkor ? Qui est le personnage barbu, souvent représenté assis les jambes croisées, qu’on retrouve sculpté sur pas mal de temples, notamment au bas des colonnes d’Angkor ? Même avec un questionnaire à choix multiple il est fort à parier que le taux de réussite serait très faible. Car Angkor se mérite. Et ce mérite passe par pas mal de recherches personnelles sur des tas de thèmes aussi variés que les religions, la géographie, l’architecture et l’archéologie.

Constat sans appel

Sam est guide francophone sur les temples. Il travaille principalement avec des groupes, souvent composés des personnes âgées, aisées pour la plupart. Son constat est sans appel : « on tente de donner un minimum d’informations culturelles lors des visites mais les gens sont vites perdus. Les touristes occidentaux ne sont pas tellement familiarisés avec l’hindouisme. Un peu plus avec le Bouddhisme mais ça reste très vague. Entre les noms des rois, ceux des différentes cités, la destination des temples, les divinités qui y étaient vénérés, les changements de religions successifs et les modifications architecturales qui en ont découlé, on perd vite tout le monde. Alors on s’adapte. Jayavarman 7 devient « le numéro 7 » et le Ta Prohm est au fil du temps devenu « le temple d’Angélina Jolie » ou « le temple de Tomb Raider ». Quand à Tchéou Ta Kouan, l’émissaire chinois qui a rédigé un manuscrit retraçant son séjour dans le Royaume en 1296, il devient le « monsieur Chinois ». Il suffit de dire que c’était à la même époque que Marco Polo et cela aide les visiteurs à se repérer. Pour certains, cela leur donne envie d’aller plus loin et d’approfondir une fois de retour à la maison », explique-t-il en souriant. « Mais sur place, il faut donner envie de découvrir plutôt que d’abreuver d’informations. Alors je suis devenu incollable en emplacement pour faire la belle photo. Et les clients adorent ! », conclut-il. Et si les « clients adorent », finalement, c’est le principal

A bientôt, Frédéric Amat

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