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UE – Riz Cambodgien : Le Royaume prêt à réagir face aux taxes européennes

  • 21 janv. 2019
  • 10 min de lecture

Décision

La Commission européenne a finalement décidé d’imposer des droits de douane sur le riz importé du Cambodge et du Myanmar afin de limiter l’essor des importations de riz en provenance de ces deux pays d’Asie du Sud-Est. La décision de l’Union Européenne (UE) affectant le riz cambodgien a été prise à la suite de plaintes de l’Italie et de l’Espagne. Ces deux pays affirmaient que le riz importé en Europe par le Cambodge et le Myanmar affectait sévèrement les producteurs européens.

Récolte du riz au Cambodge. Photographie par Charles Pieters (cc)

Récolte du riz au Cambodge. Photographie par Charles Pieters (cc)


Italie

Rappelons également que Federica Mogherini, Haute Représentante – Vice-Présidente de la Commission Européenne et très impliquée dans la procédure de retrait du régime préférentiel ”Tout Sauf les Armes” a été Ministre italienne des Affaires étrangères pendant huit mois en 2014. L’Italie figure parmi les premiers et les plus virulents demandeurs du rétablissement des taxes sur le riz cambodgien.

Avec une production annuelle de 1,3 million de tonnes, l’Italie est le premier producteur européen et l’un des principaux producteurs non asiatiques au monde. Le riz est principalement cultivé dans les zones entre le Piémont et la Lombardie.

Autres pays

Le Cambodge et le Myanmar exportaient du riz en franchise de droits vers l’Europe depuis 2010, année où l’UE a abandonné ses droits de douane sur la récolte au profit de l’accord “Tout sauf les armes”, une initiative visant à favoriser le décollage de l’économie des pays les moins avancés. D’autres pays d’Asie du Sud-Est, dont la Thaïlande et le Vietnam, paient depuis longtemps des droits de douane d’environ 200 dollars par tonne pour les exportations de riz vers l’UE.

Préjudice économique

Dans un communiqué publié mercredi, l’Union européenne (UE) a déclaré qu’une augmentation importante des importations de riz Indica en provenance du Cambodge et du Myanmar vers l’UE avait causé un préjudice économique aux producteurs de l’UE.

“La Commission européenne a donc décidé aujourd’hui de réintroduire des droits d’importation qui seront progressivement réduits sur une période de trois ans”, indique le communiqué.

Selon la décision de la Commission, l’Union Européenne rétablit à partir du 18 janvier un droit de douane de 175 euros (199 dollars US) par tonne la première année, puis de 150 euros (171 dollars US) par tonne la deuxième année et enfin 125 euros (142 dollars)la troisième année.

Exports cambodgiens en hausse

Au cours de l’enquête ouverte en mars 2018, la commission a constaté que les importations de riz Indica en provenance des deux pays combinés avaient augmenté de 89% au cours des cinq dernières campagnes rizicoles, indique le communiqué.

Enquête :

Selon les enquêteurs de l’UE, l’Italie a fourni des éléments de preuve selon lesquels les importations de riz Indica en provenance du Cambodge et du Myanmar ont considérablement augmenté. Et, leurs parts de marché respectives dans l’UE pour le riz Indica, ont augmenté de 13% à 21% et de 0% à 5% au cours des cinq dernières campagnes de commercialisation du riz.

Le document montre également que les prix à l’importation correspondants étaient nettement inférieurs aux prix des producteurs de l’Union, ce qui aurait causé de graves difficultés aux producteurs et aux transformateurs de riz Indica dans l’Union européenne (UE).

En effet, selon l’UE, la production et les ventes de riz moulu Indica dans l’UE ont diminué de 40% au cours des cinq dernières années, entraînant une chute des parts de marché de l’UE de 52% à 30% au cours de la même période. Toujours selon le document de l’UE, les prix à l’importation du riz blanchi Indica en provenance du Cambodge et du Myanmar étaient même inférieurs au prix moyen du riz brut (paddy) des producteurs. Ces importations auraient donc eu des effets défavorables importants sur la performance globale de l’industrie du riz au sein de l’Union.

Questions…

  1. Concernant les impacts directs de la concurrence du riz venant du Cambodge et du Myanmar, à savoir fermetures d’exploitations rizicoles en Italie, banqueroutes et faillites, le document final de la Commission n’est absolument pas en mesure de fournir de réponse :  ”…Des données fiables sur les faillites et l’emploi dans l’industrie rizicole de l’Union ne sont pas disponibles et n’ont donc pas pu être incluses dans l’analyse…”, indique l’enquête de la Commission Européenne.

  2. Les conclusions d’un cabinet d’études (2017) ne montrent pas de réelles inquiétudes sur la santé du riz produit par l’Italie…Le cabinet Mordor Intelligence indique que : ”… La demande et la production de riz en Italie croissent à un rythme soutenu, la demande annuelle pour l’Europe devrait être stable autour de 3,2 millions de tonnes au cours des cinq prochaines années. Avec un chiffre d’affaires annuel de 1 milliard d’euros, le pays est également devenu le plus gros exportateur de riz japonica en provenance d’Europe. Sur la production totale, 0,3 million de tonnes de riz italien sont exportées vers les autres pays de l’Union européenne et 0,45 million de tonnes sont consommées dans le pays. Globalement, le sentiment à l’égard du marché du riz est modéré en termes de demande et de production sur le marché pour les cinq prochaines années.

  3. ”…La Commission a évalué les indicateurs microéconomiques (prix et rentabilité) sur la base des données vérifiées au seul niveau de l’échantillon. En l’absence de données au niveau global, la capacité de production a donc été analysée au niveau de l’échantillon…”. Les enquêteurs de la Commission n’ont donc pas de chiffres globaux concernant le secteur rizicole en Europe…

Transport du riz au Cambodge. Photographie par ILO (cc)

Transport du riz au Cambodge. Photographie par ILO (cc)


Réactions

Selon Song Saran, fondateur et PDG d’Amru Rice, l’imposition des droits de douane de l’UE sur les importations de riz cambodgien affectera aussi les citoyens de l’UE, car ce sont eux les consommateurs. ”…Cependant, les exportateurs de riz au Cambodge devraient s’attacher à prospecter de nouveaux marchés…Mais pour le moment, ils ont besoin de l’Europe…Il faut donc trouver un moyen de réduire les coûts d’exploitation pour améliorer la compétitivité du riz cambodgien sur ce marché encore primordial…”, a-t-il déclaré.

Fédération du riz du Cambodge

Dès décembre dernier, la Fédération du riz du Cambodge déclarait que les droits de douane constitueraient un revers majeur pour les énormes efforts déployés en faveur du développement de l’industrie du riz au Cambodge. Elle déplorait également les méthodes de L’UE qui combinent les chiffres des importations cambodgiennes avec celles du Myanmar. ”…Cette approche n’est pas la bonne, car les deux pays exportent différents types de riz, le Cambodge privilégiant le riz parfumé au jasmin. Il existe également une grande différence de prix entre le riz cambodgien et le riz birman. Cette combinaison de facteurs conduit à des résultats biaisés…”, argumentait la Fédération.

Ce dernier argument a toutefois été rejeté par les enquêteurs de la Commission Européenne.

Quelques jours avant la décision de l’UE,  Vong Bun Heng, vice-président de la Fédération déclarait à la presse locale que la même menace d’un droit de douane européen sur le riz cambodgien avait déjà porté atteinte à l’ensemble des exportations. “Certains acheteurs internationaux hésitent à passer des commandes lorsqu’ils entendent parler de la décision de l’UE, le choix des acheteurs risque d’être encore plus limité…”, a-t-il déclaré.

Ministère du commerce

Le ministère du Commerce a exprimé ses regrets devant la décision de l’UE sur le riz cambodgien. Il considère la mesure comme «une arme destinée à tuer les agriculteurs cambodgiens». A travers un communiqué de presse, le ministère du commerce a annoncé son intention de protester contre cette décision conformément aux règles juridiques et commerciales internationales. Le ministère du Commerce avance que la décision de l’UE ne reflète pas pleinement les règles du commerce international et les bonnes relations entre le Cambodge et l’Union Européenne.

La déclaration du ministère souligne que la décision de l’UE est susceptible de mettre des agriculteurs et des familles cambodgiennes endettés en situation délicate auprès d’institutions de crédit. Dans sa déclaration, le ministère confirme également qu’il procède à l’examen de la décision. Il invite la Commission européenne à revoir sa décision sur la ”…base des règles du commerce international et de la bonne coopération traditionnelle entre le Cambodge et l’Union européenne…”.

Parti du Peule Cambodgien

”…Cette décision est une action commerciale discriminatoire contre les agriculteurs  du Cambodge et affectera des millions de personnes luttant pour sortir de la pauvreté, a déclaré Sok Eysan, porte-parole du CPP. “…L’action de la Commission européenne est une discrimination commerciale…”.

Gouvernement

Pour d’autres, le nouveau tarif est un signe de l’UE selon lequel le Royaume n’a plus besoin de traitement préférentiel. Phay Siphan, porte-parole du Conseil des ministres , a déclaré à RFA que le gouvernement ne se souciait pas du tarif, mais il a admis que cela aurait un impact économique certain dans l’immédiat. “…L’imposition d’une taxe sur le Cambodge est aussi un développement positif,  qui prouve que le Cambodge est considéré comme un pays capable de payer des droits comme tout autre pays…”, a-t-il déclaré, ajoutant que : ”…Nous savons que l’imposition de cette taxe affectera le secteur, mais nous devons être prêts à rivaliser sur un pied d’égalité avec les autres pays producteurs de riz…”.

Académie royale du Cambodge

Sans citer nommément la décision affectant le riz, le président de l’Académie royale du Cambodge, Sok Touch, a déclaré à la presse locale que la visite du Premier ministre Hun Sen à Beijing dimanche offre au Royaume une bonne occasion de renforcer les relations de la Chine et de contrer les mesures punitives prises par l’Occident.

Il a ajouté que, contrairement à l’Occident, la Chine n’avait pas violé la souveraineté et l’intégrité territoriale du Cambodge et qu’elle pouvait aider le Royaume à contrer toute mesure économique punitive imposée par l’UE et les États-Unis. ”…Le Cambodge a besoin d’une croissance et d’un développement économiques forts. Certains imposent des sanctions économiques…mais le Cambodge ne s’accroupira pas devant les pays occidentaux, il a besoin d’un allié, pour contrer l’effet de ces mesures…”.

Citant la Thailande et les Philippines, Touch a également demandé pourquoi les États-Unis et l’UE n’avaient pas fait pression sur les autres pays de la région pour leurs piètres résultats en matière de droits de l’homme et de démocratie.

La Chine, le Cambodge et le riz

Chine

Avec des productions rizicoles de  125,84 millions de tonnes, la Chine dépend à hauteur de 3,2% des importations de riz . En tenant compte de la contrebande, la dépendance à l’égard du riz étranger dépasse en réalité 5%. On s’attend à ce que davantage de riz et de paddy étrangers pénètrent en Chine dans les années à venir. Confrontée à un exode rural important, le géant asiatique peine en effet à satisfaire sa demande intérieure et, cela pourrait effectivement représenter une opportunité pour le riz cambodgien. Des accords ont été signés et, à partir de 2018. Selon le ministre du Commerce, Pan Sorasak, la Chine s’est engagée à acheter 300 000 tonnes de riz cambodgien chaque année.

Mais les quotas ont du mal à être respectés…

La Chine, premier pays importateur de riz cambodgien depuis trois ans, a importé en 2018 seulement 170 000 tonnes, soit 27% de la production globale du royaume, suivie de la France (90 000 tonnes), de la Malaisie (40 000 tonnes), du Gabon (30 000 tonnes), des Pays-Bas avec plus de 26 000 tonnes, du Vietnam (26 000 tonnes), de la Thaïlande et de la Pologne, moins de 23 000 tonnes, la Belgique et le Royaume-Uni représentant près de 20 000 tonnes.

Autres marchés

Si pour des raisons économiques mais aussi géostratégiques, la Chine dit ”l’ami d’acier du Cambodge”, peut absorber une partie de la production cambodgienne pour palier à d’éventuelles défections de clients européens, maintenir les marchés existants avec la taxe et en conquérir de nouveaux reste un véritable défi. Chacun s’accorde à dire que les coûts de production du riz cambodgien ont besoin d’être revus à la baisse. Coût de l’électricité, frais portuaires et coût du fret, ainsi que les difficultés d’entreposage restent les principaux challenges auxquels reste confronté le secteur rizicole. Une production encore trop peu mécanisée peut aussi obérer la capacité du royaume à prospecter et se poser sur de grands marchés.

Toutefois, le royaume a l’avantage de proposer un riz de très grande qualité, désigné à plusieurs reprises comme le meilleur riz du monde dans certaines catégories (riz parfumé). Le pays ne devrait donc avoir aucun mal à défendre son produit.

Revers ou opportunité ?

S’il s’agit d’une décision-sanction économique susceptible de produire des difficultés à court terme, l’imposition de taxes n’est pas techniquement une catastrophe. Avec une croissance robuste, et un environnement largement ouvert aux investissements et à la coopération commerciale, le royaume peut probablement largement affronter une telle décision.

Le Cambodge n’est aussi certainement pas appelé à vivre éternellement des subsides et aides de l’Occident et cette décision concernant le riz serait apparue un jour ou l’autre. Comme l’explique Phay Siphan, porte-parole du Conseil des ministres, l’imposition d’une taxe sur le Cambodge est aussi un développement positif, susceptible de prouver que le Cambodge est considéré comme un pays capable de payer des droits de douane comme tout autre pays.

Pur business

Une lecture attentive des termes de l’enquête menée par la Commission Européenne montre que les riziculteurs européens ont su s’adapter à la concurrence du riz venant du Cambodge et du Myanmar en s’attaquant à des marché niche tels le riz parfumé et conditionné. Toutefois, cherchant à se positionner aussi sur le marché de niche avec son riz parfumé plusieurs fois désigné comme le meilleur du monde, l’UE cherche clairement à contrer le Cambodge et à défendre une position fortement concurrentielle à venir…

Le document précise que :

”…Les minotiers de l’Union ont décidé de ne pas baisser le niveau de leurs prix malgré la concurrence des importations à bas prix. Ils ont décidé de modifier leur gamme de produits et de se concentrer les produits de marque afin de maintenir leur niveau de profit malgré une baisse de leurs ventes. Il ne s’agit toutefois que d’une solution temporaire dans la mesure où les importations en provenance du Cambodge et du Myanmar / Birmanie sont déjà passés, bien que dans une mesure limitée, des ventes en vrac aux petites ventes en packaging…”.

Diplomatie

L’imposition de taxes et la remise en questions du régime préférentiel ”Tout Sauf les Armes” restent des sujets hautement sensibles et il est probable que la décision européenne soit considérée localement comme un affront, voire une marque de dédain, comme en témoignent les nombreuses déclarations officielles passionnées du coté cambodgiens qui émaillent le débat.

Il serait aussi possible de débattre longuement des décisions de la technocratie européenne qui ont rarement eu un accueil populaire et une bonne presse et, parfois, une réelle efficacité. Bien que l’actuel ambassadeur de l’UE s’emploie à bien différencier les décisions de la commission et l’action européenne en matière d’assistance, il est à craindre aussi que la dernière décision concernant le riz créée quelque amalgame, voire une réaction de rejet. Chacun sait que la diplomatie cambodgienne s’accommode très peu de la technique de pression – affront. A prévoir, peut-être aussi, que l’image renvoyée par la stratégie européenne ait quelques répercussions sur l’environnement des investissements. Les communautés d’affaires au Cambodge, européennes, locales et d’ailleurs, n’aiment ni la mauvaise publicité ni les secteurs en difficulté, même provisoirement.

Relations Cambodge – UE

”…Ces quinze dernières années, le commerce entre le Cambodge et l’Union européenne a augmenté de manière remarquable, avec un taux de croissance annuel moyen de 60%…”, indique le Ministère dans son communiqué concernant la décision européenne, ajoutant que : ”…Grâce à une bonne coopération, le ministère a aidé les commerçants et les investisseurs de l’UE à avoir confiance dans le royaume, à investir et à faire des affaires au Cambodge. Ces investissements ont profité à des milliers d’agriculteurs pauvres au Cambodge en augmentant leurs revenus grâce aux exportations de riz vers l’UE…”.

 
 
 

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