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Photo du rédacteurRémi Abad

Tourisme & Siem Reap : Un petit coin de paradis qui s'adapte à la crise

Imaginer, construire et exploiter un complexe de 32 bungalows de bois, posés au milieu de la nature et à quelques encablures du centre-ville : tel est le pari mené à bien par Manuel Georges, qui retrace pour Cambodge Mag l’aventure de l’« Authentic Khmer Village Resort ».

L’« Authentic Khmer Village Resort »
L’« Authentic Khmer Village Resort »

Piscine à eau salée et jacuzzis privatifs

C’est avec une certaine fierté que Manuel Georges guide ses visiteurs à travers les méandres d’un terrain de 2,5 hectares. Tandis que résonne, sur les petits sentiers ombragés, le bruit des gravillons sous les semelles, le propriétaire des lieux décrit minutieusement le site, de sa conception jusqu’aux tout derniers travaux encore en cours. Un site que Manuel Georges connaît dans ses moindres recoins, et pour cause : ce promoteur immobilier en a conçu tous les aspects, des études préliminaires aux aménagements successifs en passant par la conception des bungalows et leur assemblage. Une affaire de famille, puisque sa femme s’occupe de son côté du design et de la décoration intérieure. Au fur et à mesure de la visite se dessine l’histoire d’un pari un peu fou qui a su se concrétiser avec succès.

La métamorphose d’une rizière

Il aura pourtant fallu du temps et de la patience avant que les touristes de toutes provenances puissent occuper les bungalows et se prélasser dans les nombreuses piscines construites sur ce qui n’était auparavant qu’une rizière. Peu importe : le sol sera drainé, creusé ou surélevé avant d’accueillir les équipes de construction, en charge de tailler le bois acheminé depuis les quatre coins du Cambodge, tandis que sont installés canalisations, regards et pompes permettant une évacuation optimale des eaux de pluie. Une première maison prend forme, avec sa piscine et son jacuzzi privatifs qui jouxtent un lac recouvert de lotus, bientôt suivie par une dizaine d’autres petits bungalows. Inaugurés en 2014, les habitations séduisent d’emblée et ne désemplissent pas, confortant Manuel Georges dans son élan : il tient là un potentiel qu’il faut exploiter, mais pas de n’importe quelle manière.

« Nous avons dès le début voulu construire de la façon la plus respectueuse d’un environnement auquel nous tenons beaucoup »

« Nous avons ainsi travaillé sur l’isolation des bâtiments, tant phonique que thermique, percé des fosses septiques individuelles pour chaque maison, planté des arbres et des plantes partout où nous le pouvions et choisi de remplir nos piscines et jacuzzis d’eau salée plutôt que chlorée. Le filtrage de l’eau ne requiert, quant à lui, l’utilisation d’aucun produit chimique. Nous sommes très fiers de cela. »

Recréer la convivialité villageoise

Au fil des années, la morphologie du lieu a profondément changé, obéissant au désir de recréer au plus près l’aspect et la convivialité d’un village cambodgien. Aujourd’hui, l’Authentic Khmer Village Resort abrite 32 bungalows, dont la superficie s’étend de 40 à 150 m².

« Toutes les gammes de clientèle peuvent y trouver leur bonheur, du voyageur solitaire à la famille nombreuse, en passant par le groupe d’amis et les couples »

« Nous disposons même d’une cabane dans les arbres, qui plaît beaucoup aux adolescents. En tout, plus de cent personnes peuvent être hébergées simultanément sur le site, qui fonctionne normalement grâce à une trentaine d’employés. J’emploie le terme “normalement”, car la situation présente est bien sûr toute particulière. Pourtant, nous ne pouvons pas nous plaindre et choisissons de rester optimistes. Depuis le début de la pandémie, nous n’avons fermé que durant 2 mois, de mars à mai 2021, tout en profitant de ce temps libre pour effectuer des travaux d’entretien. Maisons en bois, toits en tuile ou en chaume, jardins, tout cela nécessite une attention constante. L’arrêt du tourisme international nous a au début fait craindre le pire, mais nous avons été rassurés par l’afflux de visiteurs locaux, qui ne nous ont pas fait défaut. »

L’originalité avant tout

Manuel Georges est alors rejoint par Samdi Hun, manager de l’établissement. Ayant commencé en tant que serveur dès l’ouverture de l’Authentic Khmer Village Resort, Samdi a peu à peu gravi tous les échelons de la hiérarchie pour se montrer aujourd’hui indispensable. « Fête des eaux, Pchum Ben, Nouvel An khmer, 31 décembre… Nous avons eu à chaque fois beaucoup de monde, composé dans son immense majorité de clientèle locale, précise Samdi dans un français parfait. Le concept de l’établissement séduit tout autant les Européens que les Cambodgiens, qui y retrouvent des habitudes qui leur sont chères :

« Venir en famille et passer quelques instants paisibles dans un bungalow, ce qui est un peu comme une tradition ici. »

« C’est une immense satisfaction de constater que la clientèle locale apprécie ce lieu, ajoute Manuel Georges. Dès sa conception, nous avons voulu en faire un endroit original, avec sa propre personnalité, loin des dizaines et des dizaines de “boutiques hôtels' qui ouvraient à l’époque où j’ai décidé de tenter l’aventure ici. »

Samdi Hun, manager de l’établissement
Samdi Hun, manager de l’établissement

Tomber amoureux d’un pays

C’est à un ami de longue date que Manuel Georges doit d’avoir découvert un pays qu’il ne songeait pas particulièrement à visiter. « Cet ami, qui a connu le royaume avant la tragédie des Khmers rouges, ne tarissait pas d’éloges sur cette contrée merveilleuse. En 2009, ce dernier m’a offert l’un des plus beaux cadeaux d’anniversaire qui soit : un voyage d’un mois en Asie du Sud-Est, véritable périple qui allait me faire découvrir des pays qui m’étaient totalement inconnus. Thaïlande, Laos, Vietnam et, bien sûr, Cambodge ont été visités “à la dure”, avec de longs trajets en bus, en barque ou à bord de vieux coucous, dormant dans de petits hôtels et mangeant local en compagnie de cet ami cher qui me racontait les histoires qu’il avait vécues ici. Les pays visités étaient évidemment tous incroyables, mais plus que n’importe quel autre, c’est surtout le Cambodge qui m’a profondément marqué. Pas seulement pour la beauté des paysages ou la richesse archéologique, mais principalement pour ses habitants, leur résilience et leur capacité à se reconstruire malgré toutes les épreuves traversées. Et de tous les lieux visités au Cambodge, c’est Siem Reap qui m’a le plus impressionné, par sa capacité à faire cohabiter l’Histoire avec un grand H avec un esprit festif et cosmopolite. Dès la fin du voyage, j’étais décidé à revenir ici pour y créer quelque chose. »

Manuel Georges, créateur de l’Authentic Khmer Village Resort
Manuel Georges, créateur de l’Authentic Khmer Village Resort

Parcours atypique

Depuis, Manuel Georges partage sa vie entre le Cambodge et la France, où il continue son activité professionnelle dans l’immobilier. Le pâtissier qu’il était, apprenti dès l’âge de 13 ans et titulaire d’un CAP, s’est mué au cours de sa vie en restaurateur, promoteur, hôtelier et associé dans un domaine viticole. Un parcours atypique, mais brillant, qui l’a vu diriger son propre restaurant à 18 ans et fonder son agence immobilière à 31 ans.

« Ce sont des influences et des rencontres qui m’ont mené jusque là. Influence de mon père, par exemple, qui comme tout bon pied-noir qui se respecte affectionnait particulièrement cuisiner »

« Influence de cet ami qui m’a fait découvrir l’Asie, ou encore celle de mon ancien patron avec qui je me suis associé pour fonder une agence immobilière. Il y a eu aussi la rencontre déterminante avec Jean-Charles Foellner, ancien DG de la brasserie Fischer, avec qui je suis associé dans la gestion du Château Paradis, dans le Var. Avoir des gens comme eux pour modèles ou amis est une chance inestimable. »

Tirer les leçons de la crise

Confiant dans l’avenir, Manuel Georges espère que le pays pourra renouer avec le tourisme d’ici la fin de l’année.

« Les gens ont envie de voyager, ils ont envie de rêve et d’exotisme, envie de découvrir des endroits magiques comme le Cambodge »

Avant cette crise, notre clientèle était principalement composée de voyageurs européens, mais jamais je n’oublierai la fidélité dont ont fait preuve les Cambodgiens durant cette période. Nous allons à notre tour faire des efforts afin de nous orienter un peu plus vers ce public afin de lui rendre la pareille. » En attendant le retour des touristes, l’Authentic Khmer Village Resort continue de fonctionner, même si certains services, comme le bar et le restaurant, demeurent fermés. « Nous proposons des solutions telles que la mise à disposition de barbecues, et mettons l’accent sur le service en chambre. Des journées à thème vont aussi être organisées, je pense notamment au prochain tournoi de pétanque qui va certainement rassembler pas mal de monde. Le Covid marque une crise sans précédent, mais il nous a aussi forcés à réagir, à penser différemment afin de nous adapter. C’est ce côté positif qu’il faudra retenir. »

Une autre leçon aura été de se montrer solidaire, par la distribution de riz dans les foyers défavorisés, les aides au développement et le matériel fourni aux écoles de campagne. « Je suis depuis longtemps engagé auprès d’une ONG qui œuvre en Afrique, dans la création et le maintien de dispensaires, l’acquisition de matériel hospitalier, d’ambulances… Nous aimerions créer la même chose au Cambodge, à destination des campagnes. J’ai aussi rejoint l’association “G une école”, que je tiens à saluer et qui fait un travail remarquable, axé sur la scolarisation et l’aide alimentaire. Les dons ont déjà permis de distribuer 1 tonne de riz ainsi que des repas à 40 familles en grande difficulté, vivant dans la campagne reculée. »

Dans quelques semaines, Manuel Georges s’envolera de nouveau vers la France, et compte revenir en octobre, en même temps, comme nous l’espérons toutes et tous, que les touristes retrouvant les charmes d’un voyage au long cours.

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