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Photo du rédacteurRémi Abad

Le Meilleur de 2022 : Sophea Oum, l’exil et le royaume

Les meilleurs lectures du magazine parmi les éditions de l'année précédente :

Aller jusqu’au bout de ses engagements, et ils sont nombreux, n’a jamais fait peur à Sophea Oum. Bien au contraire : tout en cultivant une grande modestie, cette femme de convictions n’a cessé, depuis ses plus jeunes années, de mener de multiples combats.

Sophea Oum
Sophea Oum

CM : Madame Oum, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Khmère, une Khmère qui a été arrachée à ses racines, à son pays natal, mais qui ce faisant a eu la chance d’être adoptée par la France et sa culture. De cet épisode douloureux, j’ai contracté deux dettes : l’une envers mon pays d’accueil et l’autre envers mes congénères qui n’ont pas eu la même chance que moi d’échapper à la barbarie.

C’est la raison pour laquelle, très jeune, à 23 ans, je me suis portée volontaire humanitaire dans les camps de réfugiés à la frontière khméro-thaïlandaise et que depuis 1988 je suis engagée dans l’humanitaire et la protection de la culture khmère. Ceci explique aussi pourquoi je suis présidente aujourd’hui de l’Alliance française de Siem Reap.

Dans les camps de réfugiées
Dans les camps de réfugiées

CM : Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance passée en France ?

Avec mes parents, mes sœurs et mon frère, nous vivions en vase clos : sans aucune famille proche, mais entretenant de nombreux liens avec la diaspora khmère à travers toute la France. Nous nous abreuvions des nouvelles du pays et des avancées du règlement du conflit.

Lorsque nous avons quitté le Cambodge en 1975, ma mère n’avait aucun doute sur le fait qu’un jour nous reviendrions.

« Mais l’exil a été difficile : nous ne savions pas parler français lorsque nous sommes arrivés, et nous avons été, comme la plupart des Cambodgiens exilés, marqués par le deuil de parents proches »

Nous nous sommes installés à Horbourg-Wihr, près de Colmar. J’y ai découvert une nouvelle culture et par contraste, j’ai approfondi la mienne, me rapprochant d’une ancienne danseuse du ballet royal, par exemple, et en apprenant et en pratiquant la danse traditionnelle.

CM : Comment s’est déroulée votre installation dans le royaume ? Quelle(s) activité(s) avez-vous exercées au cours des premières années ?

Depuis les camps de réfugiés, j’ai organisé le rapatriement avec les moyens déployés par l’APRONUC.

Cette organisation avait nécessité quelques incursions au Cambodge avec beaucoup d’émotion, vous pouvez l’imaginer. Entourés de militaires, nous nous engagions dans des itinéraires à travers des champs de mines.

Lors d’une exploration, j’ai identifié dans la région de Battambang un point central qui devait servir de point de ralliement à mes orphelins (quelques centaines) si la famille d’accueil qui les prenait en charge lors du rapatriement rencontrait trop de difficulté sur place.

C’est à partir de ce point de ralliement que j’ai fondé l’un des premiers orphelinats du Cambodge.

Devant l’ampleur du besoin, j’ai créé en France en 1997 l’Association SOKOMAR, Association Humanitaire de droit français.

À mon retour au Cambodge, j’ai pris la direction du Centre National de la Soie où j’ai découvert toute la richesse de la tradition séricicole khmère. J’ai ensuite fondé ma propre structure, Golden Silk, en 2002.

Les buts en sont restés les mêmes : promouvoir un art de la soie séculaire, mais qui a bien failli disparaître, tout en venant en aide aux populations rurales. 80 % de notre personnel est constitué de femmes, qui contribuent à faire rayonner cette magnifique soie cambodgienne.

Avec les tisserandes de Golden Silk
Avec les tisserandes de Golden Silk

CM : Pouvez-vous nous parler des causes pour lesquelles vous vous investissez depuis tant d’années ? Vous vous montrez particulièrement active pour la jeunesse, l’éducation, la place des femmes dans la société…

« Je ne choisis pas mes engagements en enfilant des gants de boxe contre quelque chose ou contre quelqu’un, mais pour une cause. L’humain a toujours été au cœur de mes démarches »

La nature ayant horreur du vide, s’il y a de la place « pour », alors je m’y engage.

Et il y a vraiment de la place pour les enfants abandonnés, pour les femmes, pour l’éducation et la préservation de la culture ainsi que pour la biodiversité.

C’est le fondement même de ma philosophie de vie.

Souvenir...dans la presse française
Souvenir...dans la presse française

CM : Qu’est-ce qui vous a poussée à vous engager pour les élections consulaires au sein de la liste Ensemble ? Était-ce la première fois que vous vous portiez candidate ?

C’était en effet la première fois que je participais à cette élection.

Dans les temps difficiles que nous traversons, il y a de la place pour plus de solidarité en dehors des clivages importés de notre mère-patrie. Il y a de la place pour rassembler, pour être ENSEMBLE !

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