Lors d’une visite à Koh Kantheay, dans le nord du Cambodge, j’entends les habitants parler de leurs attentes vis-à-vis du nouveau micro-réseau solaire en cours d’installation dans le village.
« Nous prévoyons d’acheter un cuiseur à riz, cela réduira la fumée et j’aurai le temps de faire d’autres tâches », dit quelqu’un. D’autres mentionnent qu’ils n’auront plus à se rendre en bateau sur le continent pour faire charger leur batterie.
« Je pourrai recharger mon ordinateur pour développer du matériel pédagogique et faire des recherches », explique l’instituteur local.
Et la liste est longue. Leur village est situé sur une île à 70 km au sud de Phnom Penh, au beau milieu du Mékong. C’est l’un des 245 villages cambodgiens de la « dernière frontière » qui n’est pas relié à un réseau électrique. Concevoir des modèles viables pour fournir de l’électricité de réseau dans ces endroits - les plus éloignés et les plus difficiles d’accès - n’est pas une mince affaire.
À la demande du ministère des Mines et de l’Énergie (MME), le PNUD est intervenu pour apporter son aide. Pour nous, il s’agit de mettre en pratique la devise de l’ONU « ne laisser personne de côté ». Les communautés vivant dans ces villages sont parmi les plus vulnérables du pays, avec un accès limité aux services publics et aux marchés.
Alors que je regarde les ouvriers vérifier l’alignement des panneaux solaires sous le pâle soleil d’hiver, il est temps de réfléchir au voyage qui nous a menés ici.
L’île de Koh Kantheay est le premier site pour ces micro-réseaux que nous envisageons de reproduire dans 244 villages. C’est le résultat d’un vaste effort impliquant le ministère, l’agence de régulation, la compagnie nationale d’électricité, les entrepreneurs privés du secteur de l’énergie, les communautés locales et le PNUD. Le partenariat solide entre le PNUD et le MME a été la première étape de notre voyage, et une condition préalable pour réunir tous les partenaires concernés autour de la table.
D’autres éléments essentiels de notre approche comprenaient la capacité du PNUD à combiner des conseils politiques avec des essais sur le terrain, la compréhension du contexte local et la volonté d’allouer le temps et les ressources nécessaires pour travailler systématiquement sur les questions, afin de construire quelque chose de durable. Cela signifiait qu’il fallait éviter l’approche traditionnelle consistant à fournir un plan, à construire des micro-réseaux, à crier victoire et à passer à autre chose.
Nous avons suivi un processus d’essais et d’erreurs pendant plusieurs années, en aidant MME à créer des prototypes de modèles avec différentes technologies et modalités de gestion, à suivre les problèmes qui se posaient pendant le fonctionnement de ces réseaux et à étudier la viabilité financière de différents modèles de partenariat public-privé.
Viennent ensuite les négociations sur le niveau de subvention publique requis, ainsi que les accords juridiques et de licence auxquels les régulateurs peuvent souscrire. Ici, la transparence sur les aspects financiers et la capacité à instaurer la confiance entre les acteurs publics et privés étaient essentielles.
« Nous voulions connecter ce village depuis un certain temps, mais sans subventions publiques, c’était trop cher », explique Chhay Soly, 54 ans, responsable technique de l’entreprise d’électricité qui développe le micro-réseau de Koh Kantheay.
Alors, vous vous demandez peut-être à quoi ressemble la recette finale de ce modèle innovant ? Une subvention publique de 70 % pour l’infrastructure initiale, et une subvention opérationnelle supplémentaire pour maintenir les tarifs à des niveaux abordables. Les entrepreneurs énergétiques agréés sont responsables du cofinancement de 30 % de l’infrastructure, de l’exploitation et de la maintenance du micro-réseau, et de la fourniture d’électricité à l’école et à la salle communautaire locales. Les communautés locales sont partiellement propriétaires des actifs et siègent au comité de surveillance de l’exploitation du micro-réseau.
Je voudrais vous faire part de quelques réflexions :
Tout d’abord, d’un point de vue personnel, ce type de programme est la raison pour laquelle j’ai choisi le travail de développement en premier lieu. Comprendre les contextes locaux, découvrir ce qui motive les personnes et les organisations ayant des objectifs et des groupes d’intérêt différents, et trouver des moyens innovants d’aligner ces intérêts pour atteindre les objectifs de développement durable. C’est rassurant de voir que je suis au bon endroit.
« Deuxièmement, ce modèle est l’un des nombreux cas sur lesquels j’ai travaillé cette année dans le cadre de notre portefeuille sur le changement climatique, où les partenariats public-privé-communautaire sont essentiels à la réalisation des ODD pour les plus vulnérables. »
Nous avons soutenu un tel partenariat pour l’accès résilient à l’eau potable, et nous envisageons un modèle similaire pour les solutions de cuisson propre. Je pense que le PNUD a un rôle essentiel à jouer dans cet espace, en aidant à développer, tester, négocier et financer ces modèles innovants.
En regardant l’année à venir, je suis également bien conscient du travail qu’il reste à accomplir. Nous avons besoin d’un impact à grande échelle. Pour notre programme de micro-réseaux, cela signifie maintenant financement. Dans ce modèle de financement mixte, nous disposons déjà d’un cofinancement du secteur privé et d’une subvention opérationnelle du Fonds d’électrification rurale du gouvernement. Nous avons encore besoin de 25 millions de dollars de subventions pour subventionner une partie des coûts d’infrastructure dans tous les villages restants.
Enfin, en écoutant Ny Srey, 55 ans, discuter de la taille du réfrigérateur qu’elle pourrait utiliser et de la manière dont cela pourrait l’aider à développer sa petite épicerie, je me rappelle l’effet multiplicateur que de tels programmes peuvent avoir si nous établissons des liens solides avec d’autres domaines d’activité du PNUD.
Développement des MPME, autonomisation des femmes, solutions numériques… Je suis sûr que 2023 sera riche en opportunités, pour l’île de Koh Kantheay et pour le PNUD.
Par Julien Chevillard - Conseiller technique en chef pour le programme Cambodia Climate Change Alliance PNUD Cambodge
(Cet article a été initialement publié en anglais sur le site du PNUD en Asie et dans le Pacifique).
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