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Photo du rédacteurRémi Abad

Restauration & Parcours : Chheang Un, « Rien n’est impossible »

Dernière mise à jour : 23 nov. 2020

Après avoir fait les beaux jours du Malis et du Khéma Angkor, Chheang Un s’apprête à rejoindre Phnom Penh pour une nouvelle aventure professionnelle. Le temps d’une rencontre, le jeune homme se livre et dévoile une incroyable force de caractère.

Chheang Un, « Rien n’est impossible »
Chheang Un

D’un geste habile, Chheang Un se saisit d’une bouteille et fait mine de la jeter en l’air, suivant des yeux sa trajectoire imaginaire et tournoyante avant de la réceptionner de l’autre main. « J’ai découvert le “flair bartending” alors que je débutais ma carrière de barman. J’ai tout de suite été séduit par cet art, qui n’est pas qu’un spectacle. Le barman se doit d’interagir avec le consommateur, de lui procurer autre chose qu’un simple verre rempli. La jonglerie, si elle est correctement réalisée, est un peu comme un tour de magie. Il n’y a qu’à regarder les yeux pétillants des clients ainsi que leurs sourires pour se rendre compte à quel point cela fait son effet ! ».

Dans un peu plus d’un mois, cet employé du Khéma quittera Siem Reap et prendra les commandes du bar du Topaz, à Phnom Penh. S’il compte y exercer ses prouesses de jongleur pour confectionner différents cocktails, Chheang Un entend aussi mettre à profit les six années d’expériences accumulées dans un parcours professionnel dominé par sa devise favorite : « Rien n’est impossible ».

Blazer, lavallière et gestes barrières

Chemise impeccable surmontée d’un blazer, lavallière au col, Chheang Un, qui a terminé son service, s’assoit dans un épais fauteuil gris du Khéma. Le haut du visage laisse apparaître un regard vif et espiègle, tandis que l’autre moitié, mesures sanitaires obligent, est dissimulée par un masque qu’il n’ôtera que pour la séance de prises de vues. « Ces précautions sont importantes pour tout le monde : pas uniquement le port du masque, mais aussi la désinfection des mains et la prise de température », précise le jeune homme tout en désignant le dispositif électronique flambant neuf déployé à l’entrée du restaurant. « En mettant en place des protocoles stricts, non protégeons non seulement nos clients, mais aussi la trentaine d’employés qui fréquentent chaque jour l’établissement. »

Tourner la page de l’orphelinat

« Dans un mois, je commencerai mon nouveau travail à Phnom Penh. C’est une immense opportunité pour apprendre de nouvelles choses tout en exerçant un métier que j’affectionne tout particulièrement. C’est l’occasion, aussi, de repenser à ces années passées dans la restauration, mais aussi aux chances que j’ai eues au cours de ma vie. »

Une vie qui s’est souvent montrée difficile envers Chheang, mais ce dernier déclare avoir toujours fait preuve d’un constant optimisme. Y compris au cours de ses jeunes années, lorsqu’il vivait dans un orphelinat bondé au sein duquel se côtoyaient jour et nuit plus de 150 enfants. Pourtant, nulle trace d’apitoiement lorsqu’il relate ses souvenirs, insistant plutôt sur l’amitié qui le lie toujours à ses anciens camarades d’infortune. « La majorité d’entre nous s’est orientée vers les métiers liés à l’hôtellerie ou au tourisme. Lorsque l’on m’a proposé d’en faire de même, j’ai immédiatement dit oui, même si mon rêve était de devenir professeur d’anglais.

Chheang Un
Chheang Un

Mais une formation à l’école Paul Dubrule, ça ne se refuse pas ! J’avais alors 19 ans, dont 10 passés à l’orphelinat. L’heure était venue pour moi de prendre un nouveau départ. Les premières semaines ont été très dures : réveil à 6 heures du matin, une heure de route en vélo, cours jusqu’à 17 heures et devoirs à faire à la maison. Pourtant, j’ai très vite adoré les matières enseignées et les métiers auxquels elles me destinaient. »

« Quoi de plus réconfortant que de faire un métier que l’on aime ? »

Diplôme en poche, Chheang trouve immédiatement un poste de barman au Hard Rock Cafe de Siem Reap. Il s’y découvre une passion qui ne l’a jamais quitté, et qu’il s’apprête à reprendre derrière le comptoir du Topaz. « J’ai appris à jongler avec les bouteilles en regardant des vidéos et en parcourant les forums consacrés au “flair bartending”. J’ai progressé, jusqu’à aller représenter le Hard Rock Cafe dans une compétition internationale à Bangkok. Peu de temps après, l’une de mes enseignantes, qui travaillait au Malis, m’a contacté.

Elle voulait savoir si je voulais intégrer le restaurant et m’occuper du bar. C’est comme cela que je suis devenu, après quelques mois passés en tant que barman, responsable de cette partie de l’établissement. À moi de gérer les liqueurs, d’en faire l’inventaire, de superviser le personnel et de faire l’interface avec la clientèle. Tout en continuant de jongler lors de certaines occasions festives. Après 2 ans passés au Malis, j’ai eu vent du projet d’ouverture d'un Khéma dans la cité des temples. J’étais avide d’apprendre de nouvelles choses, mais aussi curieux vis-à-vis de la cuisine française qui m’avait toujours intrigué. J’ai postulé et, dès l’inauguration du restaurant, ai été nommé chef d’équipe. »

Savoir se montrer polyvalent est l’une des qualités requises pour exercer au Khéma
Savoir se montrer polyvalent est l’une des qualités requises pour exercer au Khéma

Devenir homme-orchestre

Deux ans se sont depuis écoulés, au cours desquels Chheang se montre fier d’avoir accumulé une multitude d’expériences. « L’un des principes du Khéma est de donner la plus grande autonomie possible au personnel. Pour cela, nous devons, quel que soit notre poste, nous montrer capables d’effectuer toutes les tâches possibles dans un restaurant. Ce n’est pas parce que je suis chef d’équipe que je ne dois pas être capable de tenir la caisse, de servir les clients, de m’occuper du nettoyage… Si tout cela est un peu déroutant au début, on prend vite le pli et cela s’avère extrêmement formateur. Au point que je saurai, le jour où je le pourrai, tenir sans aucun problème mon propre établissement. C’est d’ailleurs ce que j’aimerais faire, en ouvrant un pub, par exemple, ou un café. »

« Je ne cuisine pas, mais j’adore la gastronomie »

C’est en riant que Chheang révèle une facette de sa personnalité, celle du gourmet. Après avoir fait l’apologie des différents types de cafés cultivés au Cambodge, c’est la cuisine française qui devient l’objet de ses éloges. « Travailler au Khéma m’a permis de découvrir toute une série de spécialités, dont ma préférée est sans conteste le “Steak Café de Paris” et son incroyable sauce. La charcuterie, aussi, et puis, surtout, les fromages. Cela m’a pris quelques mois avant de les apprécier, car c’est quelque chose de réellement surprenant et inhabituel pour un palais cambodgien. Les fromages frais ont été une bonne porte d’entrée, avant d’oser aborder des saveurs plus corsées. Maintenant, je pourrais difficilement me passer de mon petit carré de Brie ! »

Chheang Un, lorsqu’il sera installé à Phnom Penh, compte bien continuer à fréquenter le Khéma et ses spécialités. Il pourra aussi exercer ses passe-temps favoris, la pêche, les balades entre amis et le football. « Même si je suis très attaché à la ville de Siem Reap, ce nouvel emploi dans la capitale me permettra de me perfectionner sur certains aspects. Apprendre et s’améliorer sont des choses que l’on devrait faire tout au long de sa vie. C’est la base de toute réussite. »

Texte et photographies par Rémi Abad

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