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Société & Saint-Valentin : Trois ministères appellent à la prudence et au respect des valeurs

Comme chaque année, le 14 février est une date à laquelle les dirigeants cambodgiens ne manquent pas de rappeler que la Saint-Valentin est une tradition purement occidentale et que, si celle-ci peut être célébrée, elle doit rester une manifestation d’affection pudique et, par les temps qui courent, également prudente.

Jeune couple cambodgien. Photographie Christophe Gargiulo
Jeune couple cambodgien. Photographie Christophe Gargiulo

Vision déformée de la fête

Le ministre S.E. Hang Chuon Naron avait déclaré à plusieurs reprises lors des précédentes Saint-Valentin que la jeunesse cambodgienne avait une vision déformée de la fête.

Selon le ministre, les étudiants du pays pensent que la Saint-Valentin est le « jour des amoureux » et ceux-ci achètent des fleurs dans le but de convaincre les jeunes filles d’abandonner leur virginité :

« … Acheter des fleurs est une bonne chose, mais pas pour aller au-delà de l’amitié et perdre sa virginité à l’occasion… cela transgresse notre culture… », expliquait le ministre, lors de la précédente Saint-Valentin, ajoutant que :

« … L’expérience a montré que, à cause de la mauvaise interprétation de cette fête des amoureux, certains jeunes couples ont eu des relations sexuelles pendant la Saint-Valentin, ce qui est l’exemple d’une influence culturellement dommageable qui peut également entraîner des drames sentimentaux et au-delà… ce n’est pas un événement traditionnel du peuple khmer »

Abstinence des jeunes filles avant le mariage

Le ministre a toujours souhaité prévenir des entraves au respect de la tradition khmère arguant que l’abstinence des jeunes filles avant le mariage demeure un principe encore sacro-saint dans le royaume. Cela fait plusieurs années que le gouvernement, mais aussi quelques ONG qui avancent que « la Saint-Valentin favorise la propagation du sida », tente de faire passer le message auprès d’une jeunesse de plus en plus sollicitée par des fêtes et célébrations extérieures à la culture cambodgienne.

Il y a quelques années, des tentatives d’avertissement semblables avaient eu lieu, et les autorités avaient même été appelées à sévir contre les marchands de fleurs ambulants. Cela a changé aujourd’hui et les dîners entre amoureux à cette occasion ne choquent plus ou beaucoup moins.

Occasion de sortie

S’il y a aujourd’hui une certaine souplesse, et des avertissements officiels qui seront probablement respectés chez les jeunes Cambodgiens respectueux de la tradition, il y en a plus qu’on ne le pense, la Saint-Valentin est aussi une belle opération commerciale dans le pays, à l’image de nombreux autres pays asiatiques qui suivent eux aussi la tendance en autorisant la célébration de cette fête, avec aussi, parfois, avec quelques avertissements comme la Thaïlande qui suggère une visite dans les temples pour les jeunes couples à cette occasion.

Au Cambodge, centres commerciaux et restaurants populaires chez les jeunes Cambodgiens aisés et établissements de luxe, déploient tout un éventail d’animations et de menus spéciaux, allant du plus classe au plus romantique au kitsch extrême avec burgers et fleurs en plastique.

Quant aux jeunes Cambodgiens d’aujourd’hui, la Saint-Valentin, au même titre que Noël ou le jour de l’an, est devenue pour eux une occasion de sortie, et pour les plus enthousiastes, l’opportunité de déclarer ou confirmer sa flamme.

Sondage

Un sondage mené à Phnom Penh il y a quelque temps indiquait que 15,8 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans prévoyaient d’avoir des relations sexuelles le jour de la Saint-Valentin. Parmi les personnes interrogées, 4,8 % des jeunes hommes ont déclaré qu’ils forceraient leur petite amie à avoir des relations sexuelles, tandis que 40,4 % ont déclaré qu’ils tenteraient de convaincre leurs partenaires.

Depuis, ministères et associations ont multiplié les alertes concernant la Saint-Valentin. Chaque année, le ministère tente de convaincre les jeunes cambodgiens que cette journée populaire en occident ne peut être considérée comme l’occasion d’avoir des rapports sexuels.

Opinions

Jeune cadre dans une entreprise de recrutement, Somaly déclare : « La Saint-Valentin… (rires), c’est très occidental… mais aussi très romantique et mon ami sait que j’aime bien qu’il m’offre quelque chose à cette occasion et l’échange de cadeaux entre amoureux reste assez traditionnel… donc, je ne suis pas choquée. S’il y a des mises en garde, c’est à chacun de savoir s’il souhaite entretenir une relation strictement traditionnelle ou plus libre, mais dans ce dernier cas, la discrétion est de mise concernant les comportements en public ».

Pour Settha, 40 ans, originaire de Kampong Cham et cadre dans une entreprise française :

« … je n’ai jamais célébré la Saint-Valentin parce que ce n’est pas une fête cambodgienne traditionnelle… il y a un impact négatif sur l’harmonie familiale… certaines jeunes filles perdent leur virginité ce jour-là et cela n’est pas envisageable dans notre culture… par contre, si deux jeunes cambodgiens qui s’aiment vont dîner ensemble tout simplement, cela me semble acceptable »

Pour Daneth, 23 ans, originaire de Kandal, célibataire, « … c’est une fête occidentale, et ce n’est pas du tout ma culture. De surcroît, beaucoup de jeunes Cambodgiens célèbrent leur amour beaucoup trop tôt, ce n’est pas bon… ».

Sans aller jusqu’au conservatisme de ce moine bouddhiste qui considère la Saint-Valentin comme « une manifestation maléfique importée de l’occident corrompu dans ses valeurs », les couples plus âgés et donc plus traditionnels montrent une tolérance variable vis-à-vis de leurs enfants, en particulier de leurs filles.

Pour Srey Mom, hors de question que sa fille puisse sortir sans chaperon à cette occasion, Pour Srey Thi et son mari, les temps changent et il est normal qu’il y ait un peu plus de liberté, ils laisseront sortir leur fille, mais sans aller trop loin. Les temps changent…

Prudence

Trois ministères ont appelé la population, en particulier les jeunes, à participer au contrôle de la propagation du Covid-19 lors de la Saint-Valentin ce 14 février. Les ministères demandent également aux parents et à la police de faire passer le message et de rappeler aux jeunes les traditions et les valeurs khmères.

Le 13 février, la porte-parole du ministère de la Santé, Or Vandine, a appelé à un effort de toute la société pour empêcher la multiplication des cas positifs.

« Que devons-nous faire pour montrer notre reconnaissance envers nos proches dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ? N’oubliez pas que l’Omicron circule activement dans notre communauté, et empêcher sa propagation est aussi un engagement de cœur que nous pouvons accomplir », a-t-elle déclaré.

Le ministre de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports, S.E. Hang Chuon Naron, a également proposé des mesures visant à prévenir les activités irrégulières le 14 février dans les écoles publiques et privées, car le ministère observe qu’un petit nombre d’élèves interprètent encore, à tort, cette journée comme un rendez-vous entre amoureux.

Selon le ministre, la Saint-Valentin n’est pas une tradition cambodgienne et certains jeunes oublient leur dignité et s’éloignent de leur culture et de leurs traditions khmères.

« Tous les parents, enseignants et tuteurs doivent éduquer les élèves sur la véritable signification de la Saint-Valentin », a-t-il déclaré.

Il a ajouté que tous les établissements d’enseignement devaient contrôler l’assiduité des élèves. En outre, le ministère a conseillé aux établissements de travailler en étroite collaboration avec les parents, les tuteurs et la communauté pour partager les informations concernant tout comportement irrégulier des élèves..

Le ministère de la Culture a suggéré aux Cambodgiens de profiter de la Saint-Valentin pour partager un amour sincère avec leur entourage et les personnes dans le besoin.

« Nous pouvons également partager notre amour avec les groupes de personnes marginalisées, comme les handicapés, les orphelins et les nécessiteux. Notre preuve d’amour peut prendre la forme d’une lettre affectueuse, de cadeaux ou peut-être d’un repas. Bien sûr, nous devons aussi être attentifs aux mesures préventives et maintenir une distance sociale », a-t-il publié.

Le ministère a également appelé les parents, les tuteurs et les autorités compétentes à tous les niveaux à participer à l’éducation des jeunes afin que les célébrations d’aujourd’hui ne soient pas contraires aux traditions de la culture cambodgienne.

CG

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