Les premiers effets négatifs du tourisme de masse se feraient-ils sentir ? C’est en tout cas ce que certains professionnels s’autorisent à penser au vu des derniers chiffres publiés par Angkor Entreprise, l’autorité qui gère la billetterie des temples.
Angkor, grosse chute de fréquentation au premier semestre 2019
Une baisse de 7,3% sur 5 mois
En effet, le nombre de touristes étrangers ayant acheté un billet d’entrée pour visiter le complexe d’Angkor a chuté de 7,3% sur les cinq premiers mois de cette année en comparaison avec les chiffres de la même période l’année passée.
Ainsi, 1,12 million d’étrangers ont visité les temples entre le 1er janvier et le 31 mai. Conséquence, les revenus sont également en baisse et ce malgré l’augmentation du prix des billets, avec 50,3 millions de dollars. Soit une baisse de 8,5% par rapport à l’année passée. Le trio de tête des visiteurs étrangers reste quant à lui inchangé avec les touristes Chinois, suivis des Sud-Coréens et des Américains.
Un mois de mai catastrophique
Cette chute est conséquente. Elle va à l’encontre des prévisions et surtout, elle marque un tournant dans la courbe de fréquentation qui ne cessait de croitre ces dernières années. En 2018, le nombre de touristes étrangers à Angkor avait fait un bon de près de 8% en comparaison avec 2017. Cette hausse ne datait pas d’hier et en 2016 déjà, la fréquentation était en hausse de 3,8% par rapport à 2015.
Pour Sophea, qui gère l’agence de voyage éponyme située à Siem Reap, « les cinq premiers mois de l’année sont généralement les mois les plus chargés, ceux de la haute saison. Mai a été très mauvais et juin sera encore pire. Tout les commerçants se plaignent en ville. Or, la prochaine saison touristique commence réellement en novembre. Il faudra attendre jusque là et en deux mois, il sera impossible de remonter la pente : 2019 restera une très mauvaise année ». Même son de cloche auprès de quelques hôteliers de la cité des temples. Pour beaucoup, les taux de remplissage du mois de mai n’ont pas dépassé les 10%.
Angkor n’est pas le Cambodge
Ces chiffres publiés par Angkor Entreprise ne concernent que le nombre de touristes ayant visité les temples et ne reflètent pas la tendance touristique générale. En effet, les chiffres de visiteurs étrangers entrés au Cambodge avec un visa touristique sont, eux, en forte hausse. En avril de cette année, selon le ministère du tourisme, les visiteurs étrangers étaient en augmentation de près de 10% par rapport à l’année passée. Cela signifie que si touristes il y a toujours et encore plus, ils ne privilégient plus les temples d’Angkor, comme ils le faisaient auparavant. Sihanoukville est devenue une destination à part entière pour des milliers de touristes chinois qui ont fait l’impasse sur les temples.
La double peine ?
Face à ce constat, beaucoup préconisent la suppression pure et simple des visas d’entrées pour les ressortissants de certains états comme cela se fait dans quasiment tous les pays de la région. Avec sa politique de suppression de visas pour certains ressortissants européens, le Viêtnam a boosté considérablement son secteur touristique, avec une hausse de plus de 20% en 2018 par rapport à 2019. Et pour les trois premiers mois de 2019, c’est une hausse de 31% qu’a connu ce secteur dans ce pays. Pour beaucoup, le choix de mettre les visas gratuits a été payant.
« Le Viêtnam et la Thaïlande sont des pays dans lesquels les touristes occidentaux peuvent atterrir sans escale, directement depuis chez eux. Et, de surcroît les visas sont gratuits pour nombre de ressortissants étrangers. Au Cambodge, nous avons la double peine », se plaint Sophea. « Pour venir ici, le touriste doit encore payer un billet d’avion depuis Bangkok, Singapour, Hanoi ou Hô Chi Minh-city et s’acquitter en outre d’un visa d’entrée. S’ajoute à cela le tarif du billet des temples. De nombreux touristes réfléchissent à deux fois avant d’engager tous ces frais. A terme, cela aura des conséquences sur la fréquentation, c’est certain »…
F.A.
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