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Portrait – Musique : Nina Malli, elle vous fait Tango Tango

Missionnée au Cambodge par une agence de développement international, l’Autrichienne Nina Malli a récemment créé Tango Cambodia, le premier Social Club dédié au Tango à Phnom Penh.

Musique : Nina Malli, elle vous fait Tango Tango

Musique : Nina Malli, elle vous fait Tango Tango


Certains d’entre vous ont peut-être fréquenté des soirées de gala ou des dancings Khmers un peu surannés, y remarquant certains couples Cambodgiens d’âge mûr experts en danses de salon, et notamment en Tango. Plein feu sur une danse qui fait chavirer, et sur celle qui pourrait vous y inciter.

Malgré un coude cassé, et l’épaisse moquette de The Bodleian, le nouveau bar à whiskies trendy de Boeung Keng Kang, Nina vient d’effectuer une démonstration quasi aérienne de son talent dans les bras d’un professeur de Tango Autrichien lui aussi, Gottfried Gehberger, en visite au Cambodge. J’ai pour ma part essayé de ne pas massacrer au piano le chef-d’œuvre de Julio César Sanders, Adios Muchachos, qu’ils m’ont demandé de jouer pour eux. Quel moment serait-il plus opportun pour demander à Nina de nous parler de sa passion et de ses activités locales ?

Q : Comment avez-vous démarré Tango Cambodia ?

En arrivant ici, je savais que le Tango allait me manquer. J’y fus initiée par un Maître Argentin qui avait créé en Autriche un véritable regroupement social d’adolescents autour de cette danse, un Social Club, et cela m’a énormément inspirée pour monter Tango Cambodia.

Je suis allé au Saigon Milonguero Meeting à Ho Chi Minh Ville, qui est un événement magnifique dans lequel se rencontrent des danseurs et professeurs de Tango du Monde entier. Deux semaines plus tard, j’étais de nouveau frustrée et je me suis laissée tenter par l’idée de créer un Social Club ici, réunissant des gens curieux afin de leur apprendre la magie de cette danse.  J’ai commencé partager mes ambitions avec des collègues danseurs.

L’un d’entre eux, Rheno Song, un professeur Coréen que j’avais rencontré à Ho Chi Minh Ville, m’a fait la surprise merveilleuse de me proposer de venir à Phnom Penh pendant un mois complet pour m’aider à lancer mon projet. Je ne le connaissais pas vraiment, j’avais simplement dansé avec lui quelques minutes, mais j’ai pensé que c’était là ma meilleure carte, alors j’ai accepté. Nous nous sommes revus à Bangkok lors d’un autre festival de Tango, et je l’ai amené ici ensuite, en Janvier, démarrant le club dans la foulée. Grâce à son talent, j’ai pu attirer un nombre conséquent d’amateurs.

Un autre ami est venu de Shanghai le temps d’un week-end pour une master class. Maintenant j’ai Gottfried qui est venu d’Autriche et va épauler mon travail pendant six semaines. C’est une bénédiction.

Tango Cambodia grandit constamment, nous avons désormais près de vingt membres réguliers. J’arrive à organiser trois sessions par semaine : classes le mardi à Cambo Dance Studio et le dimanche à Dance Academy Cambodia, et ce que j’appelle une practilonga le samedi au Duplex. Nous avons pu mettre sur pied quelques événements additionnels avec des musiciens présents à Phnom Penh : toi, Pablo Enrique De Feo et Gonzalo Rodino.

Dans le vocabulaire du Tango, une milonga est un événement social pendant lequel les gens se rencontrent et dansent. Ma practilonga est à la fois un enseignement et l’occasion de commencer à danser en public, en créant une relation avec d’autres personnes. C’est une manière très efficace d’agrandir le cercle de nos membres.

Tango Cambodia

Tango Cambodia


Q : Le Duplex est connu pour héberger des cours de Salsa. Pensez-vous que les danseurs de Salsa puissent porter intérêt au Tango ?

D’abord, je dois remercier les adhérents de Salsa Phnom Penh pour avoir été si accueillants et m’avoir permis de faire des démonstrations de Tango pendant leurs événements Salsa. Cela m’a beaucoup aidée. Deux Cambodgiens ont aussi amené leur pierre à l’édifice en m’offrant l’accès à leurs studios de danse, permettant à mes débutants d’avoir un espace d’apprentissage sécurisé.

Quelques danseurs de Salsa ont rejoint Tango Cambodia. Le Tango demande beaucoup de technique, il n’existe pas de pas de danse de base qui se répètent et vous permettent de vous produire rapidement sur une piste de danse. Ce n’est pas non plus une danse démonstrative, c’est très intime, même si cela peut être très émouvant à regarder. Dans le Tango, tout repose sur le cavalier, et on ne sait jamais quel pas il va improviser.

Tango Cambodia a plus d’adhérentes que d’adhérents. Nous manquons de cavaliers, de meneurs.

Q : Un manque de meneurs ?

Le cavalier, ou meneur, est l’homme. Nous avons donc besoin d’hommes ! La femme est la partenaire, elle doit savoir interpréter les propositions du cavalier.

Q : Cela n’est-il pas un peu machiste vieille école ?

Le Tango peut être clairement considéré comme une danse machiste. Certains meneurs reconnus peuvent se monter trop orgueilleux et arrogants. Refuser leur invitation à danser pourrait parfois faire exclure une femme de la milonga, mais comme dans tout groupement social volontaire, la plupart des participants viennent trouver épanouissement et plaisir. Les cas extrêmes sont rares. Personnellement, je ne vois pas le Tango comme un jeu de pouvoir et de domination, mais comme une conversation entre deux êtres. Chaque danse commence avec un contact visuel, un regard appuyé, et l’invitation de la femme par l’homme à le joindre dans la danse.

Il faut être deux pour s’exprimer, et c’est la femme qui décide ou non d’accepter l’invitation.

L’homme est le meneur, mais il doit s’assurer de sa capacité à être à la fois accepté et apprécié par sa partenaire. Pour la femme, suivre l’impulsion de l’homme à chaque pas demande une foi absolue en son expertise, exigeant de lui de se sentir à la fois sécurisée et grisée par ses mouvements. Je viens de faire cette courte démonstration avec Gottfried, il m’a totalement mise en confiance, même en considérant ma blessure et le sol moquetté inapproprié à la danse.

Je n’ai jamais rencontré de féministes qui aient vilipendé le Tango, même si les arguments ne manquent pas. Il y a des milongas LGBT en Europe. Il est commun de voir des couples de même sexe danser ensemble, dans les clubs. D’autre part, il est difficile d’initier les jeunes générations au Tango, dont la réputation est effectivement celle de vieille école. Les adolescents sont plus attirés par les nouveaux styles de Musique Latine, qui sont aussi diffusés en masse par les media. Plus encore, le Tango demande de l’assiduité et il y a de nos jours tellement de possibilités pour les jeunes de se divertir, qu’il est délicat de les garder concentrés sur une seule activité.

Q : Avez-vous des adhérents Cambodgiens ?

Comme je le disais, la plupart de nos membres sont des femmes, et oui, nous avons ou avons eu des femmes Cambodgiennes. Certaines ont quitté le groupe car elles se sont rendues compte que le Tango implique un contact étroit, voire intime, et elles se sont senties gênées par cela, plus précisément à cause du contact pectoral. La poitrine est l’épicentre des émotions, le contact des bustes peut être plus perturbant encore que celui des jambes ou des tailles qui a lieu par exemple dans la Salsa ou la Bachata.

Comme nous avons davantage de femmes que d’hommes, les femmes dansent ensemble et cela leur permet peut-être de s’accoutumer aux mouvements intimes sans se sentir intimidées ou embarrassées. J’encourage également les danseuses à fermer les yeux, afin d’être mues par la seule émotion musicale, et de s’habituer à se laisser aller dans les bras de parfaits inconnus. Il faut du temps pour développer la sensibilité nécessaire à accepter la guidance du cavalier. Cela pourrait d’ailleurs être une thérapie pour des personnes qui manquent de confiance en elles. Le Tango est un voyage dans lequel vous pouvez découvrir à la fois votre corps et votre personnalité. En résumé, c’est une exploration de votre for intérieur.

Ayant moi-même appris et dansé le Tango autour du Monde, je pense qu’abandonner la pratique de cette danse ne tient pas à vos origines, votre religion, Culture, ou éducation. Les sensations que provoque le Tango peuvent être tout à fait déroutantes. C’est un challenge personnel.

Q : Qu’est-ce que le Tango a apporté à votre vie ?

La connexion avec autrui. Selon moi, il y a quatre niveaux de connexion dans le Tango. D’abord, une connexion avec soi-même : avec votre âme, votre corps, comment vous situer  dans l’espace, comment gérer vos réactions, votre confiance en soi … Ensuite, une connexion avec le sol : vous apprenez à y puiser l’énergie, vous trouvez votre propre gravité. Plus encore, une connexion avec votre partenaire : compréhension, partage, confiance, harmonie.

Enfin, la connexion avec la Musique : le Tango est un outil qui vous rend capable de ressentir et d’exprimer votre musicalité. C’est une danse toujours improvisée, très créative.  Je puis affirmer que le Tango m’a apporté beaucoup plus de maîtrise, un sens de l’interprétation et de la création, ainsi que de précieuses amitiés avec des gens qui partagent cette passion.

Q : Quelques suggestions musicales pour se familiariser avec le Tango ?

La Cumparsita de Gerardo Matos Rodríguez, par Orquesta Juan D’Arienzo, Remembranza de Mario Melfi par Jorge Maciel y Orquesta Osvaldo Pugliese, Malena de Lucio Demare par Raul Berón Orquesta Aníbal Troilo, et bien entendu El Choclo d’Ángel Villoldo par Orquesta Carlos Di Sarli. Ce sont mes préférés.

Propos recueillis par Philippe Javelle

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