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Ancre 1

Politique : Sam Rainsy, viendra, viendra pas…

« Le président par intérim du Parti national de Secours du Cambodge (PNSC), Sam Rainsy, sera immédiatement arrêté par les militaires s’il met un pied au Cambodge », a déclaré la semaine dernière le ministre de la Défense, Tea Banh.

Sam Rainsy lors d’une interview avec RFA

Sam Rainsy lors d’une interview avec RFA


Annonce de retour

Le 16 août dernier, un communiqué du PNSC annonçait que Sam Rainsy et plusieurs autres hauts responsables du parti retourneraient au Cambodge le 9 novembre, jour du 66e anniversaire de l’indépendance du Cambodge, malgré les avertissements du Premier ministre Hun Sen.

Sam Rainsy a également promis de rallier à sa cause deux millions de travailleurs migrants cambodgiens en Thaïlande, en Corée du Sud, au Japon et dans d’autres pays, à son retour d’exil pour diriger ce qu’il appelle « le rétablissement de la démocratie dans ce pays autoritaire du Sud-Est asiatique ».

Arrestation

Tea Banh a déclaré au service khmer de RFA qu’il avait déjà ordonné à ses troupes de surveiller le retour de Sam Rainsy et de l’arrêter « dès son arrivée ».

« Nous ne permettrons pas à Sam Rainsy de provoquer le chaos dans le pays », a-t-il déclaré, ajoutant que « les soldats stationnés aux frontières le menotteront » dès qu’il tentera d’entrer au Cambodge. « Nous allons le conduire en prison. Nous devons protéger le pays. Nous ne lui permettrons pas de le détruire », a-t-il ajouté.

Samedi dernier, Sam Rainsy a exhorté l’armée à ignorer les ordres de Tea Banh et à « tenir tête au régime » pour sauver la démocratie cambodgienne. « Je crois que les militaires vont tourner leurs armes vers le dictateur et ses partisans », a-t-il annoncé, ajoutant que : « C’est une chance historique pour les Cambodgiens de se révolter contre la dictature. ».

Contexte

Les autorités ont arrêté le président du PNSC, Kem Sokha, en septembre 2017. Et, la Cour suprême du Cambodge a dissous le parti d’opposition et banni 118 de ses élus de la politique deux mois plus tard pour leur rôle présumé dans un complot visant à renverser le gouvernement. Une modification de la loi sur les partis politiques leur a permis ensuite de recouvrer leurs droits à une activité publique sous certaines conditions. Et, Kem Sokha a été sorti de prison pour une assignation à résidence.

Peu de temps après la dissolution du PNSC, l’Europe a engagé le processus de retrait du régime préférentiel Tout sauf les Armes, des taxes ont été rétablies à la hâte sur le riz cambodgien exporté vers l’UE, et les USA menacent également de mettre fin au Système de Préférences généralisé.

L’annonce de M. Rainsy intervient donc dans un contexte international qui a propulsé le Cambodge sous les (mauvais) projecteurs depuis de longs mois. La démarche est-elle délibérée de la part du leader de l’opposition ? Cela n’est pas improbable dans la mesure où ce dernier a largement encouragé l’attitude de l’Europe concernant le retrait du TSA et qu’il prétend aujourd’hui être en mesure d’éviter les sanctions européennes.

Quelque part, il n’a pas forcément tort. Sans avoir cité nommément le cas de M. Rainsy, la Commission européenne a toujours fortement préconisé : « nous attendons des autorités cambodgiennes qu’elles rétablissent la liberté du débat politique et de la concurrence et respectent l’espace pour une société civile libre et indépendante . »

Premier ministre

Quant à la position du Premier ministre qui, comme chacun le sait, déteste les menaces et considère l’attitude de l’Europe comme un agenda politique, elle est restée constante et linéaire quant à cette épée de Damoclès. « Le royaume survivra sans le régime préférentiel TSA », a-t-il déclaré à plusieurs reprises, sans cacher qu’il solliciterait l’appui de la Chine et d’autres partenaires pour pallier les répercussions économiques d’un éventuel retrait du TSA. Les négociations sont déjà en cours et le gouvernement a également pris plusieurs mesures pour renforcer la compétitivité du royaume et pérenniser sa croissance.

Lors de la 73e Assemblée générale des Nations Unies, le Premier ministre cambodgien n’avait pas mâché ses mots : « L’imposition de sanctions unilatérales est devenue une arme populaire de certaines nations dans la gestion de leur politique internationale, complètement dictée par leurs programmes géopolitiques ».

Sur un registre plus personnel, le public a pu suivre les nombreuses joutes verbales entre Sam Rainsy, le Premier ministre et les cadres du PPC. Et, les nombreux commentaires et invectives de part et d’autre depuis l’annonce du retour ne semblent pas aller dans le sens d’un rapprochement.

Avertissements

L’analyste politique Kim Sok a déclaré mercredi à RFA que, détail technique, l’armée cambodgienne ne pouvait pas arrêter Sam Rainsy car seule la police judiciaire du pays est en mesure exécuter une décision de justice. Kim Sok a  laissé entendre que le commentaire du ministre de la Défense constituait tout simplement un avertissement fort.

« Tea Banh veut faire savoir que Hun Sen prépare ses troupes depuis longtemps », a-t-il déclaré.

La déclaration de Tea Banh intervient après celle du porte-parole du Parti populaire cambodgien (PPC), Sok Ey San. Ce dernier a déclaré à RFA qu’il ne pensait pas que Sam Rainsy rentrerait au Cambodge le 9 novembre. Il a appelé le dirigeant de l’opposition un « lâche et un poulet » et rappelé que quiconque l’accompagnerait serait également arrêté.

Mobilisation ?

Mu Sochua, vice-présidente du PNSC et ancienne ministre, a déclaré au journal en ligne UCAnews qu’une mobilisation est en cours : « Cette fois, il ne s’agit pas seulement de Sam Rainsy. Nous reviendrons d’exil avec 16 députés de l’Union européenne ( NDLR ce n’est pas un hasard). Et, nous mobilisons les gens pour qu’ils se joignent à nous. », a-t-elle déclaré, ajoutant que « c’est notre devoir de participer au développement du Cambodge et à la restauration de la démocratie. La seule façon d’y parvenir, c’est d’être à la maison ».

Ce n’est pas la première fois que Rainsy annonce son retour au Cambodge. Depuis l’exil qu’il s’est imposé fin 2015, il a déclaré à plusieurs reprises à ses partisans qu’il serait bientôt de retour dans son pays pour « restaurer la démocratie et chasser Hun Sen du pouvoir ». Mais, pour l’instant, il n’a jamais donné suite à ces annonces.

Sam Rainsy a quitté le Cambodge fin 2015 pour éviter une série de condamnations pour diffamation et autres motifs, mais il continue d’animer activement le parti d’opposition en exil.

Début juin 2018, M. Rainsy a annoncé qu’il avait accepté de rentrer dans le pays en septembre, mais a fait ensuite marche arrière, arguant que son annonce était destinée à « induire en erreur » Hun Sen et le PPC.

Réactions

Cette dernière annonce d’un retour le 9 novembre a suscité des réactions mitigées sur les médias sociaux. Sur sa page Facebook, ses partisans l’appellent un héros et déclarent qu’ils ont totalement confiance en lui. D’autres doutent ouvertement qu’il tienne son dernier engagement.

« Je ne peux avoir confiance en ses promesses », déclare Noan Sereiboth sur UCAnews. Noan est un observateur politique impliqué dans le groupe de discussion Politikoffee. « Il a beaucoup d’excuses pour ses mensonges. Tout est possible avec un politicien comme lui. », ajoute-t-il.

Paul Chambers, expert en politique cambodgienne et professeur de politique à l’Université de Naresuan en Thaïlande, a déclaré qu’après les promesses non tenues de Rainsy, il est difficile d’être convaincu.

Avec plus de nuances, M.Chambers pense que, si les dirigeants du PNSC reviennent d’exil, il est possible qu’ils aient déjà discuté avec ou approché le gouvernement. Il estime que personne n’a envie de troubles graves dans le pays et qu’un retour négocié pourrait apaiser les tensions internationales avec le Cambodge, voire influencer de façon positive les menaces de sanctions économiques qui pèsent sur le royaume.

Poursuites extraterritoriales

Quelques jours après l’annonce du retour de Sam Rainsy, le Premier ministre Hun Sen a engagé une procédure judiciaire extraterritoriale contre M. Rainsy. Suite à de nouvelles déclarations sur les réseaux sociaux mettant en cause le chef du Gouvernement royal à titre personnel, ce dernier a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux français.

S.E. Hun Sen n’a jamais caché qu’il ne laisserait passer aucune déclaration qu’il estime diffamatoire de la part de son opposant politique. S’il a déjà obtenu plusieurs condamnations localement, cette procédure, qui devra être acceptée par un juge français pour qu’elle soit déclenchée, est une étape supplémentaire, et peut-être symbolique, dans ce conflit entre les deux hommes dans la mesure où la justice d’un pays tiers, partenaire du Cambodge et membre de l’UE, est sollicitée.

Viendra, viendra pas ? La question reste en suspens. Toutefois, parmi les nombreuses interrogations liées à l’annonce de Sam Rainsy, une seule certitude demeure : les deux leaders ne s’apprécient guère et semblent camper fermement sur leurs positions, pour l’instant.

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